Evaluer le rapport de force entre les quatre candidats les mieux placés pour le premier tour de la présidentielle nécessite de tenir compte non seulement des intentions de vote exprimées, mais encore du niveau de certitude de leur choix qu’expriment les sondés. Or la détermination exprimée par les électeurs des uns et des autres est nettement divergente.

Comme c’était déjà le cas à fin mars, tenir compte de ces différences conduit à dessiner une image différente du rapport de forces que celle que la plupart des commentateurs mettent en avant.

  • D’une part l’avance de Marine Le Pen en terme de suffrages certains, bien que plus petite qu’il y a trois semaines, reste significative au point de rendre nettement improbable son absence du second tour.
  • D’autre part un autre candidat s’est rajouté au coude-à-coude Macron - Fillon pour se qualifier au second tour. Jean-Luc Mélenchon, quoique derrière les deux autres en termes d’intentions de vote certaines, est suffisamment proche pour que sa qualification ne relève pas de l’improbable. Ceci d’autant plus que les électeurs de Benoît Hamon - avec lequel existe une grande porosité - sont particulièrement peu sûrs de leur choix, ce qui laisse ouverte la possibilité d’un choix du candidat de la France Insoumise dans les dernières heures avant le vote, avec une logique de "vote utile de gauche"

Nota : Pour les schémas synthétiques qui suivent, c’est la moyenne des sondages publiés par huit instituts entre le 13 et le 19 avril 2017 qui a été utilisée. Le tableau complet en est présenté en fin d’article. (1)

Dernières enquêtes du premier tour - les intentions brutes

L’image du rapport de forces, sans tenir compte du niveau de certitude des choix, fait apparaître quatre candidats principaux, deux favoris Macron et Le Pen, deux challengers Fillon et Mélenchon, avec des différences entre eux assez réduites pour qu’aucun scénario de second tour ne soit véritablement improbable.

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L’image volontiers mise en avant par les commentateurs - à fortement nuancer

Prendre en compte abstention et vote blanc prévisionnel - plus bas qu’il y a trois semaines - ne fait pas changer les rapports de force

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Abstention et blancs ont perdu 7 points depuis la fin mars

Intentions corrigées du niveau de certitude - une candidate est pratiquement assurée de la qualification

En croisant les intentions de vote brutes et l’affirmation sur la certitude du choix, on obtient les intentions de vote certaines.

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L’image la plus précise du rapport de forces, à trois jours du premier tour

L’équilibre entre les quatre principaux candidats apparaît plus nettement quand on l’exprime par rapport au total des intentions de vote certaines.

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A 26% des intentions de vote certaines, Marine Le Pen paraît assurée d’être qualifiée. Le jeu est ouvert pour Macron, Fillon et Mélenchon, chacun séparé du suivant par seulement deux à trois points

Arrivé à trois jour du scrutin, et quoique aucun scénario ne puisse être complètement exclu, il paraît difficile d’imaginer que deux candidats parmi Macron, Fillon et Mélenchon puissent parvenir à refaire leur retard sur la candidate FN, ce qui sauf très grande surprise assure pratiquement la présence de Marine Le Pen au second tour.

Sans doute, la plupart de ceux qui aujourd’hui envisagent de voter pour un Emmanuel Macron ou un Benoît Hamon ne vont pas se réveiller demain décidés à voter pour Le Pen. Ceux qui changeront d’avis iront plutôt vers un candidat proche de leur choix initial. Mais la déperdition qui en résultera pourrait être sensible pour beaucoup d’entre eux.

Second tour - Victoire prévue de l’adversaire de Le Pen... du moins à ce stade

Les trois scénarios de second tour de loin les plus vraisemblables aboutissent suivant les enquêtes d’opinion au même résultat.

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Macron - Le Pen - Stabilité aux alentours de 62% - 38%

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Fillon - Le Pen - Voisinage de 56% - 44%

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Mélenchon - Le Pen - Victoire du candidat FI vers 59% - 41%

Les mêmes réserves qu’à la fin mars doivent cependant être rappelées, s’agissant d’intentions de vote avant que l’affiche du second tour ne soit déterminée. Notamment, le degré de certitude des intentions de vote de second tour n’est pas mesuré par les instituts de sondage, alors qu’il est très différent suivant les candidats pour le premier tour, et naturellement les deux semaines de campagne d’ici le 7 mai pourraient faire évoluer les choix. De plus, dans le cas où l’adversaire de Le Pen serait Macron ou Fillon, le sujet central de l’élection serait l’Union Européenne, et il faut rappeler que l’opinion des Français sur l’UE est beaucoup plus nuancée que ce qu’en disent des commentateurs affirmant que "les Français ne veulent pas sortir de l’euro" - et s’en tenant là. Le résultat de ce qui serait une sorte de référendum sur l’Union européenne ne peut être prévu de manière complètement assurée.

Le nouvel adversaire potentiel de Marine Le Pen - et la Grande Peur des puissants

Si l’adversaire de Marine Le Pen était Jean-Luc Mélenchon, le sujet central du second tour serait naturellement différent, et le candidat de la France Insoumise pourrait être de ce point de vue l’adversaire le plus difficile de la candidate FN.

Cette possibilité, certes moins probable qu’un second tour Le Pen - Macron ou Le Pen - Fillon, provoque rien moins qu’une véritable Grande Peur des puissants, de François Hollande entrant dans l’arène pour empêcher le scénario qu’il craint le plus à Yvon Gattaz le "patron des patrons" prenant l’initiative sans précédent d’un appel direct aux électeurs pour prévenir de "ruine, désespoir et désolation" s’il se réalisait, en passant par Christine Lagarde la directrice du FMI qui l’évoque devant la presse économique américaine. Et la presse allemande qui s’effraie de l’éventualité d’une "crise existentielle" pour l’Europe.

Cette inquiétude tenace du représentant des plus grands groupes, du président sortant comme de la grande presse économique internationale est-elle motivée avant tout par le souci altruiste d’éviter un scénario qui serait dangereux pour la France, ou par la volonté de protéger les intérêts des plus puissants ? A chacun de faire son choix - ce dimanche prochain.

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A moins bien sûr de choisir contre qui on s’abstiendra ?


(1) - La moyenne des enquêtes d’opinion des instituts de sondage BVA, Ifop, Odoxa, Cevipof Ipsos, Harris, Elabe, Kantar Sofres, Opinionway publiées entre 13 et 19 avril est résumée dans ce tableau

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