L’institut d’études d’opinions mondiales Pew Global, référence dans son domaine, vient de publier une très riche étude d’opinion transeuropéenne - L’Euroscepticisme, au-delà du Brexit (en anglais). Elle contient plus d’une information révélatrice, et permet de suivre en direct la dégradation de l’image de l’Union Européenne auprès de beaucoup des peuples membres, et les options différentes qu’ils commencent à envisager.

Voici un passage en revue de quelques-unes des principales conclusions.

L’Union Européenne "en l’état" : une mauvaise chose pour presque la moitié de ses habitants

La médiane des pourcentages sur 10 pays européens donne 51% de regard positif favorable à l’UE contre 47% de négatif.

D’autre part, 42% veulent récupérer au niveau national des pouvoirs actuellement transférés à l’UE, c’est-à-dire deux fois plusque les 19% qui voudraient davantage de pouvoirs pour l’UE au détriment des nations. Autrement dit, la tendance "souverainiste" rassemble tout simplement deux fois plus que la tendance "européiste".

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Plus de souverainisme ? 42% disent oui.

Plus d’européisme ? Seulement 19% sont d’accord...

La situation est évolutive ô combien. La tendance générale à l’essouflement du sentiment pro-européen depuis une décennie s’est brusquement accélérée depuis un an, les regards positifs sur l’UE ont baissé dans tous les pays testés sauf la Pologne

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Seuls les Polonais maintiennent le même regard favorable à l’Union Européenne

L’équilibre entre regards positifs et regards négatifs est très différent d’un pays à l’autre. Les Britanniques, considérés comme éternels réticents à l’intégration européenne, mènent certainement la danse ?

Eh non, ils ne sont que troisièmes parmi les pays étudiés. Après la Grèce - qui a suffisamment souffert de la tutelle européenne pour que son opinion ne soit pas une surprise - c’est la France qui est la plus eurosceptique !

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Les Français sont 61% à voir en l’Union Européenne une mauvaise chose

Il est frappant de constater que la France puisse être le deuxième pays le plus mécontent de l’UE derrière la seule Grèce, et bien davantage que la Grande-Bretagne. Il est vrai qu’à la différence de Paris, Londres a su se protéger de deux des plus intrusives des politiques européennes, l’union monétaire puisqu’elle a refusé l’euro, et le traité budgétaire qui a placé les budgets des Etats de l’eurozone sous la guidance économique de Bruxelles.

D’un autre côté - et on pourrait voir là un paradoxe - les Français ne sont pas les plus pressés pour rapatrier chez eux des pouvoirs attribués à l’UE, loin de là. Ils se situent légèrement en-dessous de la moyenne de l’UE, c’est-à-dire largement derrière les Britanniques, et même derrière les Allemands peut-être - la différence est de l’ordre de grandeur de la marge d’erreur pour ce type de sondage.

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Mais en France, le souverainisme ne l’emporte que de peu sur l’européisme, 39% à 34%


Français plus réformateurs, ou indécis - Britanniques plus déterminés, ou pessimistes

Résumons la différence entre France et Grande-Bretagne quant à l’attitude vis-à-vis de l’UE :

- Le partage regards négatifs / regards positifs parmi les Britanniques (48% / 44%) est très proche du résultat prévu pour le vote du Brexit (43% pour partir / 45% pour rester aux dernières nouvelles c’est-à-dire la moyenne des derniers sondages au 9 juin)

Autrement dit, les Britanniques critiques de l’UE deviennent presque tous des "anti". Ils ne croient pas qu’il soit possible de transformer l’UE en quelque chose qui leur conviendrait mieux, ou bien peut-être l’ont-ils cru mais ils sont devenus plus pessimistes. Et lorsqu’ils ne croient pas que c’est possible, eh bien ils osent voter pour la sortie.

- En revanche, le partage regards négatifs / regards positifs parmi les Français (61% / 38%) est loin du "résultat" prévu d’un référendum sur la sortie de la France, qu’un sondage paneuropéen de mars-avril dernier évaluait à 41 % pour la sortie / 59% pour le maintien.

Sans doute, il faut considérer avec précaution les résultats d’un sondage effectué en dehors de toute campagne référendaire réelle - François Hollande ne prévoit aucun référendum sur la sortie de l’UE ! - donc alors que les gens ne réfléchissent pas activement à une décision et une échéance concrète, ce qui pourrait tout aussi bien faire évoluer l’opinion dans un sens que dans l’autre.

Reste qu’une bonne partie des Français critiques de l’UE ne deviennent pas des "anti", environ un tiers d’entre eux (20% de différence entre 61 et 41). Ils croient probablement encore possible de transformer l’UE en quelque chose qui leur conviendrait mieux, ou bien encore s’ils ne le croient pas ils ne sont pas prêts à envisager d’oser voter pour la sortie.

Cet espoir comme quoi il serait encore possible et réaliste de transformer et d’améliorer l’Union Européenne est-il fondé ? Voilà certes une toute autre question...

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L’optimisme est-il justifié ?