Le Noeud Gordien - Tag - Violence collectiveA l'heure de la Vague scélérate - Conjonction et synergie de toutes les crises en une déferlante globale2024-03-29T04:02:12+01:00urn:md5:2e1e50df2175f77cc507de58e6d51ff5DotclearLe seigneur de guerre pénitent – Expier 20 000 crimes de guerreurn:md5:ed38e8c23ab8668daec5cdd09a0d0f5bSunday 5 November 2017Sunday 5 November 2017Alexis TouletTraductionsCrime de masseJusticeReligionViolence collective<p><em>Joshua Blahyi, seigneur de guerre repenti, meurtrier de masse devenu pasteur, est à bien des égards un cas limite. <ins>L’un des pires criminels actuellement vivants</ins>, responsable d’atrocités innombrables lors de la guerre civile du Liberia, il a brusquement quitté sa vie de meurtres, écoutant le prêche d’un pasteur l’appelant à la conversion, puis est devenu pasteur lui-même. Libre dans un pays où aucun des anciens seigneurs de guerre n’est poursuivi, il recherche systématiquement les familles de ses anciennes victimes afin d’implorer leur pardon.</em></p>
<p><em>L’extrême de ses crimes, la mue en apparence totale qu’il a depuis connue, interrogent - qu’en est-il de sa sincérité ? Un homme peut-il revenir du fin fond de la criminalité ? Sa transformation est-elle vraiment totale - et le criminel a-t-il donc disparu en lui ?</em></p> <p><a href="http://www.spiegel.de/international/world/general-butt-naked-warlord-blahyi-seeks-forgiveness-in-liberia-a-930688.html" hreflang="en">Texte original et reportage</a> - Der Spiegel, édition anglaise, 30 octobre 2013</p>
<p>Traduction en français et Notes - Alexis Toulet pour le Noeud Gordien, 5 novembre 2017</p>
<h4>Général Fesses-Nues – Le seigneur de guerre libérien Blahyi cherche le pardon</h4>
<p><em>Pendant des années, Joshua Milton Blahyi, plus connu sous le nom de Général Fesses-Nues, était l’un des seigneurs de guerre les plus redoutés du Libéria. Puis, il est devenu pasteur. Aujourd’hui il visite les familles de ses victimes à la recherche du pardon pour ses péchés.</em></p>
<p>Un certain mardi, il y a six ans de cela, on a tenté de quantifier la culpabilité de Joshua Milton Blahyi. Le président de son Liberia natal avait désigné une commission de neuf militants des droits de l’homme, avocats, journalistes et prêtres pour déterminer ce qu’il avait fait pendant la guerre civile. Au début de l’audition de 132 minutes, ils lui ont posé cette question : « Combien y a-t-il eu de victimes ? » Le film de l’audition montre Blahyi assis, habillé d’un pantalon blanc, chemise blanche et chaussures blanches, réfléchissant à la question. Combien de gens a-t-il tué ?</p>
<p>Il a regardé devant lui la grande salle luxueuse où se tenait l’audition. Il semblait à la fois concentré et totalement détendu. Pendant la guerre, l’endroit où se tenait maintenant la commission était occupé par un trône présidentiel renversé, un tas d’excréments et un piano noir Steinway rutilant. Ses jambes avaient été retirées avec précaution, comme amputées chirurgicalement. A l’époque, Blahyi contrôlait les rues de la capitale libérienne Monrovia et portait un autre nom.</p>
<p>La guerre, qui dura de 1989 à 2003, coûta 250 000 vies. Un million de personnes quittèrent le pays et jusqu’à 20 000 enfants furent recrutés comme soldats. Les reporters ramenaient des photos d’enfants soldats portant des masques de Halloween et des perruques de femme, mangeant des cœurs humains et décorant les intersections des rues avec des os. Des familles achetaient des sorts magiques dont ils espéraient protection, soit avec de l’argent soit en sacrifiant un membre de la famille. Les chefs se choisissaient des noms de guerre qui auraient pu venir de films, ou de cauchemars, et qui souvent en étaient : Général Rambo, Général Ben Laden, Général Satan.</p>
<p>Blahyi avait la réputation d’être plus brutal que les autres chefs de guerre. Tout le monde connaît son nom de guerre, dont il dit qu’il ne le perdra jamais : <em>Général Fesses-Nues</em>. C’était un cannibale qui préférait sacrifier des bébés, parce qu’il croyait que leur mort promettait la plus grande protection. Il allait au combat nu, portant seulement des baskets, une machette à la main, car il croyait que cela le rendait invulnérable – et de fait il n’a jamais été touché par une balle. Ses soldats pouvaient faire des paris, telle femme enceinte portait-elle un garçon ou une fille, puis ils lui ouvraient le ventre pour voir qui avait gagné.</p>
<p>Blahyi est aujourd’hui un pasteur, qui va à son club d’échecs tous les dimanches.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.General_Fesses_Nues_m.jpg" alt="General_Fesses_Nues.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Pasteur_Blahyi_m.jpg" alt="Pasteur_Blahyi.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Général Fesses-Nues - Chef de guerre et criminel de masse</em></p>
<p align="center"><em>Joshua Blahyi - Pasteur et père de famille</em></p>
<p>Interrogé sur ses victimes, il a tourné sa tête sur le côté et s’est essuyé le cou. Il n’avait appris l’anglais que quelques années plus tôt, et il a choisi ses mots avec soin. Ses joues et sa tête massive il les avait rasées, et la sueur coulait sur son front. A la fin, il a dit : <em>« Je ne connais pas le complet… complet… complet total… mais si je… si je… devais calculer… tout ce que j’ai fait… ce serait… ça ne devrait pas être moins de 20 000 »</em></p>
<h4>Un meurtrier avec peu d’égaux</h4>
<p>Il n’y a qu’une poignée de gens dans le monde entier accusés d’un nombre similaire de meurtres que Blahyi. Mais personne n’a répondu aux accusations de la même manière que lui. Kaing Guek Eav, le chef d’un camp de prisonniers Khmer Rouge au Cambodge où environ 15 000 personnes furent torturées et tuées, parle de lui-même comme d’un secrétaire ordinaire qui a obéi aux ordres, comme tout le monde dans l’organisation. Le général serbe bosniaque Ratko Mladic, accusé d’actes de génocide entraînant la mort de 8 000 personnes à Srebrenica et 11 000 à Sarajevo, a dénoncé l’accusation comme « des paroles monstrueuses » qu’il n’avait jamais entendu avant. Et le général Augustin Bizimungu, qui aidait à écrire les listes de morts au Rwanda, n’a rien dit du tout.</p>
<p>Blahyi a répondu à toutes les questions consciencieusement, même quand on l’interrogeait sur le goût de la chair humaine. L’enregistrement de l’audition, où on lui rappelle ses déclarations antérieures, est gardé aux archives nationales du Liberia.</p>
<blockquote><p>« ‘J’ai recruté des enfants qui avaient 9 ou 10 ans.’ Est-ce correct ? »</p>
<p>« Oui »</p>
<p>« ‘Je leur ai enseigné la violence. Je leur expliquais que tuer des gens est un jeu.’ Est-ce correct ? »</p>
<p>« Correct »</p>
<p>« ‘Quand j’abattais et blessais un ennemi, je découpais son dos et mangeais son cœur vivant.’ Est-ce correct ? »</p>
<p>« Je veux apporter une précision… Je laissais aussi le corps étendu pour que mes enfants soldats coupent la personne en morceaux, afin qu’ils n’aient aucun sentiment pour les gens »</p>
<p>« Etes-vous le même Joshua Milton Blahyi qu’on appelle maintenant Joshua l’Evangéliste ? »</p>
<p>« Oui, madame »</p>
<p>« Pourquoi avez-vous décidé, au vu de ce… passé, de venir à la Commission Vérité et Réconciliation ? »</p>
<p>« Pour ma foi. On m’a dit que je devais dire la vérité, et que la vérité me fera libre »</p>
</blockquote>
<h4>Homme de Dieu ou Simulateur ?</h4>
<p>Un dimanche de juillet, cinq ans après l’audition, Blahyi est en train de prêcher dans sa congrégation. L’odeur d’un abattoir imprègne l’église de Monrovia. Dehors, un enfant urine dans le sable. C’est la saison des pluies, mais l’église est remplie de jeunes femmes en robes colorées, d’hommes d’affaires cravatés et de parents berçant leurs enfants. Ils viennent de passer trois heures à chanter, danser et prier. Cela ressemblait davantage à un festival qu’à une cérémonie religieuse et maintenant, alors que l’événement approche de son paroxysme, apparaît l’homme qu’ils attendaient : le Pasteur Blahyi. Il porte une veste blanche. Il prend le micro dans sa main et dit : « <em>Asseyez-vous. Alleluia. Je veux vous parler des bénédictions. Louez le Seigneur !</em> »</p>
<p>Il s’appelle maintenant Joshua, le nom du successeur de Moïse d’après la Bible. Il prêche la Parole de Dieu. Il a construit une mission pour les anciens enfants soldats qu’il trouve dans la rue, il leur donne nourriture et vêtement. Il a adopté trois enfants. Il a plus de 2 500 amis sur Facebook. Il est reconnaissant quand on le loue, et aussi heureux qu’un petit enfant quand quelqu’un l’embrasse. «<em> C’est un bon garçon </em>» dit sa mère, qui maintenant fait la cuisine pour les anciens enfants soldats. « <em>Généreux et drôle</em> » disent ses enfants, qui maintenant vivent avec lui. « <em>Un homme neuf</em> » dit sa femme.</p>
<p><ins>Est-il possible qu’un criminel de guerre devienne un homme de Dieu ? Ou bien n’est-il qu’un simulateur ?</ins> Voilà l’accusation : qu’il revêt chaque dimanche le masque du prêcheur, mais que sous le masque il reste un meurtrier.</p>
<p>Blahyi, 42 ans, est assis sur la terrasse derrière sa maison dans le quartier nord de Monrovia. C’est un homme solidement bâti qui avait autrefois le corps d’un lutteur. Les voisins pendent leur linge. Des enfants crient dans le jardin de la maison d’à-côté. Ses filles, qui sont en vacances scolaires, sont dans la cuisine préparant une salade pour le dîner de poulet qui va être servi. Blahyi aime avoir sa famille autour de lui. Il parle de son fils aîné Joshua, qui a maintenant 12 ans, se prépare à entrer au collège, et voudrait devenir ingénieur en aéronautique. Blahyi regarde un papillon voler au-dessus des palmiers. Ses yeux s’adoucissent quand il parle de ses enfants. «<em> Je pense qu’ils sont fiers de moi </em>»</p>
<blockquote><p>« Dormez-vous bien la nuit ? »</p>
<p>« J’ai cette bénédiction d’un bon sommeil »</p>
<p>« Etes-vous heureux ? »</p>
<p>« Oui, très »</p>
<p>« Irez-vous au ciel ? »</p>
<p>« C’est ce qui est écrit dans la Bible. Celui qui croit en Jésus ne sera pas condamné »</p>
</blockquote>
<h4>La stabilité plutôt que la justice</h4>
<p>Blahyi n’a jamais été puni pour ses crimes. La Commission Vérité n’avait pour mandat que d’enquêter sur les crimes. La Cour Internationale de La Hague n’a juridiction que sur les crimes commis depuis sa fondation en 2002. Il n’y a jamais eu pour le Liberia de tribunal spécial avec le pouvoir de poursuivre des crimes antérieurs, comme ceux du Rwanda, du Cambodge ou de l’ancienne Yougoslavie.</p>
<p>Un tel tribunal ne pourrait être créé que par une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Mais l’ONU n’a pas de règle de procédure claire pour des cas comme le Liberia, et il y a souvent un compromis entre la justice et la stabilité. Au Liberia, c’est la stabilité qui a été choisie, parce que si tous ceux dans le pays qui ont commis un meurtre passaient devant un tribunal, le pays se transformerait probablement en une autre Somalie. Blahyi est cependant convaincu qu’il finira par y avoir un tribunal spécial pour le Liberia.</p>
<blockquote><p>« Seriez-vous prêt à passer le reste de votre vie en prison ? »</p>
<p>« Je l’accepterais volontiers, tout comme la peine de mort. Même si je pouvais m’enfuir, je ne le ferais pas. Mon Seigneur Jésus a dit : ‘Rends à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu’ »</p>
<p>« Comment expiez-vous vos péchés ? »</p>
<p>« Je visite les gens à qui j’ai fait du mal, les victimes de mes crimes. J’essaie de les aider »</p>
<p>« Vous demandez leur pardon ? »</p>
<p>« Oui. C’est le plus difficile. Autrefois je ne sentais rien du tout. Maintenant je ressens leur douleur. »</p>
<p>« De quoi avez-vous peur ? »</p>
<p>« De rencontrer le Seigneur demain, et qu’il me dise : ‘Tu as gâché la chance que je t’ai donnée’ »</p>
</blockquote>
<p>Lyn Westman, un psychologue américain qui l’a accompagné pendant plusieurs années, raconte l’histoire de la rencontre de Blahyi avec un ancien ennemi qui le menaçait avec une machette. Blahyi s’est mis à genoux et lui a dit qu’il était d’accord pour mourir, si cela aidait cet homme. Celui-ci a fini par le laisser.</p>
<p>«<em> Il n’y a aucune trace de son ancienne vie.</em> » dit sa femme. Mais ce n’est pas vrai. Blahyi visite depuis des années ses victimes, jusqu’à ce qu’elles lui pardonnent. Et il ne veut pas un pardon ordinaire. « <em>Le pardon complet, le pardon qui vient du fond du cœur</em> » C’est ce que souhaite Dieu, dit-il, tout comme il est écrit dans la Bible, Ephésiens 4, 32 : « Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ. ». Dix-neuf parmi 76 victimes lui ont pardonné, dit Blahyi. Mais la plupart ne veulent rien avoir à faire avec lui. Ils se déchaînent sur lui, l’insultent, ou simplement s’éloignent en silence.</p>
<h4>S’agenouiller devant les victimes</h4>
<p>Faith Gwae est la 77ème victime qu’il visite. Il ne connaît que son prénom, appris du pasteur de sa congrégation qui a arrangé la rencontre. Gwae a donné son accord parce que le pasteur lui a promis que rien ne lui arriverait et qu’elle n’aurait rien à faire, mais que la douleur de sa perte s’adoucirait, comme si elle suivait une thérapie. Blahyi sait qu’il lui a fait du mal, mais il ne se rappelle pas exactement ce qu’il a fait. Gwae vit au fond d’une allée, dans un lotissement sans électricité ni eau courante, qui se réduit à quelques petites huttes, avec des coqs qui chantent sur quelques étendues d’herbe séchée. Il y a un film huileux sur les flaques. Gwae gagne l’équivalent de 20 € par mois en travaillant comme enseignante dans l’un des pires quartiers de Monrovia.</p>
<p>Blahyi sort de sa Jeep à quelques centaines de mètres de la hutte. Il a plu, et il marche avec précaution sur le chemin, là où seuls quelques sacs de ciment l’empêchent de sombrer dans la boue. Il s’arrête à l’arrière de la hutte. Il regarde le ciel gris, puis ses pieds dans la poussière. « <em>C’est mon chemin</em> » dit-il. « <em>J’aimerais bien avoir une alternative.</em> »</p>
<p>Elle se retourne lorsqu’il approche. Elle a l’air surprise. Il avait l’air différent la dernière fois qu’elle l’a vue, il y a 22 ans. Elle avait 16 ans et lui 19. Voici l’histoire qu’elle racontera quelques jours plus tard, avec de longs silences entre les phrases, et sans Blahyi dans la pièce : c’était en juillet 1991, sa famille et elle vivaient dans la banlieue de Zwedru dans l’est du Libéria. Ecoutant la BBC à la radio, ils entendirent des nouvelles de la guerre. Ils se demandèrent s’ils devaient rester ou partir. C’était la saison des pluies et les rivières étaient en crue. La rivière Cavalla, qui forme la frontière entre Libéria et Côte d’Ivoire, était impossible à traverser. « <em>La guerre ne durera pas longtemps</em> », disait sa mère, aussi la famille décida-t-elle de rester. </p>
<p>Un groupe de la tribu Krahn cherchait des ennemis dans le pays, ce qui dans une guerre civile signifie n’importe quel membre d’une autre tribu. Son frère aîné Daniel cachait une nourrice de la tribu Gio qui travaillait pour la famille depuis des années. « <em>Tout ira bien</em> » disait sa mère. Faith entendit des cris dehors à l’approche des hommes. Tout à coup elle aperçut un homme nu la machette à la main. « <em>Pourquoi est-il tout nu ?</em> » se demandit-elle. Puis elle vit les autres hommes, environ 25 elle l’estime aujourd’hui, portant des armes.</p>
<p>Ils avaient appris qu’une femme Gio se trouvait dans le village. Daniel se tenait devant la nourrice pour la protéger. « <em>C’est un être humain, comme toi et moi </em>» dit-il à Blahyi. Blahyi répondit par un ordre. L’un des garçons s’avança et trancha le pied de son frère. Puis il découpa sa cheville, suivi de son genou et sa cuisse, progressant méthodiquement vers le haut du corps. Son frère finit par se taire.</p>
<p>Blahyi ordonna à tout le monde de s’allonger par terre. Ses hommes violèrent sa mère et ses sœurs, puis les tuèrent. Gwae dit : « <em>Ils ne m’ont pas violée, mais ils m’ont fait des choses dont je ne veux pas parler. Ils m’ont laissé une tache que je conserverai toujours</em> » A un moment Blahyi dit que les choses n’allaient pas assez vite, qu’il y avait d’autres opérations militaires dont il fallait s’occuper. C’est alors qu’il commença à participer.</p>
<p>Gwae se demande parfois pourquoi elle eut la vie sauve. Peut-être était-ce Dieu. Ou peut-être les hommes ont-ils pensé qu’elle était déjà morte.</p>
<h4>« Laisse mon cœur tranquille »</h4>
<p>Blahyi est maintenant de retour. Il marche vers elle. Main gauche dans sa poche, il s’appuie de la main droite contre la colonne blanche de la véranda. Il a l’air d’avoir perdu quelque chose. Gwae est assise sur un mur, elle tourne le dos à Blahyi. Tous deux attendent. Finalement, Blahyi exhale lentement et dit : « <em>Ma sœur, je suis là seulement pour te dire que je suis désolé. C’est tout ce que je veux dire. C’est tout.</em> »</p>
<p>Puis il s’agenouille et place sa tête massive sur son frêle genou à elle. Il prend son pied vêtu d’une chaussette rose dans sa main droite. Il commence à pleurer. Puis un bruit de sanglot sort de la poitrine de Gwae. On dirait que quelque chose éclate en elle. «<em> Pardonne-moi je t’en prie</em> » murmure Blahyi. Puis il attend, toujours à genoux, mais rien ne se passe.</p>
<p>Elle finit par dire « <em>C’est bon</em> ». Mais ce n’est pas un pardon. Elle veut juste qu’il arrête. Elle secoue la tête. Lève la main. Plus tard, elle dira s’être senti sur le point de mourir <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#R1">(1)</a> Blahyi se lève et s’effondre sur la seule chaise de la véranda, une vieille chaise de bureau noire.</p>
<p>Après quelques minutes Gwae dit : « <em>Je ne veux rien entendre. Je ne veux rien dire. Va-t-en s’il te plaît. Ne me pose plus de questions. Laisse mon cœur tranquille.</em> »</p>
<p>Mais Blahyi ne s’en va pas, il refuse d’abandonner. Il lui propose de l’argent, mais elle refuse. Il lui demande où sont ses parents, si elle est mariée, et pourquoi elle vit seule. Elle ne fait que secouer la tête. Il ne sait pas encore qu’il a tué sa famille toute entière.</p>
<p>«<em> Je sais que je ne peux rien faire pour toi</em> » dit-il. « <em>Mais au moins… laisse-moi être un frère, un père, quelqu’un. Je peux faire la famille, si possible</em> » Les genoux de Gwae commencent à trembler. Tout cela semble tellement faux qu’on a envie d’agripper Blahyi et de l’emmener au loin.</p>
<p>Il essaie de la toucher en parlant de lui-même. « <em>Ça fait mal. Je jouais avec mes enfants récemment, et on rigolait. Et j’ai commencé à penser : maintenant mes enfants rient. Et les autres enfants, ceux que j’ai tués ?</em> » Il s’arrête, puis reprend : « <em>Ces choses me reviennent. Chaque jour est un défi. Je sais que je ne peux pas atteindre tout le monde. Tout ce que je peux faire c’est espérer.</em> »</p>
<h4>Evangéliser un seigneur de la guerre</h4>
<p>Cette courte phrase d’auto-apitoiement dans cette tentative d’expiation ratée est suffisante pour ouvrir une conversation <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#R2">(2)</a> Gwae, une femme fine, ouvre la bouche et dit : « <em>C’est quelque chose qui n’arrive pas tout de suite. C’est un processus. Laisse-moi seule avec moi-même. Après un moment… j’y penserai. Je ne vais pas me réveiller et dire ‘Oh oui je te pardonne’. C’est impossible, tu sais</em> »</p>
<p>« <em>Je sais</em> » dit-il</p>
<p>«<em> Je ne sais pas</em> », dit-elle.</p>
<p>Il y a deux explications possibles pour ce que fait Blahyi. La première est qu’il joue depuis 17 ans un jeu cynique, le jeu de l’homme pieux. Mais dans un pays où les crimes de guerre sont totalement impunis, cela n’a pas beaucoup de sens. « <em>Ici on honore les gens sans honneur</em> » dit Blahyi. Le général Prince Johnson, qui fit couper les oreilles de l’ancien président et le laissa saigner à mort tout en buvant une cannette de Budweiser assis à son bureau, est aujourd’hui un sénateur dans le parlement libérien. Quand on l’interroge sur ses crimes, il répond : « <em>C’était la guerre. J’étais soldat</em> ». Pourquoi Blahyi devrait-il faire semblant d’être pasteur, et reviendrait-il sur un passé qui au fond n’intéresse personne ? Il aurait pu faire de la politique, ou ouvrir un atelier de garagiste, et personne au Libéria n’aurait été surpris.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Prince_Johnson__2017_m.jpg" alt="Prince_Johnson__2017.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Prince Johnson - Chef de guerre non repenti et homme politique respecté</em></p>
<p align="center"><em>« C’était la guerre. J’étais soldat »</em></p>
<p>La deuxième possibilité est que Blahyi a véritablement changé.</p>
<p>L’homme qui pourrait connaître la vérité est l’évèque John Kun Kun de l’Eglise Gagneuse d’Ames de Monrovia. C’est lui qui a transformé le criminel de masse en homme de Dieu. C’est un homme respecté au Libéria, à la tête de l’une des églises les plus influentes. Il est actuellement à Robertsport, une ville côtière à 80 kilomètres au nord-ouest de Monrovia, participant à une rencontre de chefs d’église de tout le pays.</p>
<p>Kun Kun est un homme calme au regard clair. Il se déplace avec la fluidité d’un athlète, mais son discours est mesuré comme celui d’un vieillard. Voici son histoire : quand la guerre civile redémarra en avril 1996, lui et d’autres chefs d’églises décidèrent de faire quelque chose contre la terreur. Ils décidèrent de faire la seule chose qu’ils pouvaient faire dans un pays où la foi joue un si grand rôle : du prosélytisme. Mais cette fois-ci ce sont les chefs militaires qu’ils espéraient convertir. Kun Kun fut choisi pour parler au Général Fesses-Nues. Il se présenta à la caserne de Blahyi dans le sud de Monrovia, frappa à la porte et attendit. L’homme qu’il trouva était très occupé et prétendit ne pas avoir de temps pour Kun Kun, tout en démontant et réassemblant sa mitraillette.</p>
<p>Pourquoi Blahyi vivait-il une vie de meurtres ? « <em>C’est la seule chose qu’il connaissait</em> » dit Kun Kun. « <em>Je pense qu’il aimait que les gens aient peur de lui. Il aimait commander. Les gens dépendaient de lui</em> »</p>
<h4>Un criminel sans juge</h4>
<p>Kun Kun s’adressa à lui : « <em>Tout ce que je veux te dire est que Jésus t’aime, et qu’il a un meilleur plan pour ta vie</em> » Blahyi le regarda sans rien dire. Kun Kun dit une prière et demanda à Blahyi de fermer les yeux et de répéter la prière après lui. Il ne ferma pas les yeux, mais il répéta la prière. Puis Blahyi alla vers son garde du corps et lui tira une balle dans le genou pour avoir laissé entrer l’évèque. Blahyi devait plus tard demander pardon à la famille du garde du corps. Kun Kun se demanda si c’était vraiment une bonne idée de revenir voir Blahyi <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#R3">(3)</a></p>
<p>Mais il revint. Et quand il commença à connaître Blahyi, il comprit que cet homme avait profondément peur, croyait être possédé par un démon et cherchait une voie de sortie <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#R4">(4)</a> et c’était là quelque chose que Kun Kun pouvait lui offrir. « <em>Prions ensemble</em> » disait-il.</p>
<p>Blahyi trouve l’un de ses passages favoris dans la Bible, Jean 3, 16 : «<em> Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croie en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle… Quiconque croit en lui n’est pas condamné </em>». Blahyi a trouvé ce qui est peut-être la seule religion qui puisse lui pardonner d’avoir commis un meurtre, des milliers de fois, lui pardonner complètement et continuer à reconnaître la grandeur de son Dieu dans cet acte de pardon. « <em>Dieu a le pouvoir de changer n’importe qui</em> » dit Kun Kun « <em>même Fesses-Nues</em> »</p>
<p>Dans son sermon du dimanche, le Pasteur Blahyi parle de la souffrance de Job, des rêves de Jacob et des miracles de Jésus. Les membres de sa congrégation ferment les yeux et tendent les mains. Sa voix devient de plus en plus forte, jusqu’à crier parmi les rangs des fidèles, tendant son bras et criant dans le micro : « <em>Dieu, montre-moi pourquoi je suis. Montre-moi mon rôle, mon Dieu. Montre-moi pourquoi je suis né. </em>» Les mains levées de ses auditeurs forment des ombres sur le mur derrière lui. C’est comme si de grandes mains noires tentaient de l’atteindre, des mains auxquelles il parvient encore et encore à échapper.</p>
<p>Le jour suivant, c’est ainsi qu’il décrit son rôle : « <em>Je crois que Dieu veut m’utiliser comme un signe. Aussi loin qu’aille une personne, elle a la possibilité de changer</em> »</p>
<p>Peut-être y a-t-il une troisième possibilité, qui ne suppose ni que Blahyi porte un masque, ni qu’il soit véritablement réformé. Peut-être Blahyi croit-il sincèrement avoir changé. Et le pays où il vit le croit aussi. Et si tout le monde le croit, est-ce que ce n’est pas vrai <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#R5">(5)</a> ? <ins>Si Blahyi porte chaque dimanche un masque, la peau qui est dessous a pris maintenant la forme du masque</ins>. Si c’est bien le cas, alors Blahyi reste un criminel sans juge sur cette Terre.</p>
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<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#" name="R1">1</a> - Pour bien apprécier la violence de la demande de Blahyi, il faut se souvenir que Gwae est chrétienne. Or Jésus, qui s’est présenté comme porteur du pardon divin pour toute faute humaine, a aussi clairement averti que ses disciples avaient obligation eux-mêmes de pardonner : le pardon reçu de Dieu est en quelque sorte conditionnel au fait d’être prêt soi-même à pardonner les torts - voir <a href="http://otremolet.free.fr/otbiblio/bible/nouveau/matthieu/mt18.html" hreflang="fr">Matthieu 18,21-35</a> par exemple. Gwae est donc sous l’effet d’une injonction de <ins>devoir</ins> pardonner, même les crimes abominables qu’elle a subi - que cela lui soit humainement difficile est clair et accepté, mais il lui est impossible de par sa foi de dire ce qui peut-être lui brûle les lèvres "Jamais je ne te pardonnerai !"</p>
<p>Jésus a affirmé que le joug qu’il propose est "<em>aisé</em>" et son fardeau "<em>léger</em>" (<a href="http://www.lexilogos.com/bible/jerusalem_matthieu.htm#11" hreflang="fr">Matthieu 11,30</a>) mais il faut reconnaître que dans ce cas précis il semble bien lourd. Pardonner est peut-être la meilleure chose que Gwae puisse faire, y compris pour elle-même, mais qui prétendra que c’est aisé ?</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#" name="R2">2</a> - Remarquons que c’est la première fois que Blahyi peut apparaître à Gwae autrement que redoutable. Non seulement le chef de guerre meurtrier vingt ans plus tôt évidemment, mais même le pénitent d’aujourd’hui peut faire peur, ce dernier justement parce qu’il porte cette requête exorbitante de pardon, que Gwae de par sa foi croit n’avoir pas le droit de lui refuser. Ce moment fugitif où Blahyi avoue que tout cela est bien dur, qu’il se sent dépassé par l’ampleur de sa culpabilité - bref où il se montre vulnérable - est précisément celui où Gwae trouve la force de commencer à lui parler</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#" name="R3">3</a> - Aller trouver les mains nues un terrible dragon, assez féroce pour tirer sur un de ses hommes pour une simple erreur sans conséquence, et lui proposer de devenir un agneau, c’est à coup sûr une forme d’héroïsme. On peut comprendre l’hésitation de Kun Kun à tenter une nouvelle fois sa chance.</p>
<p>D’un autre côté, du point de vue de Blahyi croyant à l’époque dur comme fer à magie noire et sorcellerie, un homme auquel la puissance dont il se disait émissaire pouvait inspirer un tel courage devait bien apparaître comme un puissant sorcier - ce qui crédibilisait sans doute l’affirmation de Kun Kun comme quoi le Dieu dont il se disait l’ambassadeur serait véritablement capable de changer Blahyi de fond en comble et de lui offrir une nouvelle vie.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#" name="R4">4</a> - Dit dans un autre langage, ou vu selon un autre regard, Blahyi en était venu à détester l’homme qu’il était devenu - "<em>possédé par un démon</em>" - et peut-être la vie qu’il menait. Mais il lui était bien sûr extrêmement difficile d’imaginer une voie de sortie - celui qui a toujours vécu par l’épée et par la terreur, comment pourrait-il continuer à vivre si ce n’est par l’épée et la terreur ?</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#" name="R5">5</a> - Quelle que soit l’interprétation que l’on choisisse du cas de Joshua Blahyi, qu’on y voie l’action d’une force venue du Ciel ou une transformation psychologique seulement humaine quoique extrême, une chose est certaine : si Blahyi a pu changer à tel point, s’il a pu abandonner le "<em>masque</em>" du Général Fesses-Nues et revêtir ce que Saint Paul appelle "<em>l’homme nouveau</em>" (<a href="http://otremolet.free.fr/otbiblio/bible/nouveau/ephesiens/ep4.html" hreflang="fr">Ephésiens 4,24</a>) - et qui peut-être n’est qu’un autre masque ? - c’est d’abord parce qu’en dépit de toutes les apparences <strong>il l’a cru possible</strong></p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/11/05/Le-seigneur-de-guerre-p%C3%A9nitent-%E2%80%93-Expier-20-000-crimes-de-guerre#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/84Guerre nucléaire, la menace inexistanteurn:md5:c68378bee1f69e92c4813d69438592a8Thursday 16 June 2016Thursday 16 June 2016Alexis TouletEssaisCrises politiques et internationalesEtats-UnisFausses alertesGéopolitiqueRelations internationalesRussieViolence collective<p><em>Opposition entre Bloc atlantique et Russie au sujet de la crise ukrainienne, manoeuvres de pays de l’OTAN en Pologne, projets de déploiement d’unités blindées OTAN dans les Pays Baltes et de défenses antimissile en Roumanie et en Pologne, survols agressifs de navires américains par des chasseurs russes, non seulement les relations OTAN - Russie prennent progressivement la forme d’une Guerre Froide 2.0, mais de nombreux responsables et commentateurs s’inquiètent du risque d’affrontements escaladés jusqu’à l’emploi d’armes nucléaires.</em></p>
<p><em>Et en Russie comme en OTAN, on lance des déclarations ambiguës voire affirmatives et menaçantes - oui si "ceux d’en face" continuent comme ça, on finira par en venir aux mains, puis au nucléaire !<br /></em></p>
<p><em>Risque réel, ou hystérie ?<br /></em></p> <p><a hreflang="fr" href="http://www.france24.com/fr/20150315-crimee-vladimir-poutine-arme-nucleaire-russie-ukraine">Le président russe Vladimir Poutine l’a affirmé</a>, lorsque des soldats russes ont pris le contrôle du parlement de Crimée à Simferopol et forcé l’organisation d’un référendum d’autodétermination, en cas d’intervention armée OTAN en Crimée la Russie se tenait prête à riposter, y compris "<em>en mettant en alerte le dispositif nucléaire</em>".</p>
<p>Face aux déploiements prévus d’éléments de défense antimissile dans plusieurs pays d’Europe centrale et du nord, la Russie a explicitement averti Danemark, Norvège et Pologne qu’en cas de guerre, ces éléments présents sur leurs territoires <a hreflang="fr" href="http://www.bbc.com/news/world-europe-36197856">pourraient devenir des cibles de frappes nucléaires</a>.</p>
<p><a hreflang="en" href="http://www.independent.co.uk/news/world/europe/nato-risks-nuclear-war-with-russia-within-a-year-senior-general-warns-a7035141.html">L’ancien chef suprême adjoint de l’OTAN en Europe</a>, le général britannique Sir Richard Shirreff, avertit que sauf à déployer des troupes dans les Pays Baltes, l’OTAN risquerait la guerre avec la Russie "<em>d’ici un an</em>", et que "<em>ce serait une guerre nucléaire</em>".</p>
<p>Les médias ne sont pas en reste, notamment en Russie où le présentateur vedette Dmitri Kisselev rappelait en mars 2014 sur la chaîne Rossiya 1 que la Russie pouvait réduire les Etats-Unis "<em>en cendres radioactives</em>". Qu’il se soit trompé de photo et ait proféré sa menace devant l’image d’un essai nucléaire... <a hreflang="fr" href="http://www.astrosurf.com/luxorion/Physique/bombe-mururoa1.jpg">français</a> à Mururoa rajoute à la bouffonnerie, mais ne diminue pas d’un iota l’agressivité du propos.</p>
<p><img style="margin: 0 auto; display: block;" alt="Cendres_radioactives.jpg" src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Cendres_radioactives_m.jpg" /></p>
<p align="center"><em>"En cendres radioactives" - Télévision russe, mars 2014</em></p>
<p align="center"><em>Dmitri Kisselev devant une photo prise à Mururoa</em></p>
<p>Ajoutons ce fait moins médiatisé mais qui attira beaucoup d’attention dans les milieux spécialisés, et n’a certainement pas été oublié en Russie, la parution en 2006 de l’étude des chercheurs américains Keir A. Lieber and
Daryl G. Press <a href="http://www.mitpressjournals.org/doi/pdf/10.1162/isec.2006.30.4.7" hreflang="en">"The End of MAD? The Nuclear Dimension of US Primacy"</a> <em>(PDF en anglais)</em> c’est-à-dire "<em>La fin de l’équilibre de la terreur? La dimension nucléaire de la primauté américain</em>e". La thèse des deux auteurs étant que la dégradation des capacités nucléaires russes et surtout l’augmentation de la précision des missiles américains donnaient la possibilité aux Etats-Unis de détruire tout l’arsenal russe en une seule frappe surprise, laissant Moscou à leur merci, privé de tout moyen de riposte.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Lieber_et_Press.jpg" alt="Lieber_et_Press.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Keir Lieber et Daryl Press - Washington pourrait attaquer impunément ?</em></p>
<p>Avec tous ces bruits belliqueux, l’inquiétude est bien compréhensible. C’est ainsi qu’un groupe de blogueurs d’origine russe vivant aux Etats-Unis, notamment Dmitry Orlov et Andrei Raevsky, publiaient au début de juin <a hreflang="fr" href="http://www.comite-valmy.org/spip.php?article7225">Un avertissement russe</a>, exprimant leur vive inquiétude :</p>
<blockquote><p>Nous, soussignés, sommes des Russes vivant et travaillant aux États-Unis. Nous avons suivi avec une inquiétude croissante les politiques actuelles des États-Unis et de l’OTAN qui nous ont placés sur une trajectoire de collision extrêmement dangereuse avec la Fédération de Russie, ainsi qu’avec la Chine.</p>
</blockquote>
<p>Et continuant par de sévères mises en garde :</p>
<blockquote><p>En cas d’attaque, la Russie ne reculera pas ; elle se vengera, et anéantira complètement les Etats-Unis. (...) les Russes n’ont plus de place laissée à la retraite. Ils ne vont pas attaquer ni, non plus, reculer ou se rendre. (...) si la Russie est attaquée, ou simplement menacée d’attaque, elle ne reculera pas, et (les dirigeants russes) lâcheront un barrage nucléaire duquel les États-Unis ne se remettront jamais.</p>
</blockquote>
<p>Va-t-on en venir aux mains ? Les dirigeants américains ont-ils, comme le craignent Orlov et Raevsky, des tendances suicidaires ? Le président russe prépare-t-il une guerre d’agression dans les Pays Baltes et en Pologne ?</p>
<p><strong><em>En réalité, le risque de guerre nucléaire entre Etats-Unis et Russie est aussi bas aujourd’hui qu’il y a cinq, dix ou vingt ans</em></strong>, ceci pour des raisons très concrètes, dont voici les principales :</p>
<ol><li><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#1">La défense antimissile américaine ne peut annuler la dissuasion russe</a></li>
<li><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#2">La thèse de la "primauté nucléaire" américaine ne tient pas</a></li>
<li><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#3">Le risque d’invasion russe dans les Pays Baltes est inexistant</a></li>
<li><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#4">Le peuple américain refuserait un projet d’attaque américaine sur le territoire russe</a></li>
<li><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#5">Un éventuel affrontement armé américano-russe en Syrie ou ailleurs n’aurait aucune chance d’être nucléaire</a></li>
</ol>
<p>Ce qui doit déboucher sur la <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#C">Conclusion - Du danger des distractions...</a></p>
<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#" name="1">1.</a> La défense antimissile américaine ne peut annuler la dissuasion russe</h4>
<p>Point liminaire mais essentiel : le déploiement de missiles antimissiles en Europe centrale ne menace en rien la dissuasion nucléaire stratégique russe.</p>
<p>Il y a à cela plusieurs raisons, citons seulement la principale : <strong><em>la Terre est ronde</em></strong>.</p>
<p>L’essentiel des missiles balistiques sol-sol russes sont basés au-delà de l’Oural. Une riposte nucléaire russe sur les Etats-Unis prendrait le plus court chemin, le seul que des missiles balistiques peuvent emprunter, et ce chemin passe par-dessus les pôles. Il ne s’approche pas de l’Europe centrale, et les missiles antimissiles que l’Amérique se prépare à baser là n’y pourraient strictement rien.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Russie_Balistiques_sol-sol_m.jpg" alt="Russie_Balistiques_sol-sol.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Bases russes de missiles balistiques intercontinentaux</em></p>
<p align="center"><em>Pour aller aux Etats-Unis ? C’est vers le Nord, pas vers l’Ouest !</em></p>
<p>Quant aux rares antimissiles longue portée que l’Amérique a basé sur son territoire, non seulement leurs performances contre des missiles dotés de leurres sont fortement sujettes à caution, mais étant si peu nombreux ils ne pourraient dans le meilleur des cas intercepter que quelques-unes des centaines d’ogives nucléaires que compterait une riposte massive.</p>
<p>Le même raisonnement s’applique aux missiles balistiques mer-sol, les SNLE russes étant basés dans l’Arctique, voire pour certains dans le Pacifique.</p>
<p>Pourquoi le gouvernement russe accorde-t-il alors une telle importance en paroles aux futurs antimissiles d’Europe centrale ? Il faudrait leur poser la question. Voici trois hypothèses - qui ne s’excluent nullement - à prendre en considération :</p>
<ul><li>Ces défenses pourraient compliquer l’attaque par les Russes du second échelon d’une éventuelle invasion terrestre OTAN de la Russie</li>
<li>L’objectif est d’affirmer le principe comme quoi l’OTAN devrait respecter les traités et ne pas déployer d’unités militaires permanentes dans les pays de l’ancien Pacte de Varsovie</li>
<li>Il s’agit d’un discours à visée politique interne, visant à renforcer le soutien de la population russe à son gouvernement</li>
</ul>
<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#" name="2">2.</a> La thèse de la "primauté nucléaire" américaine ne tient pas</h4>
<p>L’étude de 2006 comme quoi l’équilibre de la terreur serait dépassé et les Etats-Unis auraient la possibilité de désarmer la Russie par une frappe nucléaire massive surprise appelle les remarques suivantes :</p>
<ul><li>Elle a été réalisée par deux personnages dont aucun n’était militaire et aucun n’était ingénieur - à la fois Keir A. Lieber et Daryl G. Press sont diplômés de sciences politiques. Pour prendre une comparaison dans un contexte français, il faut imaginer que le Ministère des Affaires Etrangères essaie d’apprendre leur métier à l’Etat-Major des Armées ainsi qu’à la Direction Générale de l’Armement. Disons-le tout net : ils n’avaient pas les compétences nécessaires, et déjà à l’époque plusieurs avaient émis de forts doutes sur leur thèse</li>
<li>Même ces auteurs avaient remarqué que leurs conclusions seraient ruinées si deux hypothèses fortes n’étaient pas vérifiées, soit l’absence de patrouille permanente par un SNLE russe, et l’absence de déploiement sur le terrain de missiles sol-sol mobiles russes</li>
</ul>
<p>Or la Russie a retrouvé au plus tard en 2014 avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Classe_Bore%C3%AF#Navires" hreflang="fr">l’entrée en service du 3ème bâtiment de type Boreï</a> la capacité à effectuer des patrouilles permanentes de SNLE qu’elle avait perdue depuis plus d’une décennie, et elle a depuis 2006 multiplié les balistiques sol-sol mobiles, <a href="http://russianforces.org/missiles/" hreflang="en">dont elle possédait 81 en janvier 2016</a>, et dont une partie sont très certainement déployés sur le terrain.</p>
<p><strong><em>Bref, s’il s’agissait de mettre à jour l’étude de 2006, même ses auteurs devraient s’apercevoir que leurs élucubrations de l’époque ne tiennent pas.</em></strong></p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Vladimir_Monomaque_m.jpg" alt="Vladimir_Monomaque.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>Le </em>Vladimir Monomaque<em>, 3ème SNLE du dernier type Boreï</em></p>
<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#" name="3">3.</a> Le risque d’invasion russe dans les Pays Baltes est inexistant</h4>
<p>On cite
la menace russe d’invasion des Pays Baltes, point de départ d’une éventuelle
guerre à grande échelle entre Russie et pays de l’OTAN, guerre dont il est ensuite fortement suggéré qu’elle déboucherait sur des tirs nucléaires.</p>
<p>On cite cette menace surtout, soit dit en passant, si l’on est analyste à la RAND Corporation le fameux <em>think tank</em> américain, et que l’on a un contrat à remplir...</p>
<p>C’est ainsi que la RAND publiait en début d’année les conclusions d’un <em>wargame</em> - une simulation - montrant que la Russie pourrait prendre Estonie et Lettonie en moins de trois jours, sans que leurs alliés de l’OTAN ne puissent s’y opposer, et conseillant d’installer dans la région jusqu’à "<em>sept brigades, dont trois lourdes blindées, avec tout leur support aérien et autre</em>" pour parer ce risque. Voir <a href="https://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/research_reports/RR1200/RR1253/RAND_RR1253.pdf" hreflang="en">Reinforcing deterrence on NATO’s eastern flank</a> <em>(PDF, en anglais)</em></p>
<p>Or
cette menace est inexistante, pour des raisons politiques évidentes :</p>
<ul><li>La
Russie n’y a aucun intérêt - pas de base navale russe dont les droits pourraient être mis en question par un gouvernement hostile comme Sébastopol en Crimée en 2014, non plus que de réserves de pétrole à placer sous contrôle comme en Irak en 2003. Rien que des populations fort méfiantes envers elle, et des minorités russophones dispersées, majoritaires nulle part, et d’ailleurs préférant l’accès à l’Union Européenne dont elles bénéficient aux bénéfices hypothétiques d’une inclusion dans la Fédération de Russie</li>
<li>Quand
bien même les Russes éliraient comme successeur de Vladimir Poutine un pensionnaire d’asile
d’aliénés qui imaginerait d’occuper les Baltes, il ne pourrait qu’être arrêté par la garantie de sécurité que l’ensemble
des pays de l’OTAN leur ont accordée</li>
</ul>
<p>Il faut
ici éviter le piège tendu par les analystes de la RAND prétendant qu’il serait
"impossible" de défendre ces pays. C’est bien entendu parfaitement
possible, simplement cette défense ne pouvant arrêter une offensive initiale
russe car réagissant trop lentement pour raison géographique se concentrerait sur la reconquête et la
libération de ces pays.</p>
<p>Opération qui serait certes sanglante, mais que la Russie n’aurait aucune chance de parvenir à empêcher. <strong><em>La puissance militaire russe a été sous-estimée dans le passé, ce n’est pas une raison pour la surestimer maintenant.</em></strong></p>
<p>Rappelons tout de même, pour prendre un exemple de comparaison, que suite à une interruption presque totale des achats de nouveaux avions de combat entre 1992 et 2008, l’armée de l’air russe dispose de moins de chasseurs modernes de moins de 25 ans d’âge que la seule armée de l’air française - soit une centaine de Su-30 et Su-35 ainsi qu’environ 70 Su-34 à fin 2015 pour la <em>Voïenno-vozdouchnye sily Rossiï</em>, à comparer avec une centaine de Rafale et une centaine de Mirage 2000 produits dans les années 1990 pour l’Armée de l’Air. Certes, la VVS compte aussi de nombreux appareils beaucoup plus vieux, qui peuvent encore être utiles contre des djihadistes par exemple en Syrie, mais ils seraient rapidement abattus par un adversaire doté d’une défense aérienne moderne. Certes on modernise à tour de bras en Russie, mais même le résultat final de cette modernisation une fois achevée sera fort loin d’être suffisant pour arrêter une offensive européenne décidée visant à libérer les Pays Baltes - sans même parler de l’armée américaine.</p>
<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#" name="4">4.</a> Le peuple américain refuserait un projet d’attaque américaine sur le territoire russe</h4>
<p>Faut-il alors imaginer que ce soit l’OTAN, ou les Etats-Unis, qui lance une offensive sur les terres russes, ou bien qui du moins attaque les forces russes déployées à l’étranger ? La chose n’est théoriquement pas impossible, et quels que soient leurs déboires lorsqu’ils essaient d’occuper dans la durée un pays récalcitrant comme l’Irak ou l’Afghanistan, les Etats-Unis restent de fort loin la première puissance militaire mondiale.</p>
<p>Il faut quand même se rendre compte des difficultés politiques.</p>
<p>Rappelons qu’en 2002-2003, le souvenir des attentats du 11 septembre 2001 étant frais dans la conscience de la population américaine, et une propagande massive tentant de convaincre que Saddam Hussein avait eu quelque chose à y voir, ou encore qu’il avait des armes de destruction massives, <strong><em>il a fallu des mois et des mois au gouvernement américain pour finir par emporter l’assentiment de la majorité des Américains pour attaquer une puissance militaire de troisième ou quatrième ordre - l’Irak</em></strong>.</p>
<p>Aujourd’hui que "9/11" est beaucoup plus lointain, alors que même la pire propagande ne parviendrait pas à établir un lien entre Russie et djihadisme, alors que les Etats-Unis ont connu bien des déconvenues militaires écœurant à l’avance une bonne partie de la population à l’idée de nouvelles aventures militaires, l’appareil de propagande américain parviendrait à obtenir l’assentiment de la population pour attaquer une puissance militaire de premier ordre - la Russie ?</p>
<p>Il faut quand même être sérieux : même pour les "communicateurs" les mieux doués, c’est "Mission impossible".</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Americains_pour_guerre_en_Ukraine_m.jpg" alt="Americains_pour_guerre_en_Ukraine.png" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>En mars 2014, seuls 8% des Américains étaient prêts à envisager une intervention militaire en Ukraine</em></p>
<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#" name="5">5.</a> Un éventuel affrontement armé américano-russe en Syrie ou ailleurs n’aurait aucune chance d’être nucléaire</h4>
<p>Enfin, même dans ce cas qui reste improbable - même si le faucon Hillary Clinton était élue présidente - d’une guerre américano-russe dans un pays tiers loin de l’une comme de l’autre, par exemple en Syrie autour de zones d’interdiction de survol que les Etats-Unis imposeraient à l’allié syrien de Moscou <a href="http://www.theamericanconservative.com/larison/a-no-fly-zone-in-syria-is-still-insane/" hreflang="en">au risque bien compris de déclencher une guerre avec la Russie</a>, idée que certains défendent aux Etats-Unis, cette guerre pour grave qu’elle soit n’aurait aucune chance de dériver vers un emploi du nucléaire.</p>
<p>Cela ne signifie pas bien entendu qu’une telle guerre ne serait pas sanglante – elle le serait – ni qu’elle n’aurait pas de conséquences – au contraire, son impact de long terme pourrait être profond. Simplement, cette guerre ne serait en aucun cas nucléaire.</p>
<p>Rappelons que la doctrine militaire russe - version de décembre 2014 - affirme que <a href="http://static.kremlin.ru/media/events/files/41d527556bec8deb3530.pdf" hreflang="ru">le nucléaire sera utilisé si la survie de la nation est en jeu - et seulement dans ce cas</a> <em>(PDF, en russe)</em></p>
<blockquote><p>La Russie se réserve le droit de se servir de son arme nucléaire en riposte à une attaque à l’arme nucléaire ou à une autre arme de destruction massive, réalisée contre elle et/ou ses alliés, ainsi qu’en cas d’une agression massive à l’arme conventionnelle mettant en danger l’existence même de l’Etat</p>
</blockquote>
<p><strong><em>Passer au nucléaire juste parce qu’une intervention extérieure a échoué, ce n’est tout simplement pas la politique russe. Et les Etats-Unis non plus n’envisagent pas d’utiliser le nucléaire pour des raisons aussi futiles, surtout pas contre un pays qui en disposerait.</em></strong> Suite à leurs échecs en Irak, en Afghanistan et avant cela au Vietnam, nul à Washington n’a d’ailleurs ne serait-ce qu’évoqué la possibilité d’une "vengeance" nucléaire.</p>
<p>Il faut se souvenir que des guerres directes entre puissances nucléaires ont déjà eu lieu, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conflit_frontalier_sino-sovi%C3%A9tique_de_1969" hreflang="fr">en 1969 à la frontière soviéto-chinoise</a> notamment, ainsi <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conflit_de_Kargil" hreflang="fr">qu’en 1999 à la frontière indo-pakistanaise</a>. Dans chaque cas, le protagoniste vaincu et humilié - Chine et Pakistan respectivement - s’est bien gardé d’ "escalader" la guerre, surtout pas en utilisant des armes nucléaires. C’est justement que leur effet de terreur réprimait les envies les plus vives de continuer à en découdre.</p>
<p>On pourrait encore rappeler la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Kippour" hreflang="fr">guerre du Kippour en 1973</a>, où certes seul l’un des protagonistes disposait d’armes nucléaires – Israël – mais où ce sont tous les autres qui l’ont attaqué et par surprise. Et Israël s’est bien défendu sans utiliser l’arme atomique.</p>
<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#" name="C">Conclusion</a> - Du danger des distractions...</h4>
<p>Les fausses alertes d’un risque dérive vers une guerre nucléaire sont-elles alors inoffensives ? Peut-on les négliger ?</p>
<p>Non, <strong><em>elles sont dangereuses indirectement - parce qu’elles sont de puissantes distractions.</em></strong></p>
<p>Or la vérité est que l’humanité court des dangers bien réels et beaucoup plus sérieux ceux-là, liés au risque d’effondrement financier entraînant un effondrement industriel, <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2014/02/18/Nous-n-y-pouvons-rien-faire..." hreflang="fr">au plafonnement des extractions d’énergie fossile en attendant leur décroissance, au réchauffement séculaire en cours et aux autres détériorations écologiques qui risquent de finir par réduire la population humaine de force</a>. Et tout ce qui détourne l’attention de ces risques-là, et de ce qu’il faudrait faire pour y parer, ou du moins limiter conséquences et dégâts autant que faire se peut, est perte de temps.</p>
<p>Il est d’autant plus important de dégonfler les baudruches des risques qui ne se posent pas, et une guerre nucléaire est de ceux-là.</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/53