Le Noeud Gordien - Tag - Crises politiques et internationalesA l'heure de la Vague scélérate - Conjonction et synergie de toutes les crises en une déferlante globale2024-03-28T12:40:14+01:00urn:md5:2e1e50df2175f77cc507de58e6d51ff5DotclearY aura-t-il vraiment un « après » Covid-19 ?urn:md5:a2674c1922fda419359f0f4520229387Saturday 25 April 2020Saturday 25 April 2020Alexis TouletBilletsCoronavirusCovid-19Crise des ressourcesCrise économique et financièreCrises politiques et internationales<p><em>Alors que l’épidémie de Covid-19 s’étend encore à grande vitesse dans beaucoup de pays - notamment les Etats-Unis - qu’elle n’a fait que commencer à ralentir dans les pays européens les plus touchés et que la Chine première frappée ne redémarre son économie qu’avec lenteur et prudence, l’aspiration et l’attente est générale : alors, l’ « après-Covid 19 », c’est pour quand ?</em></p>
<p><em>Mais il faut d’abord s’entendre. Que veut-on dire au juste par « après » ? Et si le Covid-19 n’était pas une parenthèse ?</em></p> <p>Il y a au moins deux sens à l’expression « après-Covid 19 » :</p>
<ul><li>D’une part le sens le plus direct possible, qui est « ce qui arrive après Covid-19 ». Et dans ce sens, naturellement l’après-Covid 19 a déjà commencé, il a commencé dès l’apparition du virus, ou dans une acception légèrement différente il commence pour chaque pays à partir du moment où le virus s’y répand. En ce sens, l’après-Covid 19, nous y sommes déjà</li>
<li>D’autre part un sens un peu moins direct, mais qui est ce que beaucoup sans doute espèrent, c’est-à-dire « le moment où on pourra enfin oublier ce fichu virus ». Le moment où on pourra recommencer notre vie d’avant. Comme si ce virus n’avait été en fait qu’une « parenthèse » en somme. Un moment désagréable, même angoissant et dangereux, mais enfin il y aura bien un moment où notre bonne vie d’avant reprendra telle quelle. Non ?</li>
</ul>
<p>Eh bien, dit comme ça… La réponse pourrait bien être : Non.</p>
<p>Certes l’histoire de la médecine et de la biologie du dernier siècle est celle d’une conquête extraordinaire, celle d’une victoire de l’humanité sur ses pathogènes. Victoire dont on pourrait sans doute discuter quelques détails, comme le SIDA dont après tout nous sommes obligés de continuer à nous garder car on ne sait pas le guérir même après plus de trente ans de recherche – on sait cependant beaucoup mieux le soigner – ou comme Ebola ou le MERS qui sont toujours sans remède – on sait cependant les contenir si bien que les épidémies n’affectent que de tout petits groupes non des pays, encore moins le monde entier. Mais victoire majeure qui a quand même abouti à ce que pour la première fois de l’Histoire on puisse vivre sans craindre l’une ou l’autre épidémie effrayante, comme la peste et d’autres. Du moins dans les pays les plus développés, et ces pays sont toujours plus nombreux.</p>
<p>Les moyens scientifiques étant aujourd’hui plus puissants qu’ils ne l’ont jamais été, il est permis d’être optimiste pour une victoire à court terme – un à deux ans – sur le nouveau coronavirus.</p>
<p><ins>Oui, mais l’optimisme n’est pas obligé</ins>. On peut rappeler que cet autre coronavirus qu’est le MERS n’a toujours pas de remède ni de vaccin huit ans après son apparition. Que le Sida ne peut toujours pas être guéri, même si les traitements améliorent beaucoup le sort des malades et allongent leur survie. S’agissant d’ailleurs d’imaginer que Covid-19 serait une simple « parenthèse » à refermer, remarquons qu’une autre « parenthèse » s’est ouverte dans les années 1980 lorsque a pris fin la possibilité ouverte vingt ans plus tôt par la contraception chimique que les hommes et les femmes puissent avoir des aventures multiples sans utiliser de préservatif. Cette parenthèse-là, ouverte par l’épidémie de Sida, s’est-elle depuis refermée ? Non. En un sens, nous ne sommes toujours pas dans l’ « après-Sida », après plus de trente ans de recherche sur ce virus.</p>
<p>On ne peut donc exclure que ce nouveau virus qu’est le Covid-19 ne soit encore avec nous dans dix ans. Voire dans trente. Ce qui signifierait alors la nécessité de changer ou d’adapter certains comportements, de même que l’obligation de « se protéger » lors de toute relation sexuelle – sauf pour un couple stable ayant déjà passé des tests – s’est imposée jusqu’à devenir une norme pratiquement universelle. Mais certes nous finirions par nous habituer à ces nouveaux comportements que le Covid-19 aurait forcés.</p>
<h4>L’impact d’une crise exceptionnelle...</h4>
<p>Cependant il y a encore une raison pour laquelle la vie pourrait bien ne plus jamais être « comme avant ». C’est que le coronavirus a bien d’autres conséquences encore que sanitaires, <ins>il déstabilise le monde sur les plans économique, financier, bientôt sans doute géopolitique</ins>. Et cela, plus fort que jamais depuis la Seconde Guerre Mondiale, voire depuis plus longtemps. Bien plus fort que lors de la crise de 2008-2009.</p>
<p>Voir par exemple ces quelques données concernant <strong>le début</strong> - et seulement le début ! - de l’impact économique de la crise Covid-19, ceci en série longue, afin de bien placer les choses dans le long terme.</p>
<p>1)</p>
<p align="center"><ins>Part de la population employée aux Etats-Unis en pourcentage du total des plus de 16 ans</ins></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/US_Employed_Population_2020-03.jpg" alt="US_Employed_Population_2020-03.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Source : <a href="https://data.bls.gov/pdq/SurveyOutputServlet" hreflang="en">US Bureau of Labor Statistics</a></em></p>
<p>Les données sont à jour au mois de mars 2020. De février à mars 2020, le taux d’emploi a chuté de 61,1% à 60%, <strong>trois fois plus vite</strong> que lors du pire mois de la crise 2008-2009.</p>
<p>Et cela, c’était à fin mars 2020. C’est-à-dire avant le plus gros du <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/04/24/crise-du-coronavirus-visualisez-l-impressionnant-mur-du-chomage-americain_6037682_4355770.html" hreflang="fr">« mur du chômage »</a> américain.</p>
<p>2)</p>
<p align="center"><ins>Bilan de la Banque Fédérale Américaine</ins></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/US_Federal_Bank_Assets_2020-04-20.jpg" alt="US_Federal_Bank_Assets_2020-04-20.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Source : <a href="https://www.federalreserve.gov/monetarypolicy/bst_recenttrends.htm" hreflang="en">US Federal Reserve</a> - L’unité en ordonnée est le millier de milliards de dollars</em></p>
<p>L’augmentation du bilan - c’est-à-dire le rythme de la planche à billets - dans les six semaines entre le 9 mars et le 20 avril 2020 est de 2 261 milliards de dollars, soit <strong>plus du double</strong> des 974 milliards d’augmentation du bilan dans les six semaines suivant le 15 septembre 2008 c’est-à-dire le jour de la faillite de la banque américaine Lehmann Brothers, point culminant de la crise financière.</p>
<p>3) Citons encore les prévisions sur l’impact économique à court terme de l’épidémie de coronavirus du rapport de la banque italienne Unicredit, sobrement intitulé <a href="https://www.research.unicredit.eu/DocsKey/economics_docs_2020_176448.ashx?EXT=pdf&KEY=C814QI31EjqIm_1zIJDBJFQWHqiVh6iWv-rRmfm0wlw=&T=1" hreflang="en">« La mère de toutes les récessions est là »</a> - soit une récession de <strong>-13% en 2020</strong> dans les pays de l’Eurozone. Rappelons qu’une chute de l’activité économique plus grande que -10% est généralement appelée une dépression, et peut s’avérer nettement plus durable qu’un simple choc, même le plus brutal. Le rapport Unicredit prévoit un vif relèvement des économies à partir de 2021, mais cela dépendra avant tout de la découverte rapide d’un vaccin ou d’un traitement efficace qui permettrait justement de « redémarrer tout comme avant » - ce qui est tout sauf certain.</p>
<p>Ce ne sont là que trois exemples de cette réalité d’une crise économique mondiale qui ne fait que commencer, et qui est pourtant <ins>déjà plusieurs fois plus brutale que la crise de 2008-2009 et promet d’être incomparablement plus profonde</ins>.</p>
<h4>... Sur un monde fragile</h4>
<p>Or le monde « d’avant », disons le monde de la fin 2019, était tout sauf stable. A cela de multiples raisons, souvent évoquées sur ce blog et qu’il n’est pas question de développer à nouveau ici.</p>
<p>Disons seulement pour résumer qu’une humanité</p>
<ul><li>Déséquilibrant par son activité économique <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/16/L-avertissement-de-15-000-scientifiques-%C3%A0-l-humanit%C3%A9-sur-l-%C3%A9tat-de-la-plan%C3%A8te-version-fran%C3%A7aise-int%C3%A9grale">le monde vivant dont elle dépend</a></li>
<li>Basant qui plus est ses activités sur <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/12/18/Les-limites-physiques-%C3%A0-la-croissance-sont-%C3%A0-notre-porte%2C-mais-nous-ne-les-voyons-pas" hreflang="fr">des ressources notamment énergétiques limitées et non renouvelables</a></li>
<li>Sans parler de ses tensions internes fouettées notamment par <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/01/18/Aggravation-des-in%C3%A9galit%C3%A9s-et-course-au-moins-disant-fiscal-Que-faire" hreflang="fr">l’augmentation des inégalités</a></li>
<li>Et de l’instabilité propre à son système financier fondamentalement malhonnête et absolument pas réformé même après avoir provoqué la crise de 2008-2009</li>
</ul>
<p>… cette humanité formait déjà quand le coronavirus est apparu un monde tout sauf stable.</p>
<p>Une chiquenaude aurait-elle suffi à déstabiliser ce monde ? Nous ne le saurons jamais. <ins>Car le coronavirus est bien davantage qu’une chiquenaude, et l’instabilité est là</ins> – ou plutôt elle ne fait que commencer.</p>
<p>Voici juste quelques-unes des incertitudes et dangers qui se profilent, exprimées sous forme de questions :</p>
<ul><li>La montagne de l’endettement public et privé mondial, dont le poids va croître encore démesurément du fait à la fois des programmes de relance et de la diminution de la taille de l’économie mondiale... tiendra-t-elle debout ? Ou y aura-t-il multiplication des faillites de banques et d’Etats ?</li>
<li>Les grandes monnaies, dont on imprimera à foison dans les mois et années qui viennent... tiendront-elles ? Ou est-il concevable que l’une ou l’autre connaisse pire qu’un peu d’inflation ?</li>
<li>Les chaînes logistiques industrielles, étendues et croisées par-dessus les continents, dépendantes de tant de pays différents... tiendront-elles vaille que vaille ? Ou de nombreux produits deviendront-ils indisponibles parce que parmi les multiples composants nécessaires à leur fabrication, tel ou tel était issu d’un pays dont l’économie n’a pu reprendre après avoir été suspendue ?</li>
<li>Les pays producteurs de matières premières et ceux qui dépendent du tourisme... tiendront-ils ? Ou leurs économies s’enfonceront-elles dans une dépression sans précédent vu le trop-plein d’offre par exemple de pétrole et l’interruption quasi complète du tourisme international ?</li>
<li>L’Union européenne et l’euro, soumis à des tensions bien plus grandes qu’entre 2010 et 2015 du fait des besoins différents voire divergents des économies des pays membre... tiendront-ils ? Ou l’échec à définir un plan de relance à la hauteur de la crise mènera-t-il à la fin de la monnaie, voire du marché unique ?</li>
<li>La production de pétrole de roche mère des Etats-Unis, dont les coûts de production peuvent être jusqu’à plusieurs fois supérieurs au cours actuel du pétrole... tiendra-t-elle ? Ou s’effondrera-t-elle non temporairement, mais pour ne plus se relever, marquant le dépassement du pic du pétrole donc le blocage de toute croissance économique mondiale significative ?</li>
<li>La rivalité entre Etats-Unis et Chine poursuivant et amplifiant leur lutte évidente pour la prééminence mondiale en temps de crise Covid-19... restera-t-elle contenue ? Ou la spirale des accusations réciproques tendant de plus en plus à l’hystérie mènera-t-elle à qui sait quelles extrémités ?</li>
</ul>
<p>Même si nous avons beaucoup de chance, si les chercheurs font des miracles et vaccin et traitement contre Covid-19 sont au point dans un an, <strong>le « monde d’avant » ne reviendra pas</strong>. Le coronavirus n’est pas une parenthèse. De même par exemple que la « Belle Epoque » d’avant 1914 n’a jamais repris, même après la fin de la Première Guerre Mondiale. Le « monde d’avant » n’est jamais revenu, parce que les événements l’avaient trop profondément déséquilibré. <ins>Il n’était pas possible de le reconstruire</ins>.</p>
<p align="center"><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Vase_brise_m.jpg" alt="Vase_brise.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Recoller les morceaux, vraiment ?</em></p>
<p>Ce qui est et sera possible en revanche, c’est de reconstruire… mais un peu différemment peut-être. D’abord de faire ce qu’il faudra pour limiter les dégâts, ou du moins ce que l’on pourra – et cette phase n’est pas terminée certes, de même que les déséquilibres et les effondrements sont sans doute loin d’être achevés ! Ensuite, dans un monde qui aura perdu plusieurs de ses repères, où probablement certaines choses et certaines institutions se seront effondrées… eh bien reconstruire ce qu’il faudra. Et améliorer. Ce qui prendra du temps, et beaucoup d’efforts.</p>
<p>Mais cet objectif-là est réaliste, oui. Vouloir ramener l’ancien, vouloir « refermer la parenthèse » ? Quoi qu’on en pense, et même si on pense que le monde d’avant était idéal, ce ne sera tout simplement pas possible.</p>
<div>La question n’est pas de savoir s’il s’agit de refaire tout comme avant. Mais plutôt de constater que ce ne sera pas possible… et de partir de ce constat.</div>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2020/04/25/Y-aura-t-il-vraiment-un-apr%C3%A8s-Covid-19#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/115Ingérence russe dans l’élection américaine – Pire qu’un crime, une fauteurn:md5:e8ba8f0cba66422ccefb935acbe07c5aTuesday 20 February 2018Tuesday 20 February 2018Alexis TouletTraductionsCrises politiques et internationalesEtats-UnisRelations internationalesRussieTrump<p><em>La mise en examen de 13 citoyens russes par le procureur spécial américain Mueller pour « guerre de l’information » lors des élections américaines de 2016, avec utilisation des médias sociaux pour soutenir tous les candidats à la présidence américaine s’opposant à Hillary Clinton, confirme définitivement l’idée que Moscou a mené un effort pour influencer les Américains et éloigner de la Maison Blanche la candidate qui lui était le plus hostile.</em></p>
<p><em>Pour Robert Merry, éditeur de The American Conservative, c’’était tout simplement une faute. Même si les Etats-Unis pratiquent eux-mêmes à grande échelle ce type d’action d’influence dans le monde entier - et s’en cachent à peine, quand ils ne s’en vantent pas - même s’ils portent une grande responsabilité dans la dégradation de leurs relations avec la Russie, le fait pour Moscou d’avoir joué sur le même terrain et de s’être fait prendre rendra très difficile voire impossible une politique d’ouverture vers la Russie à tout président américain à terme prévisible.</em></p> <p><ins>Publication originelle en anglais</ins> – Robert W. Merry pour <a href="http://www.theamericanconservative.com/articles/russias-election-meddling-worse-than-a-crime-a-blunder/" hreflang="en">The American Conservative</a>, 19 février 2018</p>
<p><ins>Traduction en français et Notes</ins> – Alexis Toulet pour le Nœud Gordien, 20 février 2018</p>
<p>Quand Napoléon Bonaparte fit exécuter le duc d’Enghien en 1804 sur ce qui ressemblait fort à des accusations de trahison montées de toute pièce, les conséquences se firent sentir bien au-delà de la justice française et même au-delà des frontières de la France. Les dirigeants européens en furent abasourdis, et cet épisode aida à cristalliser le sentiment anti-bonapartiste dans toute l’Europe y compris la Grande-Bretagne. Le célèbre diplomate français Charles de Talleyrand <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N1">(1)</a> résuma la chose d’un mot : « <em>C’est pire qu’un crime, c’est une faute</em> ».</p>
<p>On peut dire la même chose de la tentative russe de manipuler l’élection présidentielle américaine de 2016 en utilisant les médias sociaux pour miner la candidature de la démocrate Hillary Clinton, aider celle de Donald Trump, et plus généralement semer la discorde dans le corps politique américain. Trois entreprises et 13 citoyens russes ont été mis en examen vendredi dernier pour l’accusation d’avoir participé à un effort de trois ans et plusieurs millions de dollars pour interférer dans l’élection. Les Américains sont naturellement sous le choc devant cette tentative éhontée de défaire le tissu politique de leur pays.</p>
<p>Mais ce n’est pas si choquant. Pour comprendre en quoi c’était davantage une faute qu’un crime – et une faute qui aura probablement des conséquences tragiques – il est important de bien assimiler cinq réalités fondamentales liées à cet épisode important des relations américano-russes.</p>
<p><strong>Premièrement</strong>, cela fait des siècles que les pays font ce genre de choses. C’est une partie fondamentale de l’art de l’espionnage – utiliser des opérations secrètes pour miner le fonctionnement interne des nations rivales. Aucun pays n’aime se trouver visé par de telles activités, mais peu se retiennent de s’y livrer quand elles leur semblent en mesure de déjouer des menaces à leur sécurité nationale.</p>
<p><strong>Deuxièmement</strong>, aucune nation n’a été plus enthousiaste que les Etats-Unis quand il s’agit de tentatives, secrètes et même ouvertes, de déstabiliser d’autres régimes. Ceci en partie du fait que les Etats-Unis, principale puissance mondiale depuis la seconde guerre mondiale, ont vu leurs intérêts mêlés aux principaux événements dans le monde entier. En partie aussi parce que l’Amérique a pu faire jouer les technologies les plus avancées et les meilleures capacités secrètes pour remplir cette mission.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, l’historique américain dans ce domaine est indiscutable. Un <a href="https://www.nytimes.com/2018/02/17/sunday-review/russia-isnt-the-only-one-meddling-in-elections-we-do-it-too.html" hreflang="en">article de Scott Shane ce week-end dans le New York Times</a> citait un professeur de l’université de Géorgie Loch Johnson qui rappelait : « <em>Nous faisons ce genre de choses depuis la création de la CIA en 47. Nous avons utilisé des posters, des pamphlets, des courriers, des banderoles – tout ce que vous pouvez imaginer</em> ». Les Etats-Unis ont entre autres mis de fausses informations dans des journaux étrangers et distribué des « <em>valises de liquide</em> » pour influencer des élections étrangères. <a href="https://www.thecipherbrief.com/experts/steven-l-hall" hreflang="en">Steven L. Hall</a>, vétéran de 30 ans de la CIA aujourd’hui retraité, après avoir notamment dirigé le bureau Russie, a dit à Shane que les Etats-Unis se sont « totalement » engagés dans de telles activités « <em>et j’espère qu’on continue</em> » <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N2">(2)</a></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Steven_L_Hall_m.jpg" alt="Steven_L_Hall.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>L’ancien directeur du bureau de la CIA à Moscou</em></p>
<p align="center"><em>Les Etats-Unis se sont-ils ingérés dans les élections des autres ? « Totalement </em>»<em> et </em>« <em>J’espère qu’on continue </em>»</p>
<p>Shane cite une étude de Dov H Levin de Carnegie Mellon cherchant à quantifier les « opérations d’influence électorale » des Etats-Unis et de l’Union soviétique / la Russie entre 1946 et 2000. Il en compte 81 de la part des Etats-Unis et 36 de la part de l’Union soviétique / la Russie – tout en estimant que certaines opérations initiées depuis le territoire russe nous sont restées inconnues.</p>
<p>Il faut encore compter ce qu’on en est venu à appeler « l’industrie de la démocratie » – les légions d’ONG américaines, dont beaucoup financées par l’argent public, qui se déploient dans le monde entier pour remodeler les régimes qu’elles considèrent insuffisamment imprégnés de valeurs occidentales. L’écrivain et intellectuel David Rieff, écrivant il y a quelques années dans le National Interest, accusait ces militants de la promotion de la démocratie d’être des gens qui « <em>refusent ou sont incapables de reconnaître ni le caractère idéologique ni le caractère révolutionnaire de leur entreprise</em> ». Il comparait ces promoteurs de la démocratie en termes de propagande au dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev se vantant en 1956 aux Américains « <em>Nous vous enterrerons</em> ».</p>
<p><strong>Troisièmement</strong>, la plus grande ingérence dans les affaires intérieures des nations étrangères, à part l’invasion, est le changement de régime, et sur ce plan les Etats-Unis sont de très loin en tête dans la période post-deuxième guerre mondiale. Nous avons connaissance de tentatives de grande ampleur – secrètes ou non, réussies ou non – de l’Amérique pour renverser des régimes en Iran, au Guatemala, au Vietnam du Sud, au Chili, au Nicaragua, à la Grenade, en Serbie, en Irak, en Libye, en Syrie et en Ukraine.</p>
<p>Sans discuter les justifications de chaque cas, c’est là un historique impressionnant, dont les implications dépassent de très loin la politique intérieure américaine. Comme l’exécution par Bonaparte du duc d’Enghien, il suscite des inquiétudes et des peurs chez les dirigeants étrangers <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N3">(3)</a> S’agissant de l’entrain américain pour le « <em>regime change</em> », il donne des frissons dans le dos à des dirigeants qui craignent d’être les prochains dans la liste des cibles américaines du changement de régime. La détermination du Nord-Coréen Kim Jong Un à développer des armes nucléaires et les moyens de les tirer sur les Etats-Unis est à coup sûr en partie le produit de telles craintes.</p>
<p><strong>Quatrièmement</strong>, l’Amérique et ses alliés portent de loin la plus grande partie de la responsabilité des tensions actuelles entre Occident et Russie. C’était trop prévisible déjà en 1998 quand l’OTAN conçut sa politique d’expansion orientale à marche forcée en direction de la frontière de Russie. George F. Kennan, le très respecté diplomate américain et expert de la Russie, prédit alors le résultat dans des termes particulièrement forts. Il l’appela « <em>le début d’une nouvelle guerre froide… une erreur tragique</em> ». Il avait prévu que bien sûr les Russes réagiraient mal, comme toute nation le ferait à leur place, et alors les partisans de l’expansion de l’OTAN diraient voyez, nous vous avons toujours dit que les Russes sont agressifs et pas dignes de confiance. «<em> C’est tout simplement mal </em>», avertit Kennan <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N4">(4)</a></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.George_Kennan_m.jpg" alt="George_Kennan.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Le concepteur initial de la stratégie américaine de la Guerre froide, commentant l’extension de l’OTAN en 1998</em></p>
<p align="center"><em>« Le début d’une nouvelle guerre froide (...) Une tragique erreur (...) C’était ma vie tout cela, et je souffre de voir tout gâché vers la fin »</em></p>
<p>Mais si l’expansion de l’OTAN fut une politique provocante qui devait susciter une réponse forte de la Russie, cette provocation fut grandement accrue lorsque l’Amérique contribua à une initiative de changement de régime en Ukraine, qui non seulement est à côté de la Russie mais a été une part cruciale de sa sphère d’influence depuis le milieu du 17ème siècle. De plus, la Russie est vulnérable à l’invasion. Les steppes herbeuses à perte de vue du pays, qui s’étendent de l’Europe jusqu’à l’Extrême-Orient, sans guère de chaîne de montagne ni de rivage ni de grande forêt pour gêner l’incursion d’une armée ou d’une horde, ont favorisé une obsession nationale de contrôler des territoires comme protection contre les empiétements. De telles incursions ont été lancées trois fois depuis l’ouest aux 19ème et 20ème siècles <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N5">(5)</a></p>
<p>L’Ukraine occupe une place cruciale dans ce sentiment russe d’un impératif territorial. C’est un pays tragiquement divisé, une partie penchant vers l’Occident et l’autre tournée vers l’est et la Russie. Ce qui fait une situation politique et géopolitique délicate, mais pendant des siècles c’est la Russie qui supervisait cette situation. Aujourd’hui l’Occident veut que tout cela change. Renverser un président ukrainien dûment élu – quoique corrompu – faisait partie du plan. Amener l’Ukraine dans l’OTAN est l’objectif final.</p>
<p>Remarquez que la révolution ukrainienne a eu lieu en 2014, qui suivant les mises en examen américaines se trouve précisément être l’année où la Russie a démarré son grand programme pour influencer les élections américaines de 2016. Kennan avait raison : la Russie ne manquerait pas de mal réagir à la politique d’encerclement de l’OTAN, et alors les responsables américains anti-russes présenteraient cette réaction comme une preuve que l’encerclement était depuis le début nécessaire. C’est précisément ce qui se passe maintenant.</p>
<p>Ce qui nous amène à la <strong>cinquième</strong> et dernière réalité fondamentale derrière la révélation du grand effort russe pour influencer l’élection américaine. C’était une faute stupéfiante. Vu tout ce qui s’est passé dans les relations américano-russes en ce siècle, il n’y avait probablement guère de perspective de normalisation, encore moins de relations cordiales. Mais c’est maintenant tout simplement impossible. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N6">(6)</a></p>
<p>Donald Trump a fait campagne avec un programme incluant de meilleures relations avec la Russie. Après son élection il a dit plusieurs fois dans sa première conférence de presse que ce serait « <em>positif </em>», « <em>bien </em>» ou « <em>super </em>» si « <em>on pouvait s’entendre avec la Russie</em> ». A la différence du plus gros des élites américaines, il annonça chercher une coopération avec la Russie sur les sujets mondiaux, accepta une partie de la responsabilité pour l’état dégradé des relations des deux pays et reconnut « <em>le droit de tous les pays à faire passer leurs intérêts en premier</em> ».</p>
<p>Cela fit miroiter un possible tournant majeur des relations américano-russes – fin du mouvement d’encerclement, restriction de la rhétorique hostile, retrait des sanctions économiques et sérieux efforts pour travailler avec la Russie sur des sujets aussi épineux que la Syrie et l’Ukraine. Tout cela fut en grande partie suspendu avec le récit d’une ingérence russe dans l’élection américaine et de vagues allégations de « <em>collusion </em>» avec la Russie pendant la campagne au profit des ambitions présidentielles de Trump.</p>
<p>Il ne semble guère probable que les enquêteurs découvrent quelque preuve de collusion au sens criminel du terme. Mais peu importe maintenant du point de vue des relations américano-russes, parce que ces mises en accusation <em>(NdT : celles des 13 Russes)</em> vont cimenter le sentiment anti-russe des Américains pour l’avenir prévisible. Aucune ouverture du genre qu’envisageait Trump ne sera envisageable pour aucun président avant longtemps. Le fait que tous les pays font cela, ou que l’Amérique en particulier l’a fait, ou que l’encerclement agressif de l’Occident a contribué aux actions russes, tout cela n’aura pas d’importance. L’hostilité américano-russe est fixée. Sur quoi elle débouchera, c’est impossible à prévoir, mais cela ne saurait être du bien. Et ce pourrait être tragique. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N7">(7)</a></p>
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<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N1">1</a> – Il y a quelques doutes sur l’auteur de ce mot, attribué parfois à Fouché ou à Boulay de la Meurthe</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N2">2</a> – Steven Hall précisait encore «<em> Si vous demandez à un officier de renseignement si les Russes ont enfreint les règles ou fait quelque chose de bizarre, la réponse est non, pas du tout</em> ». Il faut reconnaître à ce professionnel une honnêteté rafraîchissante.</p>
<p>Peut-être plus discutable en revanche lorsqu’il continue en affirmant que mettre sur le même plan les ingérences russes et américaines « <em>c’est comme dire que les flics et les méchants sont identiques parce qu’ils ont tous des armes – la motivation, ça compte </em>». Cette comparaison est basée sur le présupposé <a href="https://en.wikiquote.org/wiki/American_benevolence#A" hreflang="en">résumé par Madeleine Albright</a> alors secrétaire d’Etat américain en 1993 « <em>Les Etats-Unis sont bons</em> » Idée que nul n’est obligé de prendre au pied de la lettre, à rappeler une autre saillie de la même comme quoi <a href="https://www.youtube.com/watch?v=omnskeu-puE" hreflang="en">la mort d’un demi-million d’enfants irakiens</a> du fait de l’embargo onusien forcé par les Etats-Unis « <em>ça valait le coup</em> » </p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N3">3</a> – « <em>Pire qu’un crime, une faute</em> » – ce jugement s’applique en effet au moins autant à la politique américaine constante dans ce domaine qu’aux tentatives russes lors des dernières élections américaines</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N4">4</a> – George Kennan est souvent considéré comme le diplomate qui <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/George_F._Kennan#Le_long_t%C3%A9l%C3%A9gramme" hreflang="fr">conçut en 1946 la politique américaine lors de la Guerre froide</a>. Disparu centenaire en 2005, il a eu le temps vers la fin de sa vie d’exprimer son désespoir devant la politique des Etats-Unis après la fin de la guerre froide. C’est en 1998 qu’<a href="http://www.nytimes.com/1998/05/02/opinion/foreign-affairs-now-a-word-from-x.html" hreflang="en">il commentait ainsi l’approbation par le Sénat américain de l’expansion de l’OTAN</a></p>
<blockquote><p>Je pense que c’est le début d’une nouvelle guerre froide. Je pense que les Russes réagiront de plus en plus négativement et cela affectera leurs politiques. Je pense que c’est une tragique erreur. Rien de tout cela n’était nécessaire. </p>
<p>(…) Ne comprennent-ils donc pas ? Pendant la guerre froide, nos différents étaient avec le régime communiste soviétique. Et maintenant nous tournons le dos aux gens même qui ont monté la plus grande révolution pacifique de l’histoire afin de faire disparaître ce régime soviétique.</p>
<p>(…) C’était ma vie tout cela, et je souffre de voir tout gâché vers la fin »</p>
</blockquote>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N5">5</a> – Par Napoléon Bonaparte, Guillaume II et Adolf Hitler</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N6">6</a> – Cette affirmation si appuyée ne peut que surprendre. Après tout, dans les années 1990 la décennie la plus sombre de la période post-soviétique, les médias américains ont pu aller jusqu’à vanter les efforts faits par des « conseillers » américains pour aider le politicien russe le plus favorable aux intérêts américains à gagner une élection. Il s’agissait de Boris Eltsine, réélu en 1996, et pas nécessairement pour ses qualités démocratiques, s’agissant d’un président qui trois ans plus tôt avait <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_constitutionnelle_russe" hreflang="fr">fait donné les chars contre le Parlement</a> qui lui était insuffisamment soumis… Mesuré à cette aune, pourquoi donc le « coup de main » russe, d’ailleurs un facteur de second voire de troisième ordre dans la victoire de Trump, devrait-il être si impardonnable ?</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Yanks_to_the_rescue_m.jpg" alt="Yanks_to_the_rescue.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>« Les Yankees à la rescousse »</em></p>
<p align="center"><em>Magazine américain de référence, vantant l’ingérence américaine dans l’élection présidentielle russe de 1996</em></p>
<p>Mais l’argument de l’auteur est différent. La question n’est pas celle de la justice, mais des <em>conséquences </em>des actes - ce qui doit intéresser au premier chef, en particulier les hommes d’Etat. Et il est nécessaire de tenir compte du fait que les élites dirigeantes américaines sont pour la plupart <ins>largement incapables de concevoir une réciprocité réelle s’agissant de relations avec l’étranger</ins>. L’article ici traduit démontre de manière éclatante que certains Américains en sont tout à fait capables à titre personnel, certes. Mais la classe politico-médiatique américaine en est collectivement incapable à un point presque comique - que l’on se rapporte encore à cet <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SpWai3kZ-gM&t=277" hreflang="en">entretien récent d’un ancien directeur de la CIA</a>, le maître espion après cinq minutes passées à discourir sur l’infamie russe affirmant tout uniment que sans doute les Etats-Unis se sont ingérés dans les élections d’autres pays mais <em>« c’était pour le bien du Système »</em>, que s’ils continuent à le faire aujourd’hui <em>« c’est toujours pour la bonne cause »</em>... et tous de rire grassement.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N7">7</a> - <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1h94bBaME-w" hreflang="en">Selon le parlementaire démocrate américain Jerry Nadler</a>, le trolling russe pro-Trump, pro-Sanders et pro-Stein – donc anti-Clinton – en 2016 est <em>« l’équivalent de Pearl Harbor »</em>, l’attaque surprise du 7 décembre 1941 qui jeta les Etats-Unis dans la seconde guerre mondiale et déboucha en définitive sur l’utilisation de l’arme atomique à Hiroshima.</p>
<blockquote><p>Nadler - Nous avons été attaqués (...) C’est une attaque très grave contre les Etats-Unis par une puissance étrangère hostile (...) Imaginez si Roosevelt avait nié que les Japonais avaient attaqué à Pearl Harbor et n’avait pas réagi ! C’est l’équivalent.</p>
<p>Journaliste - Non c’est different, ils n’ont tué personne.</p>
<p>Nadler - Ils n’ont tué personne, mais ils détruisent notre pays, notre processus démocratique (...) La gravité est très largement sur le même plan.</p>
</blockquote>
<p>Histrionisme intéressé ? Oui, sans doute. Mais réalité politique aussi. Est-il possible que la comparaison de Nadler, aussi absurde soit-elle, en vienne à force à devenir un sentiment largement partagé, probablement pas dans le peuple américain, mais au moins dans ses élites politico-médiatiques ?</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/98Guerre de quatrième génération, la victoire du modèle du Hezbollahurn:md5:df5edfa9ebc8d0c4360e4f89d68228aeTuesday 14 November 2017Tuesday 14 November 2017Alexis TouletTraductionsCrises politiques et internationalesEtat islamiqueG4GGéopolitiqueHezbollahRelations internationalesWilliam Lind<p><em>L’Etat islamique est sur le point d’être totalement vaincu dans son sanctuaire syro-irakien. Les entités de quatrième génération - c’est-à-dire pour faire simple l’anarchie armée proliférant sur les Etats faibles - est-elle donc défaite ? Non point, prévient le stratège William Lind : c’est simplement le modèle alternatif, celui du Hezbollah au Liban, qui a montré sa supériorité.</em></p>
<p><em>Quant à la menace de fond que représente l’anarchie armée, elle perdurera et prospérera - du moins tant que la légitimité des Etats continue d’être progressivement vidée de son contenu par le projet d’une "gouvernance" mondiale.</em></p> <p><ins>Publication originelle en anglais</ins> – William Lind pour <a href="https://www.traditionalright.com/the-view-from-olympus-the-hezbollah-model-wins/" hreflang="en">Traditional Right</a>, 10 novembre 2017</p>
<p><ins>Traduction en français et Notes</ins> – Alexis Toulet pour le Nœud Gordien, 14 novembre 2017</p>
<p>Quand nous pensons aux ennemis de l’Etat islamique <em>(NdT : E.I. ou encore "Daech")</em>, nous viennent à l’esprit d’abord : les religions autres que l’islam, les musulmans qui rejettent le puritanisme sunnite, les Etats de la région, les Etats occidentaux et ainsi de suite. Mais du point de vue de la théorie de la <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/12/05/L-alliance-de-tous-les-Etats-contre-leur-ennemi-commun-Une-vision-pour-la-politique-mondiale#n01" hreflang="fr">guerre de quatrième génération</a> le principal concurrent de l’E.I. pourrait bien être le Hezbollah (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#N1">1</a>) Ces deux entités islamiques de quatrième génération représentent deux modèles différents de G4G. Le modèle du Hezbollah consiste à vider l’Etat de son pouvoir, mais à le laisser en place là où il est. Le modèle de l’E.I. balaye l’Etat et lui crée un remplacement sous la forme d’un califat, qui est une forme pré-étatique de gouvernement (ironiquement, l’E.I. ultra-puritain a proclamé un califat qui d’après la loi islamique est illégitime, parce que le calife légitime reste le chef de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dynastie_ottomane" hreflang="fr">la maison d’Osman</a>, le sultan ottoman était aussi un calife).</p>
<p>La compétition entre ces deux approches de la guerre de quatrième génération touche à sa fin, et le verdict est clair : le modèle du Hezbollah l’emporte. Ce n’est pas une bien grande surprise, sauf peut-être pour l’E.I. En s’emparant de territoires et en y proclamant un califat, l’E.I. s’est rendu vulnérable à la défaite par des forces armées étatiques. Ces forces pouvaient combattre de la manière dont elles ont été équipées et entraînées pour le faire, dans une guerre de feux et d’attrition dont l’objectif est de prendre et de garder le contrôle de territoires. A chaque fois que des forces G4G affrontent des forces étatiques dans ce genre de combat, il est probable qu’elles aient le dessous. Elles mettent leur faiblesse en face de la plus grande force de leur adversaire, qui est sur la case tactique / physique de la grille des niveaux de guerre (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#N2">2</a>)</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.EI_triomphe_ephemere_m.jpg" alt="EI_triomphe_ephemere.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>L’Etat islamique, un triomphe éphémère</em></p>
<p>Au contraire, le modèle du Hezbollah utilise un Etat vidé de sa force pour faire basculer le conflit de la case tactique / physique vers la plus grande force des entités G4G, la case stratégique / moral (selon le colonel John Boyd, il s’agit là de la case la plus puissante pour déterminer l’issue d’une guerre, la case tactique / physique étant la moins puissante). L’Etat du Liban protège stratégiquement et moralement le Hezbollah du simple fait qu’il est impossible d’attaquer la base du Hezbollah sans attaquer en même temps l’Etat au moins nominalement souverain du Liban. Etant donné que l’élite gouvernementale internationale regarde comme moralement mauvaises les attaques contre d’autres Etats, surtout les Etats faibles qui ne posent par eux-mêmes aucune menace, l’attaquant se trouvera donc rapidement lui-même condamné et isolé. Voilà ce qui a fait que les tentatives de notre « plus grand allié » d’attaquer le Hezbollah sur le sol libanais se sont soldées par une défaite (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#N3">3</a>) même s’il est vrai aussi que le Hezbollah est bien meilleur tactiquement parlant que la plupart des autres entités G4G.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Grille_G4G_-vide_m.jpg" alt="Grille_G4G_-vide.png" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Les différents niveaux de guerre tels que conceptualisés par John Boyd</em></p>
<p align="center"><em>Une explication plus détaillée <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/12/05/L-alliance-de-tous-les-Etats-contre-leur-ennemi-commun-Une-vision-pour-la-politique-mondiale#n04" hreflang="fr">se trouve ici</a></em></p>
<p>L’E.I. pourrait tenter maintenant d’en revenir au modèle du Hezbollah, mais je crois qu’il a peu de chance de réussir. Ce modèle exige des années de préparation patiente et de service, plutôt que l’oppression de la population locale (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#N4">4</a>) et je doute que l’E.I. soit capable de patience comme de service. La chute de son califat illégitime diminuera sa capacité à recruter et à trouver des fonds, et comme Al Qaeda il sera réduit à l’ombre de ce qu’il était.</p>
<p>Mais c’est en ce moment précis de victoire que l’incapacité de l’Occident à comprendre la guerre de quatrième génération préparera ses échecs futurs. Les gouvernements occidentaux tombent dans ce piège de définir leurs ennemis comme l’un ou l’autre de ces croquemitaines particuliers – Al Qaeda, ou l’E.I., ou le Hamas ou peu importe quel autre. Ce faisant, ils s’attachent à des arbres qui leur cachent la forêt. Les entités G4G, islamiques ou autres, vont et viennent. Chaque entité particulière importe assez peu à elle seule. Ce qui est important, c’est qu’elles peuvent se générer indéfiniment tant que nous manquons la menace réelle, c’est-à-dire le terreau dont elles sont toutes issues (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#N5">5</a>) Et ce terreau, c’est la crise de légitimité de l’Etat. Comme me l’a dit <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_van_Creveld" hreflang="fr">Martin Van Creveld</a> il y a de nombreuses années, tout le monde peut la voir, sauf les habitants des capitales.</p>
<p><strong>L’origine de cette crise de légitimité, c’est le vidage de l’Etat de sa force et de son contenu</strong>, précisément ce qu’exige l’élite globaliste (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#N6">6</a>) Ce point de vue « internationaliste » est dominant dans l’élite mondiale depuis la fin de la Première Guerre Mondiale, et vous ne pouvez à la fois exprimer un désaccord sur ce sujet et rester membre de cette élite. Voilà pourquoi l’élite craint et méprise tant le président Trump, qui représente le retour de la souveraineté de l’Etat – et avec elle une légitimité ravivée pour l’Etat (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#N7">7</a>) Une telle résurgence est la seule chose qui puisse vaincre, non telle ou telle entité G4G, mais la guerre de quatrième génération en elle-même, au niveau stratégique / moral qui est le seul décisif.</p>
<p>Est-ce que cela fait des entités G4G et de l’élite globaliste des alliés de fait ? A vous d’en tirer vos propres conclusions.</p>
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<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#" name="N1">1</a> - Rappelons que le Hezbollah (<em>"Parti de Dieu"</em>) est à la fois une milice et un parti politique chiite libanais, à l’influence directrice sur toute la vie politique libanaise, soutenu par l’Iran et allié au gouvernement syrien qu’il soutient militairement. Il a pu être décrit comme djihadiste chiite, étant à l’origine de la tactique des attentats suicide dans le monde musulman, notamment <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Attentats_de_Beyrouth_du_23_octobre_1983" hreflang="fr">les attentats de Beyrouth de 1983</a> tuant 241 militaires américains et 58 parachutistes français</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#" name="N2">2</a> - Pour plus de détails, on peut se reporter au <a href="https://www.amazon.com/Generation-Warfare-Handbook-William-Lind/dp/9527065755/" hreflang="en">Manuel de la Guerre de Quatrième Génération</a> écrit par Lind</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#" name="N3">3</a> – Il s’agit d’Israël en guerre contre le Hezbollah au Liban en 2006 - Lind exprime ici un certain scepticisme sur l’intérêt pour les Etats-Unis de cette alliance. On peut encore évoquer en beaucoup plus actuel les fortes pressions actuelles de cet autre allié de l’Amérique qu’est l’Arabie saoudite contre le Liban, en fait essentiellement contre le Hezbollah et son allié iranien</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#" name="N4">4</a> – La puissance actuelle du Hezbollah ne s’est pas construite en un jour, mais bien au cours de l’occupation israélienne du Liban pendant près de vingt ans à partir de 1982</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#" name="N5">5</a> – Ce terreau est identifié expressément par les praticiens et théoriciens de la G4G islamiste, par exemple <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Mohammad_Hasan_Khalil_al-Hakim" hreflang="en">Abu Bakr Naji</a> écrivant « Le Management de la Sauvagerie » pour définir la stratégie des mouvements djihadistes</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#" name="N6">6</a> – L’idéologie « globaliste », aussi puissante soit-elle, n’est cependant pas le seul facteur de délégitimation. La mondialisation de la production des biens de consommation, tout comme les inégalités criantes à l’intérieur d’Etats "compradores" sont d’autres puissants facteurs - quoique tous deux soient certes favorisés par le libre-échangisme et la financiarisation qui découlent de l’idéologie globaliste</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#" name="N7">7</a> - Il est toutefois difficile de ne pas ajouter que si le président Trump a clairement fait campagne sur les intérêts de l’Amérique en tant que telle, par différence avec ceux de son empire, sa volonté et son habileté à appliquer réellement une telle politique une fois élu sont pour le moins sujettes à caution</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/14/Guerre-de-quatri%C3%A8me-g%C3%A9n%C3%A9ration%2C-la-victoire-du-mod%C3%A8le-du-Hezbollah#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/88Brexit, pourquoi l'UE demande-t-elle autant d'argent - et pourquoi les négociations vont échouerurn:md5:7f28bda961b7fa21e630e9ca76ee1303Monday 13 November 2017Monday 13 November 2017Alexis TouletLeçons de chosesBrexitCrise économique et financièreCrises politiques et internationalesLeçons de choses du LundiRelations internationalesRoyaume-UniUnion Européenne<p><em>Combien l’Union européenne exige-t-elle du Royaume-Uni en guise de "solde de tout compte" pour le Brexit, pourquoi ce paiement, pourquoi le gouvernement britannique est-il si embarrassé et agité - et pourquoi l’échec des négociations débouchera très probablement sur un Brexit "dur" sans accord commercial.</em></p>
<p><em>Voici la première des "Leçons de choses du Lundi" du Nœud Gordien.</em></p> <h3 align="center">Série "Les leçons de choses du Lundi" - N°1</h3>
<h4>La question de fond : Payer combien, et d’ailleurs pourquoi ?</h4>
<p>Mettant à part tout l’aspect politique de la question – certes fondamental, et on y reviendra plus loin – qu’est-ce que la Grande-Bretagne devrait payer, dans le sens « ce qu’il serait juste qu’elle paie » lorsqu’elle quittera l’UE le 29 mars 2019 ? Il ne s’agit pas ici de ce qu’on essaiera de lui faire payer – davantage, évidemment – ni de ce qu’elle essaiera de payer – beaucoup moins, naturellement. Mais plutôt de ce qu’il en serait si la chose était décidée en toute justice (certes, on peut toujours rêver !)</p>
<p>Il s’agit ici non des contributions acquittées régulièrement jusqu’à la date de la sortie – que personne ne remet en question – mais du « solde de tout compte » que l’UE exige de la part de Londres.</p>
<p>Des chiffres entre 40 et 100 milliards d’euros ont circulé, ce qui est fort imprécis – et à partir de 0 milliard et 0 centime, du point de vue de certains partisans de longue date du Brexit !</p>
<p>D’une manière générale, on trouvera dans la presse et les communications et autres "petites phrases" des uns et des autres de part et d’autre de la Manche ce genre de chiffres assénés avec autorité – mais guère de détails un tant soit peu clairs sur ce que cette somme recouvre, et comment c’est calculé. Pour essayer d’y comprendre quelque chose, la source la plus complète semble bien être <a href="http://www.cer.eu/sites/default/files/pb_barker_brexit_bill_3feb17.pdf">cette étude de 14 pages</a> <em>(PDF, en anglais)</em> d’Alex Barker, le chef du Bureau Europe du Financial Times. Le texte est clair quant à la composition du total et quant aux raisons de considérer tel ou tel paiement comme justifié ou non.</p>
<h5>Le montant</h5>
<p>Suivant les hypothèses (voir page 10) Barker arrive à :</p>
<ul><li>Un paiement net de 57 à 73 milliards d’euros, dans une position pro-UE maximaliste qui inclurait aussi les passifs éventuels là où l’UE s’est portée garante pour l’avenir – essentiellement des conséquences éventuelles différées de la crise financière</li>
<li>Une vue plus modérée se situerait entre 48 et 61 milliards, sans ces éventuels passifs</li>
<li>Enfin une position favorable au RU aboutirait à un total entre 25 et 33 milliards, excluant les subventions promises à Pologne, Hongrie et République tchèque pour 2019 et 2020 et incluant la remise sur la contribution 2018, qui serait payée l’année suivante</li>
</ul>
<h5>Payer ou pas</h5>
<p>Voir encore une intéressante revue (pages 11 et 12) des arguments légaux d’un côté et de l’autre sur la question de principe le RU aurait-il quoi que ce soit à payer après sa sortie – en somme, l’ "option 0" rêvée par les pro-Brexit intransigeants :</p>
<ul><li>Il n’y a que peu de précédents légaux comparables, donc pas vraiment de jurisprudence applicable</li>
<li>Des arguments et dans un sens et dans l’autre peuvent être trouvés dans le droit international et le droit de l’UE – voir les discussions sur ce qui se passerait si l’Ecosse sortait du RU, certaines déclarations de Londres sur le partage dans ce cas des dettes communes allant... nettement dans le sens des intérêts de l’UE ! Dans l’ensemble cependant, pas une grande clarté</li>
<li>En cas d’effondrement des pourparlers et de Brexit "ultra-dur", c’est-à-dire non seulement absence de traité commercial pour l’avenir mais Londres qui refuserait de payer un centime après la date de sa sortie, l’affaire serait portée devant la Cour de justice de La Haye, qui se baserait sur l’article 70 de la Convention de Vienne sur les traités internationaux – comme par exemple le traité de l’UE est un traité international – donnant quelque espoir au RU de s’en sortir sans rien avoir à payer... mais pas de certitude, car l’article laisse une certaine place à l’interprétation</li>
</ul>
<h5>Position de force</h5>
<p>L’aspect politique est évidemment prépondérant : en définitive c’est la position de force dans les négociations qui décidera du montant à payer, sauf évidemment en cas de rupture des négociations. La Commission est dans une position forte parce que le temps joue contre le RU, et parce qu’elle est en mesure d’expliquer à tous les Etats membres restants qu’ils ont tout intérêt à ce que les Britanniques paient – les pays d’Europe centrale en particulier, traditionnellement plus proches des positions de Londres, ont du souci à se faire pour les futurs fonds de cohésion.</p>
<p>Comme l’écrit Barker <em>« il est difficile d’apercevoir des contraintes politiques émerger d’elles-mêmes pour contraindre les exigences de l’UE à 27 »</em> ... autrement dit les gouvernements des pays membres n’ont aucune raison de se gêner (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#R1">1</a>)</p>
<p>Et comme il le discute page 13, il y a en fait des <strong>risques sérieux d’effondrement des négociations sur ce point</strong>, parce que les politiciens britanniques ne sont guère prêts à payer à l’UE, et encore moins à l’expliquer à leurs électeurs. L’information suivante est assez révélatrice… pour ne pas dire en décalage complet avec les exigences de l’UE !</p>
<blockquote><p><em>"Le Trésor du Royaume-Uni, dans son budget de Novembre 2016, a attribué à d’autres usages les fonds avec lesquels il aurait réglé les contributions à l’UE après 2019"</em></p>
</blockquote>
<p>Qu’est-ce qui permettrait de contourner éventuellement cet obstacle ? Selon l’auteur, essentiellement des astuces de présentation. Plus quelques entourloupes quand même – bien dissimulées dans la conclusion de sa dernière page – c’est qu’il est tout de même sujet de Sa Très Gracieuse Majesté, et a les intérêts de son pays à cœur !</p>
<h4>Mais il faut tout de même parler de l’aspect politique</h4>
<p>Et donc de <a href="http://www.lepoint.fr/europe/sommet-europeen-theresa-may-aux-abois-20-10-2017-2166119_2626.php" hreflang="fr">la perception de tout cela par les Britanniques</a>.</p>
<blockquote><p>Theresa May, même si elle obtient un répit de deux ans supplémentaires, sera tout de même confrontée à une difficulté politique chez elle. La période de transition impliquera, en effet, que la Grande-Bretagne bénéficie de l’accès au marché intérieur, paie sa quote-part, se soumette à la jurisprudence de la CJUE (la Cour de justice de l’Union européenne), mais… ne prenne plus part aux décisions de l’Union. « En effet, juridiquement, les Britanniques ne seront plus dans l’UE au 30 mars 2019, relève un diplomate français. Ils n’auront donc plus de droits de vote. Et ils devront respecter les décisions prises à 27 sans eux… C’est un véritable protectorat. »</p>
</blockquote>
<p>"<em>Une difficulté politique</em>"... En effet, et c’est peu de le dire !</p>
<p>Voici le genre de caricature politique qui se trouve dans le Telegraph, journal certes conservateur mais... justement, Madame May l’est aussi. Nous ne parlons pas d’un tabloïd, il représente plutôt des opinions construites qu’à l’emporte-pièce.</p>
<p align="center"><em><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Cartoon_Paying_for_Brexit_m.jpg" alt="Cartoon_Paying_for_Brexit.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></em></p>
<p align="center"><em>« Bien sûr, c’est Monsieur Davis qui paie »</em></p>
<p align="center"><em>« Je crois que Monsieur le ministre se trompe… »</em></p>
<p align="center"><em>(Davis est le négociateur du Brexit pour le Royaume-Uni)</em></p>
<p>C’est là le genre d’état d’esprit dans lequel se trouvent une grande partie des Britanniques, et certainement la plupart des partisans du Brexit.</p>
<p>Payer 60 milliards d’euros <strong>et</strong> rester soumis à la Cour de Justice de l’UE <strong>et</strong> devoir continuer la libre-circulation des Européens <strong>et</strong> ne plus avoir voix au chapitre ? A la City, le cœur financier de Londres, on l’espère sans doute très fort, et Madame May doit bien suivre, du moins faire ce qu’elle peut. Au final il est tout de même très difficile d’imaginer que ce genre d’accord soit acceptable pour la population britannique. Voir déjà la révolte d’une partie des conservateurs sur ce sujet avec cette <a href="http://www.express.co.uk/news/politics/868148/no-deal-Top-Brexiteers-order-Theresa-May-end-Brexit-negotiations-EU-Brussels" hreflang="en">Lettre ouverte à Theresa May des partisans les plus décidés du Brexit, y compris plus de 50 parlementaires conservateurs</a>.</p>
<ul><li>Ils lui enjoignent de <strong>cesser toute négociation pour un accord de Brexit</strong> à moins que Bruxelles ne commence immédiatement les négociations sur la relation commerciale future - alors que la mission que les chefs d’Etat européens ont donnée à Michel Barnier consiste à d’abord fixer les détails de la séparation y compris financiers avant de négocier un accord commercial pour après la sortie</li>
<li>Les Britanniques utiliseraient alors le temps restant avant mars 2019 pour se préparer à des relations avec l’UE régies par les seules règles de l’OMC l’Organisation Mondiale du Commerce. Inutile de préciser - même s’ils ne l’écrivent pas - que la somme versée par Londres à Bruxelles comme solde de tout compte pourrait s’écrire avec un seul chiffre... celui qui a été autrefois inventé par les Indiens</li>
</ul>
<p>Cette lettre représente une forte pression sur Theresa May, qui n’est pas si confortable au Parlement (c’est une litote) et dont le siège à la limite pourrait s’avérer éjectable. Et la stratégie exigée reviendrait à lancer un ultimatum à Bruxelles.</p>
<p>Deux de leurs arguments ont un certain poids :</p>
<ul><li>S’il doit n’y avoir aucun accord, autant le savoir tout de suite car du moins l’incertitude sera levée et elle est toujours mauvaise pour les affaires</li>
<li>La stratégie de l’ultimatum – éventuellement du bluff – peut avoir ses avantages, étant donné que beaucoup de pays européens préféreraient conserver des relations économiques ouvertes avec le Royaume-Uni. Rappelons que Berlin a <a href="http://atlas.media.mit.edu/en/profile/country/deu/" hreflang="en">un excédent de 54 milliards de dollars</a> dans son commerce avec Londres (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#R2">2</a>) C’est aussi ce qu’espère Nigel Farage, <a href="https://www.theguardian.com/politics/live/2017/oct/20/brexit-theresa-may-angela-merkel-hopeful-deal-europe-politics-live" hreflang="en">qui a estimé que</a></li>
</ul>
<blockquote><p><em>"Angela Merkel (sous) pression de l’industrie allemande (est) le seul espoir"</em></p>
</blockquote>
<p>Reste le sujet qui donne des sueurs froides à tous les responsables politiques britanniques : à côté d’éventuelles <em>"opportunités"</em> économiques du Brexit, il y a aussi le <em>"petit"</em> détail <del>du racket</del> de l’ « industrie » financière.</p>
<p align="center"><em><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Tintin_and_the_Brexit_plan_m.jpg" alt="Tintin_and_the_Brexit_plan.jpeg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></em></p>
<p align="center"><em>Le Brexit vu par l’ « industrie financière » de Londres</em></p>
<p align="center"><em>Comment, mais comment donc conserver l’accès au marché européen si lucratif ?</em></p>
<h4>Au fait, quelles seraient les conséquences pour le Royaume-Uni si l’« industrie financière » de la City était réduite à la portion congrue ?</h4>
<p>La contribution du centre financier de Londres – premier centre européen et <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/03/28/londres-reste-la-place-financiere-la-plus-reputee_5101928_3234.html" hreflang="fr">centre financier mondial le plus réputé</a> – aux finances publiques britanniques est très considérable. Qu’on en juge :</p>
<ul><li>D’après <a href="http://www.dailymail.co.uk/news/article-4700008/City-London-accuses-France-plot-wreck-Britain.html" hreflang="en">cet article du Daily Mail</a> de 2017, le centre financier lui-même rapporterait 66 milliard de livres chaque année au Trésor britannique. Si l’on rapproche ce chiffre de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Budget_of_the_United_Kingdom" hreflang="en">ceux du budget</a> (2016), nous parlons d’un peu plus de 9% du budget de l’Etat</li>
<li>Selon cette autre <a href="http://www.telegraph.co.uk/finance/newsbysector/banksandfinance/12031950/City-of-Londons-tax-bill-hits-highest-since-financial-crisis.html" hreflang="en">estimation du Telegraph</a> en 2015, la contribution de la City au budget aurait été de 11% en 2015 à comparer avec 13,9% en 2007</li>
<li>La City publie elle-même chaque année un document nommé "<a href="https://www.cityoflondon.gov.uk/business/economic-research-and-information/research-publications/Documents/Research 2016/total-tax-report-2016.pdf" hreflang="en">Total Tax Contribution</a>" <em>(PDF, en anglais)</em> qui comme son nom l’indique vise à bien faire comprendre au gouvernement à quel point il est dépendant de cette « industrie ». La dernière livraison (2016) situe la contribution directe aux impôts à <em>« 11.5% of the UK Government’s total tax receipts »</em>, en hausse de 0,5% par rapport à 2015, pour un montant total de 71,4 milliards de livres. La majeure partie de ces revenus fiscaux provient des taxes sur l’emploi</li>
</ul>
<p>En résumé, les seuls impôts directs sur la City représentent entre 9 et 11,5% des revenus du Royaume-Uni en tant qu’Etat, sans compter encore les impôts sur les activités induites. L’impact direct et indirect qu’aurait le départ d’une partie de la City risque d’être très important (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#R3">3</a>)</p>
<p>Ajoutons encore sa contribution à l’équilibre de la balance des paiements, sachant que la balance commerciale du Royaume-Uni était déjà dans le rouge de 221 milliards de dollars en 2016 avec un taux de couverture des importations par des exportations de seulement 65%, à comparer avec 90% pour la France qui pourtant ne va pas précisément très bien.</p>
<p>La question à cent balles – enfin, un peu plus – étant de savoir si l’activité financière sera gênée voire ruinée par le Brexit un peu, un peu plus, beaucoup, encore plus...</p>
<h4>Le Gouvernement de Sa Majesté en a perdu son fameux sang-froid</h4>
<p>Le gouvernement britannique est tiraillé, faut-il dire coincé et déchiré, entre d’une part :</p>
<p>- <strong>La décision du peuple souverain</strong> – une formulation française à l’origine, mais c’est bien ainsi que les choses se passent en Grande-Bretagne quoi qu’il en soit de la théorie sur le « <em>parlement souverain</em> » – qui leur a dit clairement que c’est sortie de l’UE et contrôle de ses frontières nationales tout seuls comme des grands, et si le gouvernement ne veut pas eh bien il le fait quand même un point c’est tout</p>
<p>Et d’autre part :</p>
<p>- <strong>Les énormes pressions de leur secteur financier</strong> – hypertrophié comme chacun sait – qui veut continuer à faire des affaires en Europe sur un pied d’égalité avec les banques d’UE, et pour ça il leur faut la liberté totale financière comme ils l’ont à ce jour, et puisque les autres pays de l’UE ne veulent pas la maintenir (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#R4">4</a>) sauf à maintenir en même temps la liberté d’immigration pour les Européens au Royaume-Uni et le pouvoir de la Cour de Justice européenne alors les financiers sont d’accord pour dire adieu au contrôle de ses frontières nationales et adieu au « comme des grands », sauf que... sauf que le populo risquerait d’en être <strong>vraiment</strong> faché</p>
<p>Et ça leur fait mal, au gouvernement britannique.</p>
<p>Surtout parce que la réalité politique est qu’il leur est pratiquement impossible de faire ce que leurs meilleurs instincts leur commanderaient de faire, c’est-à-dire donner tout ce qu’elle veut à Madame la City, et Monsieur le Peuple eh bien il irait se faire voir. Comme dans l’ancien temps, les gens de bien sont servis comme il faut – bien, donc, puisque ce sont des gens de bien, c’est élémentaire quand même – tandis que le vulgaire, eh bien il a le sourire de M’dame Maggie, il peut l’envelopper dans un <em>Union Jack</em> si ça lui chante, et il faudra bien que ça lui suffise.</p>
<p>Oui mais en pratique ils ne peuvent pas. Ne peuvent plus. C’est ça le principe du référendum... une procédure de « <em>Frog</em> » (Français) un truc pareil (<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#R5">5</a>)</p>
<p>Alors on rêve d’avoir "le beurre et l’argent du beurre", on presse on complote on pleurniche on fait des représentations aux uns et aux autres. Ce ne serait pas possible d’avoir les deux ? Non ? Nan mais vraiment pas ? On en pleure des rivières sa petite maman.</p>
<p>Et ça ne marche pas.</p>
<p>Et avec l’article 50 on s’est mis sur une trajectoire de sortie qui aboutira le 29 mars 2019. Alors il va bien falloir faire quelque chose quand même.</p>
<p align="center"><em><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Stiff_Upper_Lip_m.jpg" alt="Stiff_Upper_Lip.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></em></p>
<p align="center"><em>« Garde ta lèvre supérieure rigide », c’est-à-dire « Garde ton sang-froid »</em></p>
<p align="center"><em>Difficile pour un gouvernement coincé entre un peuple britannique qui maintient sa décision de partir et une City debout sur le frein de tout Brexit « dur »</em></p>
<p>Ce à quoi les Britanniques seront forcés, c’est-à-dire accepter leurs pertes – une bonne partie si ce n’est le plus clair <del>des trafics</del> de l’activité de la City – faire contre mauvaise fortune bon cœur et se dire que le vin étant tiré, il faut le boire, le gouvernement ne pourrait-il s’y résoudre dès maintenant, avec l’argument que la situation n’ayant guère de chance de changer, autant réduire la période d’incertitude tout en faisant preuve d’un tant soit peu d’assurance et de respect de soi ?</p>
<p>Outre-Manche, on appelle ça garder la lèvre supérieure rigide – <em>« keep a stiff upper lip »</em> – une vertu ancestrale que… eh bien, les ancêtres avaient eux, oui.</p>
<p>Pour l’instant, ce n’est pas vraiment ça.</p>
<p>Mais un de ces jours pas si lointain, les Britanniques vont la retrouver, cette vertu ancestrale – <strong>c’est qu’ils y seront bien forcés</strong>. Et puis ça ne disparaît pas comme ça, ce genre de choses. A force de fouiller dans les malles au grenier, les vieux souvenirs de l’Empire et tout ça, on finit par retomber dessus.</p>
<p>... Quant aux soixante milliards pour les finances de l’UE, autant ne pas trop y compter. La question sera plutôt : programme d’austérité dans les dépenses au niveau de l’Union, ou contributions plus importantes des Etats membre restants ?</p>
<p align="center"><em><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Thatcher-Fontainebleau-Plantu_m.jpg" alt="Thatcher-Fontainebleau-Plantu.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></em></p>
<p align="center"><em>Il fut un temps où Londres obtenait des autres capitales un « chèque » de réduction de sa contribution. Les Britanniques accepteraient-ils qu’au moment même où ils décident de partir, ce soit eux qui cette fois-ci doivent faire le chèque ?</em></p>
<p align="center"><em>Nul n’est obligé d’y croire… Et le Brexit sera dur</em></p>
<br /><br />
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#" name="R1">1</a> – Rappelons toutefois les incertitudes sur l’avenir de l’UE elle-même. Elections italiennes, crises bancaires potentielles, migration de masse qui reprendrait de l’ampleur… Il est possible que l’on n’assiste à aucun événement troublant, voire déstabilisant, voire brisant pour l’UE d’ici le départ officiel du RU au printemps 2019. Mais ce n’est pas le seul scénario.</p>
<p>Pour les Britanniques, comme dans un autre genre pour les Russes, bref pour tous les pays européens qui ont à faire face à une UE qui leur présente un front uni, ce genre d’événement pourrait-il ouvrir des occasions ?</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#" name="R2">2</a> – Remarquons que les intérêts de l’Allemagne et de la France s’éloignent quelque peu sur le sujet, Berlin ayant à cœur de préserver son excédent commercial, tandis que Paris doit s’inquiéter d’un Brexit trop réussi qui risquerait d’encourager la forte minorité des 30 à 40% de Français intéressés à emboîter le pas.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#" name="R3">3</a> – Remerciements au contributeur <a href="http://www.air-defense.net/forum/topic/19953-on-prend-les-paris-les-british-quittentou-pas-leurope/?page=107&tab=comments#comment-1091698" hreflang="fr">Boule75</a> pour ces références</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#" name="R4">4</a> – Aucune vertu dans le refus du "passeport européen" pour les banques britanniques… il s’agit de faire reprendre la même activité par les banques continentales, et Jean-Claude Juncker <a href="https://www.politis.fr/articles/2014/11/juncker-au-centre-dun-scandale-fiscal-impliquant-340-multinationales-28907/" hreflang="fr">sera bien d’accord</a> que c’est le Luxembourg qui doit être le paradis pour les banques européennes plutôt que Londres.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#" name="R5">5</a> – Enfin les <em>« Frogs »</em> quand ils ne sont pas trop éloignés de leurs propres pratiques traditionnelles, naturellement. Depuis un certain 29 mai 2005, il est en pratique exclu de faire des référendums en France, puisque le peuple a tendance à répondre mal, ce qui démontre le danger de lui poser trop de questions. Mais ce David Cameron, un véritable Chirac celui-là, s’est cru bien astucieux à faire un truc de <em>Frog</em> et à croire qu’il pouvait s’en sortir... le gros malin !</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/13/Brexit%2C-pourquoi-l-UE-demande-t-elle-autant-d-argent-et-pourquoi-les-n%C3%A9gociations-vont-%C3%A9chouer#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/86Emmanuel Macron, l'angle mort du grand entretienurn:md5:2132ece61b0edea486ba9607ec6d2802Monday 16 October 2017Monday 16 October 2017Alexis TouletBilletsAllemagneCrises politiques et internationalesFranceMacronPolitiques publiquesUnion Européenne<p><em>Le premier grand entretien du président Emmanuel Macron depuis son élection, très suivi avec une audience estimée à presque 10 millions de personnes, ne contenait nulle annonce fracassante, et à vrai dire guère de nouveauté.</em></p>
<p><em>Mais c’est le silence qui est le plus éloquent : le président n’a pratiquement pas parlé du sujet principal, celui qui décide de la réussite de l’ensemble de son projet – et est d’ores et déjà assez mal engagé. Qu’en sera-t-il dans « deux ans », le délai que Macron s’est donné pour obtenir les premiers résultats tangibles de sa politique ?</em></p> <h4>A gauche, à droite et dans toutes les directions, un peu pour tous les goûts</h4>
<p>Très attendu à la fois sur sa communication depuis l’élection et sur le fond de la mise en œuvre de son projet présidentiel, Emmanuel Macron n’a pas manqué de tenter de modifier l’impression produite par un vocabulaire que beaucoup perçoivent comme trop agressif. Il a surtout défendu à nouveau <em>in extenso</em> et pour la première fois en tant que président son projet de « transformation » pour la France. Pas beaucoup de surprises de ce côté, mais un président de la République semblant faire flèche de tout bois et dans toutes les directions, afin que chacun puisse y trouver son compte. </p>
<p>Cette courte et incomplète liste d’exemples suffira à le démontrer. Emmanuel Macron a défendu successivement :</p>
<ul><li>L’ouverture d’un débat sur la bioéthique, la PMA et la GPA (à laquelle il s’est déclaré opposé à titre personnel) – à l’attention des partisans du libéralisme sociétal</li>
<li>Son engagement à défendre le pouvoir d’achat par exemple des retraités – à l’attention des plus sociaux</li>
<li>La sélection à l’entrée à l’université – à l’attention des partisans de la méritocratie éducative</li>
<li>L’exemption de l’ISF pour qui investit dans une entreprise et l’attaque des mesures fiscales de François Hollande comme punitives pour les plus aisés – à l’attention des libéraux</li>
<li>La participation <em>« cette belle idée gaulliste </em><span style="font-size:10.0pt;line-height:107%;
font-family:"Arial",sans-serif;mso-fareast-font-family:Calibri;mso-fareast-theme-font:
minor-latin;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:EN-US;mso-bidi-language:
AR-SA">» </span>- à l’attention des gaullistes</li>
<li>Son engagement à expulser effectivement les immigrés clandestins délinquants <em>« je serai intraitable </em><span style="font-size:10.0pt;line-height:107%;
font-family:"Arial",sans-serif;mso-fareast-font-family:Calibri;mso-fareast-theme-font:
minor-latin;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:EN-US;mso-bidi-language:
AR-SA">» </span>– à l’attention des partisans du contrôle de l’immigration</li>
<li>Etc, etc.</li>
</ul>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Macron_-_grand_entretien_m.jpg" alt="Macron_-_grand_entretien.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>Emmanuel Macron le 15 octobre 2017</em></p>
<h4>... Sans reculer devant l’inexactitude</h4>
<p>Emmanuel Macron n’a pas négligé à l’occasion de prendre quelques libertés avec la vérité. Il a par exemple identifié ceux qui s’inquiètent de la réforme du code du travail – conséquences d’une inversion de la hiérarchie des normes, ou du renforcement de la position des directions dans leurs négociations avec les salariés – avec les hommes politiques réticents à « <em>réformer </em>», qu’il aurait seuls visés en s’attaquant aux « <em>fainéants</em> » et à « <em>ceux qui foutent le bordel</em> ».</p>
<p>Il a encore prétendu que lorsqu’il parlait dans une rencontre avec de jeunes entrepreneurs de « <em>ceux qui ne sont rien</em> », il s’agissait en fait de ceux dont certains (d’autres que lui) pensent qu’ils ne sont rien. Ce qui n’est guère conforme à ses paroles, <a href="http://www.lavie.fr/blog/pierre-michel-robert/macron-l-incompris,4917" hreflang="fr">que l’on peut trouver ici</a>. Il n’y a guère de doute qu’il parlait non pour adresser du mépris aux plus pauvres, plutôt pour mettre en garde contre la thésaurisation, mais il n’y a pas de doute non plus qu’il a bien laissé échapper – comme par inadvertance, ou léger manque de contrôle de soi – que dans son esprit, qui n’a pas réussi « <em>n’est rien</em> »</p>
<p>Mais surtout, au-delà de simples questions de vocabulaire et de communication, il a argumenté que le taux de chômage avait déjà commencé à baisser, pour prétendre que le problème était du moins bien orienté. Or <ins>c’est tout simplement faux</ins> : si le taux des chômeurs de catégorie A s’est légèrement réduit, le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/001572362#Graphique" hreflang="fr">nombre total des chômeurs</a> mesuré par l’INSEE a lui augmenté sans discontinuer de 3,5 à 6,4 millions – une différence de 2,9 millions – depuis la mi-2008, y compris 0,1 million depuis l’élection d’Emmanuel Macron, et ceci rien qu’en métropole. Il ne s’agit pas d’en rejeter la responsabilité sur le nouveau président, dont la politique n’a évidemment pas encore eu le temps d’influer sur le chômage ni en bien ni en mal. Mais force est de constater que dissimuler ou se dissimuler la réalité n’est pas très bon signe quand on entend l’améliorer…</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Chomage_toutes_categories__metropole_seule.png" alt="Chomage_toutes_categories__metropole_seule.png" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Nombre total de chômeurs, métropole seule - Source : INSEE</em></p>
<p align="center"><em>Non, Monsieur le Président, ça n’a pas commencé à baisser</em></p>
<p>Le président de la République a insisté sur le fait que le chômage ne serait « <em>pas le seul indicateur</em> » à prendre en compte pour évaluer son futur bilan. Certes, mais chômage et pauvreté sont tout de même les indicateurs prépondérants du point de vue de la majorité ! Et le président en est certainement conscient.</p>
<h4>L’Union européenne - ou le grand angle mort du débat</h4>
<p>A part une rapide confirmation par Emmanuel Macron de l’« <em>importance</em> » qu’il accorde à l’Union européenne, le sujet n’a pratiquement pas été évoqué. Pour un président qui se montrait constamment soucieux d’expliquer sa politique d’ensemble, comme pour un trio de journalistes qui trouvèrent pourtant le temps de l’interroger sur des sujets certes d’actualité mais auxquels il ne pouvait pas grand chose - comme le harcèlement sexuel à Hollywood - c’est là un oubli assez stupéfiant !</p>
<p>Il faut rappeler que si la campagne présidentielle française a tant intéressé à l’étranger, c’est avant tout parce que le peuple français était invité à décider s’il continuerait à appliquer la politique pro-européenne établie depuis au bas mot trente ans - fin de la politique de relance « dans un seul pays »<em> </em>de Mitterrand en 1983 et poussée vers l’intégration européenne sous l’impulsion notamment de Jacques Delors - ou s’il en choisirait une autre, en tentant de forcer un changement d’orientation massif de l’Union européenne sous menace de la quitter, ce à quoi elle ne pourrait pas survivre. Les Français avaient le choix encore décider de faire encore un tour de manège, ou d’en descendre en forçant leurs partenaires à choisir entre les suivre ou voir l’UE disparaître. <ins>Voilà ce qui intéressait, et parfois passionnait à l’étranger</ins>.</p>
<p>Le résultat a été <a href="https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Les-resultats/Presidentielles/elecresult__presidentielle-2017/(path)/presidentielle-2017/FE.html" hreflang="fr">sans équivoque</a> : au premier tour les candidats représentant sans ambiguïté la continuation regroupaient 50,4% des exprimés, tandis que les candidats qui proposaient de forcer un changement totalisaient dans leur diversité 46,5% <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/10/16/Emmanuel-Macron%2C-l-angle-mort-du-grand-entretien#N1">(1)</a>. Le résultat fut encore amplifié au second tour - 66,1% contre 33,9% - du fait de l’incompatibilité notoire entre l’électorat de la France Insoumise et la candidate du Front National.</p>
<p>Cependant, le vainqueur de l’élection ne s’y trompait pas. Alors ministre de l’Economie, <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/09/28/20002-20150928ARTFIG00208-pourquoi-macron-predit-il-la-fin-de-la-zone-euro.php" hreflang="fr">il avait prophétisé en 2015</a> :</p>
<blockquote><p><em>« Si rien ne bouge, il n’y a plus de zone euro dans dix ans. »</em></p>
</blockquote>
<p>Il ajoutait encore : « <em>l’absence de proposition est un choix: c’est la sortie de l’euro </em>».</p>
<p>Avec de telles dispositions d’esprit, le nouveau président ne devait pas manquer de justement <ins>faire des propositions aux autres pays européens, et avant tout à l’Allemagne</ins> la première puissance économique européenne et le pays dont l’influence directrice sur la politique de l’UE s’est affirmée depuis au bas mot une décennie.</p>
<p>L’objectif de ces propositions est clair : il s’agit de s’assurer que l’euro soit géré non dans la seule optique dite ordo-libérale, dont l’expérience a prouvé que ses conséquences étaient catastrophiques pour l’économie d’un nombre toujours plus grand de pays - Grèce, Espagne, Portugal, Italie, et de plus en plus la France bien entendu - mais d’une manière qui profite de manière équilibrée à tous les pays de la zone euro avec toutes leurs différences. Ce qui est à l’évidence une <ins>condition indispensable au succès de la politique d’ensemble du nouveau président de la République</ins>. Un eurosceptique pourrait bien soutenir qu’obtenir une telle évolution de la logique de l’euro est impossible, il y a fort à parier que Macron dans son élan serait prêt à lui répondre que <em>« Impossible n’est pas français »</em>.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron défend cette nécessité d’un rééquilibrage de la gestion de l’euro. Lors de la négociation autour de la dette grecque en 2015, il argumenta contre des mesures d’austérité trop écrasantes, allant jusqu’à comparer <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/07/14/L-Allemagne-gagne-sur-tous-les-fronts" hreflang="fr">le diktat fait à la Grèce</a> à « <em>une version moderne du Traité de Versailles </em>», ce qui indisposa la chancelière allemande Angela Merkel <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/2017/04/29/angela-merkel-clashed-emmanuel-macron-greek-debt-deal-new-book/" hreflang="en">qui exigea de François Hollande</a> qu’il écarte son jeune ministre de l’Economie des négociations.</p>
<p>Comment ce sujet fondamental pour la réussite du projet présidentiel a-t-il pu être négligé dans l’entretien ? Est-ce du fait d’une négligence de la part des journalistes ? Ou parce que les choses ne s’engagent pas si bien ?</p>
<h4>Une Allemagne méfiante, une chancelière rétive - et qui a d’autres chats à fouetter merci bien</h4>
<p>Pour aller à l’essentiel à travers tout le détail des propositions et mécanismes envisagés ou envisageables, le changement souhaité dans la gestion de l’euro peut se résumer à ces deux points :</p>
<ul><li>S’orienter davantage vers l’investissement, en modérant au moins la recherche prioritaire d’équilibre financier quelles que soient les conséquences</li>
<li>Accepter une plus grande solidarité économique entre les différents pays européens</li>
</ul>
<p>Or chacun de ces deux points est en <ins>contradiction frontale</ins> avec la politique que l’Allemagne non seulement trouve culturellement plus naturelle et saine, mais encore dont elle considère qu’elle est la racine de ses succès économiques actuels. Il s’y mêle encore une méfiance largement répandue outre-Rhin envers la tendance prêtée à d’autres pays surtout au sud - ou au sud-ouest, comme la France - à se mettre dans une situation financière délicate puis à attendre que d’autres les aident - et avant tout l’Allemagne. C’est bien ainsi d’ailleurs qu’ont été présentés les différents plans d’aide « <em>à la Grèce </em>», alors que ces plans étaient en réalité des plans d’aide aux grandes banques créditrices de ce pays.</p>
<p>Emmanuel Macron compte sur une rigueur plus importante dans les dépenses de l’Etat et l’application plus déterminée d’une plus grande partie des recommandations économiques de l’Union européenne ainsi que sur l’élan qu’il estime incarner pour convaincre et l’Allemagne, et encore les autres pays d’avancer sur les pistes qu’il propose. Vu les obstacles, <ins>c’est supposer une puissance remarquable à l’élan</ins>. Ce n’est pas en effet juste en respectant la politique décidée au niveau de l’UE que l’on pourra convaincre le gouvernement allemand : appliquer les recommandations européennes, ce n’est pour la France qu’être « <em>bonne élève </em>». Or, si un bon élève peut mériter des encouragements, il ne mérite certainement pas une valise de sucreries, ni encore moins que l’on change les règles de l’épreuve juste pour lui faire plaisir !</p>
<p>Mais il y a pire : le résultat des récentes élections allemandes non seulement rendra plus difficile à Angela Merkel de former une coalition viable pour gouverner, surtout cette coalition promet de créer des obstacles supplémentaires dans le cas où la chancelière envisagerait de faire quelque concession significative à Emmanuel Macron, par exemple de crainte que son échec ne soit préjudiciable aux Français au point que le successeur d’Emmanuel Macron ne décide de forcer le changement sous peine de disparition de l’Union européenne <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/10/16/Emmanuel-Macron%2C-l-angle-mort-du-grand-entretien#N2">(2)</a></p>
<p>Voici en effet l’équation que la chancelière allemande doit résoudre pour former un gouvernement stable. Il s’agit de mettre d’accord trois partis en plus du sien la CDU :</p>
<ul><li>La CSU de droite conservatrice, le partenaire de longue date de la CDU en Bavière, qui a été mise en danger sur ses terres alors que des élections régionales y auront lieu l’année prochaine, aura à cœur d’obtenir des concessions significatives sur le sujet des migrants. Mais de telles concessions rebuteraient les Verts, qui voudraient plutôt peser dans l’autre sens</li>
<li>Les Verts, écologistes de gauche, demanderont des concessions sur le diesel. Mais cela gênerait gravement l’industrie automobile allemande et rebuterait donc fortement le FDP, le parti préféré des milieux d’affaires</li>
<li>Le FDP, libéral, exigera le respect des lignes rouges habituelles de la politique européenne de l’Allemagne - du Wolfgang Schaüble, en plus intraitable encore peut-être... voilà au moins qui ne gênerait aucun autre parti indispensable à l’équilibre de la coalition, ni la CSU évidemment, ni les Verts en fait</li>
</ul>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Bundestag_2017_m.jpg" alt="Bundestag_2017.png" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Bundestag 2017 - La seule coalition moindrement réaliste est la formule"Jamaïque" Noir-Jaune-Vert... qui est tout sauf facile à mettre en place</em></p>
<p><ins>La solution la plus simple pour Angela Merkel, si ce n’est la seule</ins> sera donc de trouver l’équilibre sur ces lignes :</p>
<ul><li>Le FDP reçoit des garanties en béton sur le sujet européen et avale en échange une couleuvre sur le diesel</li>
<li>Les Verts obtiennent des résultats sur le diesel et acceptent qu’on soit un peu plus restrictif au sujet des migrants</li>
<li>La CSU obtient une évolution concernant les migrants</li>
</ul>
<p>Cette formule assurera que personne d’important dans la politique allemande ne soit vraiment mécontent ni n’aie les mains tout à fait vides.</p>
<p>En bref, <ins>c’est le projet européen d’Emmanuel Macron qui servira de dindon à la farce</ins>.</p>
<p>La vérité est que l’Allemagne, d’une manière parallèle même si peut-être pas au même degré que plusieurs de ses voisins, commence à entrer dans une phase de troubles politiques qui la poussent à se replier davantage sur ses préoccupations internes. Pour faire des concessions aux autres Européens dans le cadre d’une vraie négociation, il faudrait avoir la liberté d’action que procurerait un gouvernement uni. C’est ce que l’Allemagne avait jusqu’ici - ce qui ne l’a pas empêchée au demeurant d’imposer énergiquement ses conceptions et ses intérêts dans le cadre européen - et c’est ce qu’elle aura beaucoup moins qu’avant.</p>
<p>La France, ayant pris une direction claire au printemps dernier, disposant d’un nouveau président déterminé appuyé sur une confortable majorité parlementaire, est quant à elle en position de faire des concessions. Nul doute qu’Emmanuel Macron y sera appelé, et il est vrai qu’au moins <ins>à court terme, il n’a guère d’autre choix</ins>, quitte à habiller la chose d’un sourire forcé pour tenter de faire bonne figure.</p>
<p>A moyen-long terme, bien entendu, toutes les options sont envisageables.</p>
<h4>Que décidera Emmanuel Macron dans deux ans ?</h4>
<p>Le président de la République l’a lâché au détour d’une phrase : il attend les premiers résultats tangibles de sa politique <em>« d’ici deux ans ».</em> C’est à la fois un délai raisonnable pour qu’un changement même profond ait le temps de produire ses effets... et un point de rendez-vous à mi-mandat, qui lui laissera encore le temps pour effectuer un ajustement s’il s’avérait nécessaire.</p>
<p>En somme, Emmanuel Macron même sans l’expliciter totalement a découpé son mandat en deux moitiés, dont la première est occupée par l’application du programme présidentiel approuvé par les Français et qui lui a valu l’élection. Et la seconde ?</p>
<p>Dans l’hypothèse où les propositions qu’il a lancées pour la réforme de l’Union européenne ne déboucheraient sur rien de concret, soit qu’elles soient refusées, soit plus probablement qu’elles soient vidées de leur substance pour surtout ne rien changer - le ministre des finances allemand sortant Wolfgang Schaüble <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/11/wolfgang-schauble-le-trouble-fete-de-la-zone-euro_5199399_3232.html" hreflang="fr">s’y est appliqué avec détermination</a> - le président de la République lui-même s’attend probablement à ce que la réforme d’ensemble, la <em>« transformation »</em> du pays qu’il entend mener ne puisse déboucher sur des résultats suffisamment positifs... si encore elle ne se révèle pas tout simplement un <ins>boulet supplémentaire pour le pays</ins>, comme l’ont été après tout les <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2013/04/02/Politique-de-rigueur%2C-Hollande-ou-De-Gaulle" hreflang="fr">transformations profondes qu’ont entreprises Italie et Espagne</a> au début des années 2010 sur injonction des autorités européennes, avec des résultats désastreux.</p>
<p>Alors, Emmanuel Macron se trouvera devant une alternative claire :</p>
<ul><li>Soit réagir comme François Hollande à partir de 2013, c’est-à-dire se reposer sur la seule adhésion à la politique économique définie au niveau européen, avec des résultats prévisibles et similaires si ce n’est pires que ceux de son prédécesseur. Donc l’impuissance, l’humiliation, la défaite et une fin ignominieuse de sa carrière politique à 44 ans. Difficile d’imaginer cet homme jeune, à qui jusqu’ici tout a réussi, qui méprise visiblement la résignation à l’échec, accepter cela. Difficile de l’imaginer continuer à appliquer une politique dont il sait qu’elle ne peut au final qu’échouer - citons-le encore une fois « <em>l’absence de proposition est un choix: c’est la sortie de l’euro </em>» - sachant qu’il a été formé chez les financiers, ce qui signifie entre autres choses davantage de considération pour ce qui marche que pour toute idéologie, davantage de réalisme et d’ouverture aux solutions non-conventionnelles</li>
<li>Soit... <ins>changer de cap, et faire autre chose</ins>. Peut-être : tout autre chose. Et la Constitution de la Cinquième République assure qu’en France, un président qui estime nécessaire de changer de cap a les moyens de le faire. S’il le décide, il ne pourra être question pour Angela Merkel de le faire sortir de la pièce, comme elle le fit en 2015 - on ne peut faire cela qu’à un simple ministre</li>
</ul>
<p>Que décidera Emmanuel Macron à ce moment, probablement vers 2019 ? La question n’est pour l’instant qu’en filigrane. Sauf à ce que la chancelière allemande ne change et ne s’avère prochainement très différente de ce qu’elle a été durant ses douze premières années de mandat, cette question se posera bel et bien.</p>
<br />
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/10/16/Emmanuel-Macron%2C-l-angle-mort-du-grand-entretien#" name="N1">1</a> - Emmanuel Macron, François Fillon et Benoît Hamon pour les premiers, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan et François Asselineau pour les seconds, les quatre autres candidats étant difficilement classables</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/10/16/Emmanuel-Macron%2C-l-angle-mort-du-grand-entretien#" name="N2">2</a> - C’est une éventualité très présente à l’esprit de certains commentateurs en Allemagne. Voir par exemple <a href="http://www.spiegel.de/politik/ausland/europa-und-macron-koste-es-was-es-wolle-kommentar-a-1147511.html" hreflang="de">cet article du Spiegel en mai 2017</a> <em>« L’Europe et Macron - Quoi qu’il en coûte »</em>, argumentant en faveur d’une <em>« solidarité sans restriction »</em> entre pays européens</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/10/16/Emmanuel-Macron%2C-l-angle-mort-du-grand-entretien#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/85