Dennis Meadows

Dennis Meadows est l’un des auteurs du fameux livre de 1972 "Les limites à la croissance dans un monde fini". Partant de l’idée de bon sens que la croissance indéfinie est impossible dans un monde fini, les auteurs, un groupe de scientifiques du M.I.T. américain, utilisaient une modélisation des interactions entre ressources, technologie, pollution et population au niveau du monde entier pour tenter de caractériser des "avenirs possibles" du système économique, de la population humaine et de la planète. Leurs résultats les amenèrent à alerter sur le risque qu’en continuant un développement économique sans limite, l’humanité risquait d’épuiser les ressources de la planète et même de dépasser la capacité de la nature à se renouveler elle-même.

L’étude de 1972 a décrit plusieurs scénarios d’évolution possible de l’économie, de la population et des ressources mondiales, chaque scénario correspondant à des choix différents que l’humanité pouvait collectivement faire à partir de 1972. Leur scénario "On continue comme avant", qui correspond grosso modo à ce qui s’est passé par la suite, prédisait que l’approche des limites de la planète commencerait à exercer un fort impact sur la croissance à partir des environs de l’année 2010, impact qui irait ensuite croissant, finissant par déboucher d’ici 2050 au plus tard sur un effondrement, c’est-à-dire une baisse précipitée du niveau de vie et peut-être de la population mondiale, dans une situation d’épuisement des ressources et de l’environnement naturel.

Il est certes permis de mettre en rapport cette alerte précoce avec l’augmentation d’un facteur 2,5 du prix du pétrole depuis 2005, la tendance au plafonnement de la production de carburants liquides, les tensions alimentaires qui se manifestent depuis 2007 ainsi qu’avec la crise financière initiée en 2008 et toujours en cours.

Voici en exclusivité pour Nœud Gordien la version française d’une récente interview de Dennis Meadows, accordée au magazine autrichien Format à l’occasion des quarante ans de l’étude originelle de 1972.

Le discours de Meadows est d’un pessimisme frappant. Il est tentant – et il serait rassurant – de le rejeter d’emblée comme extrémiste. Attention cependant, car Dennis Meadows est tout sauf un excité apocalyptique ! Avoir été à l’origine de l’étude visionnaire des "Limites à la croissance" dès 1972 lui confère une très forte crédibilité. Il mérite d’être écouté, que son regard sur les prochaines décennies soit trop sombre ou qu’il soit justifié, et les questions qu’il pose sont quoi qu’il en soit judicieuses, bien que fort dérangeantes.

La version originale de l’interview est disponible en allemand sur le site de Format.

Une version anglaise est également disponible sur le site Damn the Matrix.

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FORMAT interviewe Dennis Meadows, l’un des auteurs de l’étude sur "Les limites à la croissance” il y a quarante ans. Les chercheurs américains y démontraient par un ensemble de modélisations, non la date précise d’une crise d’effondrement, mais le fait qu’au milieu de ce siècle, les ressources de la planète Terre seront épuisées.

Ce livre s’est vendu à 30 millions d’exemplaires et Meadows est aujourd’hui le plus connu au monde des "prophètes du crépuscule". Rainer Himmelfreundpointner de Format a rencontré Meadows lors d’une visite à Vienne pour une interview exclusive. Le message du septuagénaire n’est pas plus optimiste maintenant qu’à l’époque, et il n’est pas destiné aux petites natures.

Dennis Meadows, 70 ans, a ébranlé la croyance en un progrès durable avec son étude, commandée par le Club de Rome, "Les limites à la croissance" il y a 40 ans. Economiste, il a été directeur du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), conférencier et il a enseigné au Dartmouth College et à l’Université du New Hampshire, où il a toujours un cours.

FORMAT: M. Meadows, selon le Club de Rome, nous faisons face aujourd’hui à une crise du chômage, une crise alimentaire, une crise économique et financière mondiale et une crise écologique mondiale. Chacune d’elles est un signal nous avertissant que quelque chose ne va vraiment pas. Quoi au juste ?

Meadows: Ce que nous voulions dire en 1972 dans "Les limites à la croissance" (1), et qui est toujours vrai, c’est qu’une croissance physique sans fin sur une planète finie est tout simplement impossible. Passé un certain point, la croissance s’arrête. Soit c’est nous qui l’arrêtons… en changeant notre comportement, ou bien c’est la planète qui l’arrêtera. 40 ans plus tard, nous sommes désolés d’avoir à le dire, mais nous n’avons pratiquement rien fait (2)

FORMAT: Dans vos 13 scénarios, la fin de la croissance physique – croissance de la population mondiale, de la production de nourriture, ou de quoi que ce soit d’autre qui se produise ou qui se consomme – commence entre 2010 et 2050 (3). La crise financière est-elle une partie de tout cela ?

Meadows: Vous ne pouvez pas faire ce genre de comparaison avec notre situation actuelle. Imaginez que vous avez le cancer, et que ce cancer cause de la fièvre, des maux de tête et d’autres douleurs. Ce ne sont pas ces maux qui sont le véritable problème, mais le cancer. Pourtant, ce sont les symptômes que nous essayons de traiter. Personne ne peut croire que le cancer est en train d’être vaincu. Des phénomènes comme le changement climatique et la sous-alimentation ne sont que les symptômes d’une maladie de notre Terre, qui mène inévitablement à la fin de la croissance.

FORMAT: Le cancer comme métaphore de la croissance incontrôlée ?

Meadows: Oui. Les cellules saines s’arrêtent de croître à un moment donné. Ce sont les cellules cancéreuses qui croissent jusqu’à tuer l’organisme. La croissance de la population ou la croissance économique, c’est la même chose. Il n’y a que deux manières de réduire la croissance de l’humanité : réduction du taux de natalité ou accroissement du taux de mortalité. Laquelle préféreriez-vous ?

FORMAT: Personne ne veut avoir à décider.

Meadows: Moi non plus. De toutes façons, nous avons perdu la possibilité de choisir. C’est notre planète qui s’en chargera.

FORMAT: Comment ?

Meadows: Continuons à parler du régime alimentaire. Faites le calcul, prenez la nourriture par personne depuis les années 90. La production de nourriture augmente, mais la population croît plus rapidement. Et derrière chaque calorie de nourriture qui arrive dans les assiettes, dix calories de carburants fossiles ou de pétrole sont utilisés pour la production, le transport, le stockage, la préparation et le traitement des déchets. Plus les réserves de pétrole et de carburants fossiles vont diminuer, plus le prix de la nourriture augmentera.

FORMAT: Ce n’est donc pas un simple problème de distribution ?

Meadows: Bien sûr que non. Si nous partagions équitablement, personne n’aurait faim. Mais le fait est qu’il faut des carburants fossiles comme le pétrole, le gaz ou le charbon pour produire de la nourriture. Et ces ressources diminuent. Que les nouvelles réserves de pétrole et gaz de schiste soient exploitées ou non, le pic du pétrole (4) et le pic du gaz (5) sont dépassés. Cela signifie une pression énorme sur le système tout entier.

FORMAT: Suivant vos modèles la population sera en 2050 aux alentours de 9,5 milliards de personnes, même avec une stagnation de la production de nourriture pour les 30 ou 40 ans à venir.

Meadows: Et cela signifie qu’il y aura beaucoup de gens très pauvres. Beaucoup plus que la moitié de l’humanité. Aujourd’hui il y a une grande partie de l’humanité qui n’est pas nourrie correctement. Toutes les ressources que nous connaissons sont sur le déclin. On ne peut que deviner où tout cela nous mènera. Il y a trop de "si" pour l’avenir : si nous sommes plus intelligents, si il n’y a pas de guerre, si nous faisons une percée technologique. Nous en sommes déjà à ce point où nous ne savons plus faire face à nos problèmes, comment le ferions-nous dans 50 ans quand ils seront plus grands ?

FORMAT: C’est notre manière de faire fonctionner notre économie qu’il faut blâmer ?

Meadows: A propos de notre système économique et financier, il y a quelque chose d’important que l’on oublie. C’est un outil que nous avons développé et qui reflète donc nos objectifs et nos valeurs. Or les gens ne se soucient pas de l’avenir, mais seulement de leurs problèmes actuels. C’est bien la raison pour laquelle nous avons une crise de la dette si grave. La dette, c’est l’opposé du souci de l’avenir. Quiconque s’endette dit : je ne m’occupe pas de ce qui arrivera. Et quand pour beaucoup de gens l’avenir ne compte pas, ils créeront un système économique et financier qui détruit l’avenir. Vous pouvez trifouiller ce système autant que vous voulez. Du moment que vous ne changez pas les valeurs dans la tête des gens, ça continuera. Si vous donnez à quelqu’un un marteau et qu’il l’utilise pour tuer son voisin, il ne sert à rien de remplacer le marteau. Même si vous le lui enleviez il resterait un tueur potentiel.

FORMAT: Les systèmes qui organisent la manière de coexister des gens, ça va et ça vient, ça peut changer.

Meadows : Mais l’homme reste le même. Aux Etats-Unis, nous avons un système dans lequel il est acceptable que quelques-uns soient immensément riches et beaucoup soient fichtrement pauvres, et même qu’ils soient mal nourris. Si nous continuons à trouver cela acceptable, changer le système n’aidera pas. On en reviendra toujours aux mêmes valeurs dominantes. Ces valeurs ont beaucoup de conséquences sur le changement climatique. Et qui s’en soucie ?

FORMAT: L’Europe?

Meadows: La Chine, la Suède, l’Allemagne, la Russie, les Etats-Unis et tous les autres ont des systèmes sociaux différents, mais dans chaque pays les émissions de CO2 augmentent, parce que les gens en réalité ne s’en inquiètent pas vraiment (6). 2011 était le record. L’année dernière (7) il y a eu plus de dioxyde de carbone produit qu’à aucun autre moment de l’histoire auparavant. En dépit du fait que tous veulent que ça décroisse.

FORMAT: Qu’est-ce qui ne marche pas ?

Meadows: Oublions les détails. La formule de base pour la pollution en CO2 se compose de quatre éléments. Premièrement le nombre de gens sur Terre. Multipliez par le capital par personne, donc combien de voitures, de maisons et de vaches par personne, on arrive au niveau de vie mondial. Ceci à son tour multiplié par un facteur d’utilisation d’énergie par unité de capital, c’est-à-dire combien d’énergie il faut pour produire des voitures, construire des maisons ou pour nourrir les vaches. Et finalement, multipliez cela par la fraction de cette énergie qui vient de sources fossiles.

FORMAT: A peu près 80 à 90 pour cent.

Meadows: A peu près. Si vous voulez que les émissions de CO2 déclinent, le résultat d’ensemble de cette multiplication doit décliner. Mais que faisons-nous ? Nous essayons de réduire la part d’énergie fossile en utilisant davantage de sources alternatives telles l’éolien et le solaire. Puis nous travaillons à rendre notre utilisation de l’énergie plus efficace, à isoler les maisons, à optimiser les moteurs et tout çà. Nous ne travaillons que sur les aspects techniques, mais nous négligeons complètement le facteur population et nous croyons que notre niveau de vie s’améliore, ou du moins reste le même. Nous ignorons la population et les éléments sociaux dans l’équation, et nous nous concentrons totalement sur la seule résolution du problème du point de vue technique. C’est la raison pour laquelle nous échouerons, parce que la croissance de la population et du niveau de vie sont beaucoup plus grandes que ce que nous économisons (8) par l’efficacité énergétique et l’énergie alternative. Donc les émissions de CO2 vont continuer à augmenter. Il n’y a pas de solution au problème du changement climatique aussi longtemps que nous ne nous attaquons pas aux facteurs sociaux qui comptent.

FORMAT: Vous voulez dire que la Terre va prendre les choses en main ?

Meadows: Les désastres sont le moyen de la planète pour résoudre tous les problèmes. Du fait du changement climatique, le niveau des mers s’élèvera parce que les calottes glaciaires fondent. Des espèces nuisibles se répandront dans les zones où elles ne rencontrent pas suffisamment d’ennemis naturels. L’augmentation de la température mène à des vents et tempêtes massives, qui à leur tour affectent les précipitations. Donc, davantage d’inondations et davantage de sécheresses.

FORMAT: Par exemple ?

Meadows: La terre qui aujourd’hui fait pousser 60 pour cent du blé de la Chine deviendra trop sèche pour l’agriculture. En même temps il continuera à pleuvoir, mais ce sera en Sibérie, et le pays deviendra plus fertile là-bas. Il y aura donc une migration massive depuis la Chine vers la Sibérie. Combien de fois ai-je dit cela dans mes conférences en Russie. Les plus vieux étaient inquiets. Mais la jeune élite a seulement dit : "Qu’est-ce que ça peut me faire ? Je veux juste être riche".

FORMAT: Que faire ?

Meadows: Si seulement je le savais. Nous arrivons à une époque qui nécessite des changements drastiques dans à peu près tous les domaines. Malheureusement on ne peut changer rapidement notre société ni notre système de gouvernement. De toutes façons, le système actuel ne fonctionne pas. Il n’a pas arrêté le changement climatique, ni empêché la crise financière. Les gouvernements tentent de résoudre leurs problèmes en imprimant de l’argent, ce qui entraînera presque certainement quelques années d’inflation très élevée. C’est une phase très dangereuse. Je sais seulement qu’une personne qui vit dans une époque incertaine a le choix entre la liberté et l’ordre, et qu’elle choisit l’ordre. L’ordre n’est pas nécessairement adéquat, ni juste, mais la vie est raisonnablement assurée, et les trains circulent à l’heure.

FORMAT: Craignez-vous la fin de la démocratie ?

Meadows: Je vois deux tendances. D’un côté, la dissociation d’Etats en unités plus petites, comme des régions telle la Catalogne, et de l’autre une superpuissance forte et centralisée. Pas un Etat, mais une combinaison fasciste d’industrie, de police et d’armée. Peut-être y aura-t-il même les deux à l’avenir. La démocratie est en vérité une expérience sociopolitique très récente. Et elle n’existe pas véritablement actuellement. Elle n’a produit que des crises qu’elle ne sait pas résoudre. La démocratie n’apporte en ce moment rien à notre survie. Le système s’effondrera de l’intérieur, non pas à cause d’un ennemi externe.

FORMAT: Vous parlez de la « tragédie des communs » (9)

Meadows: C’est le problème fondamental. Si dans un village tout le monde fait brouter ses vaches sur le pré luxuriant – qu’en Angleterre on appelait « les communs » – le bénéfice de court terme va en premier lieu à ceux qui choisissent d’avoir davantage de vaches. Mais si cela continue trop longtemps, toute l’herbe meurt, et toutes les vaches.

FORMAT: Donc il faut un accord sur la meilleure manière d’utiliser le pré. La démocratie dans ses meilleurs jours peut y parvenir.

Meadows: Peut-être. Mais si le système démocratique ne peut résoudre ce problème au niveau mondial, il essaiera probablement une dictature. Après tout, il s’agit de problèmes comme le contrôle de la population mondiale. Nous sommes maintenant depuis 300 000 ans sur cette planète et nous avons gouverné de bien des manières différentes. La plus réussie et la plus efficace a été la tribu ou le clan (10), non les dictatures et les démocraties.

FORMAT: Est-ce qu’une percée technologique pourrait sauver la Terre ?

Meadows: Oui. Mais les technologies ont besoin de lois, de ventes, de formation, de gens qui travaillent avec – je vous reporte à ce que je disais juste avant. De plus, la technologie n’est qu’un outil, comme un marteau, ou un système financier néolibéral. Tant que nos valeurs sont ce qu’elles sont, nous essaierons de développer des technologies qui répondent à ces valeurs.

FORMAT: Le monde entier voit actuellement son salut dans une technologie verte durable.

Meadows: C’est un fantasme. Même si nous arrivons à augmenter drastiquement le rendement de l’utilisation de l’énergie, à utiliser beaucoup plus les énergies renouvelables, et si nous faisons des sacrifices douloureux pour limiter notre consommation, nous n’avons pratiquement aucune chance de prolonger la vie du système actuel. La production de pétrole sera réduite de moitié environ dans les 20 prochaines années (11), même compte tenu de l’exploitation du pétrole de schiste. Tout va simplement trop vite. De plus, le pétrole permet bien davantage de choses que l’énergie alternative. Et on ne peut faire fonctionner aucun avion avec des éoliennes. Le directeur de la Banque Mondiale – qui juste auparavant était responsable pour l’industrie mondiale du transport aérien – m’a expliqué que le problème du pic pétrolier n’est pas discuté dans son institution, c’est tout simplement tabou. De toutes façons quiconque essaie est viré ou muté. Après tout, le pic pétrolier détruit la croyance en la croissance. Il faudrait tout changer.

FORMAT: Dans les dépenses des compagnies aériennes la part des combustibles fossiles est très élevée.

Meadows: Exactement. Et c’est pourquoi l’ère du transport aérien de masse bon marché se terminera bientôt. Cela ne sera accessible que pour les grands empires ou pays. Si vous avez beaucoup d’argent vous pourrez peut-être vous protéger de la pénurie d’énergie et de nourriture. Mais vous ne pourrez pas vous cacher du changement climatique, qui affecte à la fois les pauvres et les riches

FORMAT: Avez-vous des solutions à ces méga malheurs ?

Meadows: Il faudrait changer la nature de l’homme. Nous sommes aujourd’hui programmés de la même manière que nous l’étions il y a 10 000 ans. Si l’un de nos ancêtres était attaqué par un tigre, lui aussi ne se souciait pas de l’avenir, mais de sa survie immédiate. Mon inquiétude est que pour des raisons génétiques nous ne soyons tout simplement pas capables de maîtriser des choses comme le changement climatique de long terme (12) Tant que nous n’apprenons pas à faire cela, il n’y a pas de moyen de résoudre tous ces problèmes. Nous n’y pouvons rien faire. Les gens disent toujours: "Nous devons sauver la planète". Non. La planète va se sauver toute seule. Elle l’a toujours fait. Parfois il y a fallu des millions d’années, mais c’est arrivé. Nous ne devrions pas nous inquiéter de la planète, mais de l’espèce humaine.

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(1) : "Les limites à la croissance" a été republié en 2004 dans une version mise à jour. Le livre est disponible en français, dans toutes les bonnes librairies.

(2) : L’exemple le plus net d’action commune de niveau mondial couronnée de succès pour changer un comportement dommageable pour l’environnement est l’interdiction des CFC (chlorofluorocarbones), qui a abouti à stopper la dégradation de la couche d’ozone et à laisser les processus naturels la reconstituer. Cet exemple – que Dennis Meadows cite d’ailleurs dans la mise à jour de l’étude en 2004 – mis à part, force est de lui donner raison.

(3) : Des études récentes, telles celle de Charles A. S. Hall et John W. Day (2009) et celle de Graham M. Turner (2012) indiquent que l’économie mondiale suit en effet une trajectoire assez similaire à celle que prédisait le modèle initial des "Limites à la croissance" en 1972.

(4) : La production de pétrole brut a en effet à ce jour été maximale en 2006 et il est tout-à-fait possible que cette année demeurera celle de la production la plus élevée. Le total de production de tous les carburants liquides a continué d’augmenter depuis cette date à rythme lent, mais seulement grâce aux apports du gaz naturel liquéfié, des biocarburants et du pétrole de schiste, ce qui ne saurait continuer bien longtemps ces ressources supplémentaires ayant chacune des limites assez étroites.

(5) : La production de gaz continue d’être en augmentation, même lente. Il est possible que Dennis Meadows anticipe quelque peu sur ce point.

(6) : Les émissions de gaz carbonique (CO2) ont en effet continué imperturbablement d’augmenter, quelles que soient les grandes intentions affichées par les uns ou par les autres.

(7) : Il s’agit de l’année 2011. Cependant, l’année 2012 a vu des émissions encore plus élevées, et 2013 a battu le record établi en 2012.

(8) : Dennis Meadows fait probablement ici référence au paradoxe de Jevons, qui a pour conséquence qu’une augmentation de l’efficacité énergétique peut paradoxalement résulter en une augmentation de la consommation totale d’énergie.

(9) : Un classique de l’étude économique : en l’absence d’accord mutuel régulant l’utilisation d’une ressource commune limitée, les personnes les plus dépensières utiliseront sans limite cette ressource, jusqu’à l’épuiser ou la dégrader complètement.

(10) : La plus réussie en terme de simple durée : tribus et clans existent depuis des dizaines de milliers d’années, les nations, cités, royaumes et empires seulement depuis des millénaires. Quant aux autres critères de succès, nous nous garderons de suivre Meadows sur ce point.

(11) : Sur le sujet du pic pétrolier, il est utile de consulter le dossier réuni par Matthieu Auzanneau du blog "Oil Man"

(12) : Ni le respect des limites de la nature, ni la planification de très long terme ne sont hors d’atteinte de l’humanité. A preuve la gestion prudente de leurs ressources par la plupart des communautés paysannes traditionnelles. A preuve la forêt de Tronçais plantée au XVIIème siècle sur ordre de Colbert qui s’inquiétait de ce que l’épuisement des forêts priverait la Marine du Roy de bois pour ses bâtiments vers l’année 1900, soit plus de deux siècles plus tard !

La question posée par Dennis Meadows est cependant troublante et difficile car pour gérer prudemment les ressources et l’environnement naturel mondial sur le long terme, c’est à l’échelle de l’humanité qu’il serait nécessaire d’agir, non à celle d’un groupe de villages ou d’une seule nation. Or la coopération internationale a été pratiquement toujours défaillante sur le sujet, et ceci depuis des décennies.


Traduit et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur. Les notes sont de Nœud Gordien. Toute erreur dans la traduction serait de la seule responsabilité de Nœud Gordien.

Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Noeud Gordien est un site d’analyses et d’investigations sur la Crise. Article écrit par Alexis TOULET. Merci de visiter notre site