Série "Les leçons de choses du Lundi" - N°3

Que ce soit pour le déplorer ou pour s’en réjouir, on parle davantage de protection de l’économie nationale suite à la décision du président américain Donald Trump de placer des barrières tarifaires sur les importations d’acier et d’aluminium. Mesures qui peuvent sembler plus ou moins convaincantes - sachant que les métaux de base ne sont pas nécessairement une industrie d’avenir, ni créatrice de beaucoup de valeur ajoutée ni d’emplois.

Voici un exemple récent de protection raisonnée et efficace d’une économie nationale qui contient quelques leçons pour la France. L’administration Trump a bloqué le rachat de l’Américain Qualcomm par l’ "Américain" Broadcom une société théoriquement américaine, aujourd’hui basée à Singapour. La raison citée était "la sécurité nationale", le soupçon étant bien évidemment que Broadcom ne serve que de "faux nez" aux intérêts chinois, en l’occurrence Huawei.

Pourquoi c’est particulièrement judicieux et efficace :

  • Qualcomm est leader mondial dans le domaine des semi-conducteurs, notamment les processeurs pour téléphones portables
  • C’est l’une des entreprises les plus innovantes au monde, par le nombre de brevets déposés
  • Le rival chinois avait il y a deux ans encore quatre ou cinq ans de retard sur Qualcomm. Les intérêts derrière Broadcom ont tenté leur chance au culot : le rachat de Qualcomm aurait vraiment été un très joli coup
  • Surtout dans le cadre d’une stratégie de conquête visant à la domination de marchés entiers : c’est ainsi que les terres rares, les panneaux solaires etc. sont aujourd’hui des industries absolument dominées par la Chine, qui en a conquis la quasi-totalité et y fait donc la pluie et le beau temps

Pourquoi c’est particulièrement instructif pour notre pays :

  • Nous suivons la politique exactement inverse de bradage de nos industries les plus en pointe : Alstom, STX...
  • Ceci pour deux raisons, dont la première est que pour rester ou redevenir une puissance industrielle sérieuse, il faut des gens sérieux aux commandes. Ni l’Allemagne, ni le Japon, ni les Etats-Unis même sous le président Trump - aussi décrié soit-il - ne sont dirigés par de tels branques, que l’on pardonne à l’auteur la franchise du terme
  • Et la seconde est bien sûr notre appartenance à l’Union Européenne. Ce n’est pas la seule, car il aurait peut-être été possible de "finasser" si le ministre de l’Economie Emmanuel Macron avait pris la mesure des enjeux de l’affaire Alstom, ou si le président de la République Emmanuel Macron n’avait pas choisi d’ignorer ceux du cas de STX. Mais si les Etats-Unis ont pu bloquer sans autre forme de procès le rachat de Qualcomm, citant "des risques pour la sécurité nationale" sans les préciser car ils sont "classifiés" et le justifiant de la seule signature d’un ordre direct par le président... c’est bien parce qu’ils n’appartiennent pas à l’UE, et n’ont à respecter que leur droit propre, non pas un droit ni une cour de justice à prétentions supranationales

Défendre ses intérêts y compris économiques sans finasser ni s’excuser : voilà ce que peut une nation indépendante.

Qualcomm_Snapdragon.jpg

Viser la domination d’une industrie d’avenir en rachetant au culot un concurrent en avance sur vous ?

Pas à une nation indépendante et consciente de ses intérêts. A la France, par contre...