Voici un résumé de situation au sujet de la garantie des dépôts bancaires offerte par l’Etat, établi à partir de sources ouvertes...

Cette garantie est supposée assurer en toute circonstance qu’aucun détenteur de compte ne serait lésé au cas où une ou plusieurs banques françaises feraient faillite, tout comme certaines de leurs consoeurs n’ont pas manqué de s’effondrer ces dernières années (Lehman Brothers, Dexia...)

Mais qu’en est-il au juste ? La garantie des dépôts est-elle valable en toute circonstance ? Est-elle crédible, quels que soient les événements ? Il vaut certes la peine d’aller y voir de plus près... (1)

Quelle garantie?

La loi sur l’épargne et la sécurité financière du 25 juin 1999 a créé le Fonds de Garantie des Dépôts (FGD) en charge d’assurer les dépôts bancaires. D’autre part, les placements en assurance-vie sont couverts par le Fonds de Garantie des Assurances de Personnes (FGAP)

Quel périmètre ?

Les banques / resp. compagnies d’assurance ayant leur siège social en France ainsi que celles dont le siège social est dans un pays extérieur à l’Union Européenne, sont tenus d’adhérer et de contribuer au FGD / resp. au FGAP. Les banques et compagnies d’assurance ayant leur siège social dans un autre pays membre de l’UE sont couvertes par les garanties de leur Etat, non par celles de la France.

Quelles limites sur le type de produit financier ?

Le site du FGD indique que les comptes courants, livrets d’épargne, Sicav et FCP sont couverts par le FGD, tandis que les produits d’assurance-vie sont couverts par le FGAP.

Quelles limites sur les montants ?

- le FGD applique un plafond de 100 000 euros par déposant sur le total des comptes de tous types détenus dans l’ensemble des succursales d’une même banque

- le FGAP applique un plafond de 70 000 euros par déposant et par société d’assurances

- Il est donc possible de s’assurer d’être couvert au-delà de ces plafonds à la condition impérative de répartir ses avoirs entre plusieurs banques / sociétés d’assurance

- Il est également possible de répartir les avoirs entre plusieurs personnes, par exemple Monsieur et Madame pour un couple

Quelles dotations pour quels dépôts sous garantie ?

- Le total des seuls dépôts à vue était en 2011 de 580 milliards d’euros, le total des seuls comptes sur livrets étant à la même date de 559 milliards d’euros (source INSEE). Ajoutant à ces montants ceux des SICAV et FCP, en retranchant la partie au-delà du plafond de garantie, le résultat peut en première approximation être estimé de l’ordre de 1000 milliards d’euros de dépôts sous garantie

- La dotation du FGD est de l’ordre de 2 milliards d’euros de réserves, soit environ 0,2% des montants garantis seulement !

- Le total des encours de contrats d’assurance-vie était fin février 2011 de 1350 milliards d’euros

- La dotation du FGAP est inférieure à 1 milliard d’euros, soit moins de 0,1% des montants garantis !

Il est à peine utile de préciser qu’en cas de faillite d’une quelconque banque ou compagnie d’assurance, les faibles dotations du FGD comme du FGAP seraient immédiatement épuisées, bien trop faibles pour permettre de faire face à des pertes qui pourraient se chiffrer en dizaines si ce n’est en centaines de milliards d’euros !

L’Etat soutiendrait-il obligatoirement le FGD / le FGAP si leur dotation s’avérait insuffisante pour faire face à une / des faillite(s) d’établissements financiers ?

Le FGD est une institution de droit privé gérée par les banques contribuant au fonds. Il n’existe pas à ma connaissance d’engagement explicite de l’Etat à garantir ce fonds, ou encore à garantir le FGAP.

Il est généralement admis que les Etats soutiennent leurs établissements financiers lorsque ceux-ci sont menacés de faillite, que ce soit par des prêts, une nationalisation ou une autre formule. Pour parler un langage de matheux, ceci est admis "sans démonstration".

Que se passerait-il si soutenir le FGD / le FGAP mettait en danger le crédit de l’Etat ?

La dette publique de la France était évaluée fin 3ème trimestre 2012 à 89,9% du PIB. Ce pourcentage est historiquement élevé. Si la situation des banques / compagnies d’assurance françaises nécessitait un soutien de l’Etat d’un montant suffisamment élevé, la question de la solvabilité de l’Etat pourrait être posée.

Pour fixer les idées et à titre de simple illustration, un montant de 20% des dépôts sous garantie FGD / FGAP représenterait environ 24% du PIB français, ce qui porterait la dette publique à environ 114% du PIB, tandis que le service de la dette risquerait d’exploser, les marchés financiers n’acceptant de financer les emprunts d’Etat français qu’à un taux nettement supérieur au taux actuel (lequel demeure favorable).

Les décisions prises par le gouvernement dans un tel cas de figure sont naturellement imprévisibles et le choix serait avant tout politique.Distinguons trois options principales :

1) "Je maintiendrai" – l’Etat garantit tout ce qu’il faut.

C’est le choix qu’a fait l’Irlande en 2008. C’est la raison pour laquelle elle est passée du statut d’Etat bien géré et peu endetté au statut d’Etat au bord de la banqueroute. 

Les épargnants ne subissent pas de perte. Les contribuables, si…

Sans oublier l’ensemble des citoyens soumis à une austérité du modèle "terre brûlée", et les travailleurs perdant leur emploi dans une économie entrant en récession profonde...

2) "Sauvons les banques, sauvons l’Etat, la planche à billets n’est pas faite pour les chiens" – l’Etat garantit les banques au moyen d’une création monétaire massive.

C’est l’option prise par les Etats-Unis et par la Grande-Bretagne en 2008.
Naturellement ceci nécessite une banque centrale sous contrôle, donc très probablement une sortie de l’Euro et la création en urgence d’un nouveau Franc. Contrôle des capitaux probable au moins temporairement. Conséquences à moyen/long terme sur l’inflation pour le moins sujettes à caution.

3) "Live and let die" (Vivre, et laisser mourir) – l’Etat limite ses garanties pour préserver sa solvabilité

C’est l’option choisie par l’Islande en 2008 – qui avait aussi utilisé création monétaire et contrôle des capitaux.
Dans ce cas, les banques et compagnies d’assurance qui font faillite ne sont pas en mesure de rembourser l’ensemble de leurs déposants, qui subissent des pertes sèches, partielles ou totales.

Vivre, et laisser mourir
Bientôt dans un cinéma -ou une banque- près de chez vous ?

Quelle garantie des fonds en cas de défaillance de l’Etat ?

Aucune.

Comment alors dans ce cas sauvegarder ses fonds, ou du moins limiter ses pertes ?

Tentons une comparaison : la Chine se trouve devant un problème similaire (bien sûr à une autre échelle) d’avoir à placer des fonds, sans avoir même l’illusion de pouvoir bénéficier d’aucune garantie.

La stratégie du gouvernement chinois est multi-facettes :

  • Diversifier les monnaies et les Etats auxquels il prête : Etats-Unis, zone Euro, etc…
  • Investir dans des entreprises : rachat d’actions de sociétés étrangères solides
  • Faire des réserves en or et argent physique : la Chine est depuis au moins deux ans le principal acheteur d’or au niveau mondial, le gouvernement rachète de plus l’ensemble de la production minière locale, en même temps qu’il encourage les simples citoyens à eux aussi acheter des métaux précieux
  • Investir dans les matières premières (pétrole, métaux…) et terres agricoles

Tous ces types de placements peuvent représenter une certaine protection contre un effondrement bancaire (2)

Tous sans exception présentent aussi des risques de moins-value ! Si l’on souhaite se protéger contre le risque de faillites bancaires massives dépassant les capacités de l’Etat de prendre les pertes à sa charge, il est impossible de le faire sans s’exposer à d’autres risques.

Au final, cela n’a rien de surprenant : la vie étant par définition risquée, et l’économie une partie de la vie, il tombe sous le sens qu’il n’existe en réalité aucun placement absolument sans risque ! Cela vaut pour le contenu des comptes bancaires et les avoirs en assurance-vie, tout comme pour les actions, les métaux précieux, l’immobilier et autres terres agricoles. Certains présentent des risques de baisse de leur valeur, d’autres d’évaporation soudaine... à des degrés, et dans des circonstances différentes.

Reste pour chacun à faire ses choix, en fonction des risques qu’il accepte de courir et de ceux contre lesquels il cherche à se protéger en priorité. En prenant bien en compte à la fois l’existence des garanties offertes par l’Etat ...et surtout ses limites !

(1) Le total ne représente naturellement que le résultat de mes investigations, et toutes les réserves traditionnelles s’appliquent !

(2) Naturellement, un placement destiné à se protéger d’un effondrement bancaire ne peut être confié à une banque. La possession d’actions par l’intermédiaire d’une banque, ou la possession d’or confié à une banque, s’analyse en définitive comme la possession d’une reconnaissance de dette établie par ladite banque. Ce qui risquerait fort de ne pas servir à grand-chose si cette banque fait faillite, et donc ne peut rembourser ses créanciers que partiellement sinon pas du tout…



Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Noeud Gordien est un site d’analyses et d’investigations sur la Crise. Article écrit par Alexis TOULET. Merci de visiter notre site