Le Noeud Gordien - Tag - RussieA l'heure de la Vague scélérate - Conjonction et synergie de toutes les crises en une déferlante globale2024-03-29T09:41:55+01:00urn:md5:2e1e50df2175f77cc507de58e6d51ff5DotclearLes options de Vladimir Poutineurn:md5:cdcea0ba398706a7e4a7016cca9065b5Friday 29 January 2021Friday 29 January 2021Alexis TouletBilletsNavalnyPoutineRussie<p><em>Confronté au mouvement anti-corruption mené par Alexei Navalny, que sa tentative d’assassinat ratée n’a fait que rendre plus déterminé et plus écouté en Russie, Vladimir Poutine prépare sa riposte.</em></p>
<p><em>Quelles sont ses options ?</em></p> <p>Vladimir Poutine reste en butte au mouvement déclenché par Alexei Navalny, qui doit l’inquiéter sérieusement, au vu des manifestations monstres de l’été dernier en Biélorussie – même si elles n’ont pas débouché sur un changement politique, du moins pour l’instant. Ces manifestations avaient très probablement été l’élément déclencheur de la décision du président russe de faire empoisonner son opposant le plus en vue.</p>
<p>Or, après l’échec catastrophique de l’empoisonnement débouchant sur une humiliation internationale pour Vladimir Poutine, après les manifestations de samedi dernier dans toutes les villes de Russie répondant à l’appel de l’opposant emprisonné lancé dans <a href="https://www.pauljorion.com/blog/2021/01/20/le-cadeau-de-navalny-pour-poutine-ou-comment-et-pourquoi-se-jeter-dans-la-gueule-du-loup-par-alexis-toulet/" hreflang="fr">sa vidéo du 19 janvier</a>, laquelle dénonçait le palais privé d’un luxe aberrant construit par le président russe pour son confort personnel – vidéo qui a dépassé les 100 millions de vues ! – Alexei Navalny continue au même rythme.</p>
<p>Les enfants du couple Navalny sont restés en sécurité à l’étranger. L’opposant et son épouse sont en Russie, acceptant tous les risques et faisant feu de tout bois. Ce qui pouvait déjà depuis des années être décrit comme une sorte de croisade anticorruption, tout se passe comme si c’était devenu une affaire personnelle pour Navalny. Ainsi, probablement, que pour Poutine lui-même.</p>
<p>L’opposant a publié aujourd’hui <a href="https://www.youtube.com/watch?v=H7TCtwnmApU" hreflang="ru">une nouvelle vidéo</a> qui est son discours devant le tribunal qui l’a entendu aujourd’hui. Il y reste tout aussi incisif et n’y retient aucun coup, utilisant les mots les plus clairs, notamment contre les kleptocrates qui gouvernent son pays. En l’espace de sept heures, elle a dépassé les 3,5 millions de vues. De nouvelles manifestations sont prévues dimanche prochain 31 janvier <a href="https://navalny.com/p/6457/" hreflang="ru">dans tout le pays</a> – et à Moscou, devant le siège du FSB !</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Navalny_29-01-21_m.jpg" alt="Alexei Navalny 29-01-21" title="Alexei Navalny 29-01-21" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Alexei Navalny<br />Accepter tous les risques, faire feu de tout bois</em></p>
<p>Suivant Navalny, <em>« si 10% des 100 millions (qui ont visionné la vidéo sur le palais Poutine) descendent dans la rue, alors nous gagnons »</em></p>
<p>Le président russe doit être d’autant plus mal à l’aise que <strong>l’évolution d’un mouvement de ce genre est par nature très difficile à prévoir</strong> :</p>
<ul><li>Un « flop » plus ou moins cuisant est possible, par exemple un épuisement progressif des manifestations demandant la libération de l’opposant, même si à voir l’attention qu’il a attirée sur lui et la taille des manifestations du 23 janvier – moyennes d’un point de vue français, grandes pour la Russie où l’habitude de la manifestation est fort loin d’être ancrée – ce scénario dont Vladimir Poutine rêve sans doute ne semble pas le plus probable, du moins dans l’immédiat</li>
<li>Le scénario de rêve pour Alexei Navalny, c’est-à-dire une transition démocratique non violente, est-il réaliste ? Difficile à dire, même si des exemples existent certainement comme la révolution des Œillets au Portugal en 1974 ou la transition démocratique post-Franco en Espagne</li>
<li>Divers scénarios intermédiaires sont envisageables, revenant à imaginer que sans réussir à le renverser, Navalny demeure pour Poutine un souci impossible à ignorer, et probablement trop dangereux à faire éliminer, du moins dans l’immédiat – surtout à voir l’équipe de « bras cassés » des assassins d’Etat qui a manqué Skripal en Angleterre en 2018 puis Navalny en 2020 !</li>
</ul>
<p>Vladimir Poutine est-il sans autre ressource que la répression policière – déjà très intense, avec arrestations en pagaille pour participation à des manifestations interdites ? Certes non !</p>
<p>Il est même permis de discerner dans <ins>deux événements survenus jeudi 28 janvier</ins> les signes d’une option que le président russe pourrait être en train de se préparer. Une option assez troublante, même si elle pourrait lui apparaître logique.</p>
<h4>Un avertissement sans frais</h4>
<p>Jeudi 28 janvier donc, alors que Navalny mettait en ligne le discours prononcé à son procès, Poutine intervenait à distance en invité inattendu au forum de Davos. Or, le discours qu’il a prononcé, dont <a href="http://kremlin.ru/events/president/news/64938" hreflang="ru">le verbatim est sur le site du Kremlin</a>, à côté de remarques convenues et aussi de points de vue incisifs de l’homme d’Etat considérant la situation mondiale, contient encore ce passage :</p>
<blockquote><p><em>« Nous pouvons nous attendre à ce que la nature des actions pratiques devienne plus agressive, y compris la pression sur les pays qui n’acceptent pas le rôle de satellites obéissants gérés, <strong>l’utilisation de barrières commerciales, les sanctions illégitimes, les restrictions dans les domaines financier, technologique et de l’information.</strong></em></p>
<p><em><strong>Un tel jeu sans règles augmente de manière critique les risques d’utilisation unilatérale de la force militaire</strong> – c’est-à-dire le danger, l’utilisation de la force sous l’un ou l’autre prétexte farfelu. Elle multiplie la probabilité de nouveaux points chauds sur notre planète. Ce sont toutes des choses qui nous concernent. »</em></p>
</blockquote>
<p>Il y a une allusion claire à la situation de l’Iran soumis aux sanctions économiques américaines suite à la décision de Donald Trump de sortir de l’accord sur le nucléaire de 2015, mais elle ne semble pas expliquer entièrement ces paroles. Il est possible d’y entendre encore un avertissement sur le fait que les sanctions économiques et les restrictions dans le domaine financier peuvent débouchent sur une « <em>utilisation unilatérale de la force militaire</em> »</p>
<p>Quelles sanctions économiques ? …Peut-être celles dont certains Européens commencent à parler pour inciter le président russe à modérer la répression chez lui ?</p>
<p>Quelles restrictions financières ? …Celles qui pourraient éventuellement viser l’équipe au pouvoir en Russie, dont le cœur est russe et patriotique – du moins s’il faut en croire leurs paroles – mais le portefeuille se trouve bien à l’Ouest, ainsi que le plus clair de leurs investissements ?</p>
<h4>Un appel à l’annexion ouverte</h4>
<p>D’autre part, jeudi 28 janvier, <strong>Margarita Simonian</strong> était à Donetsk dans le Donbass, la partie de l’Ukraine orientale séparée de Kiev suite à la guerre civile de 2014-2015.</p>
<p>Qui est Margarita Simonian ? C’est la rédactrice en chef de la partie anglophone de RT, principal média extérieur de la Russie – et premier canal d’influence du gouvernement russe auprès des opinions publiques étrangères. Autant dire d’une part qu’elle est un agent de premier rang de l’appareil d’influence russe, tout sauf une lampiste. D’autre part que ses paroles sont nécessairement mesurées et contrôlées à l’avance. L’initiative personnelle est exclue en ce qui la concerne.</p>
<p>Or le discours qu’elle a prononcé devant des responsables des deux Etats non reconnus apparus en Ukraine orientale sous patronage russe les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk <a href="https://www.youtube.com/watch?v=b44EOWPUZS0" hreflang="ru">n’est pas ordinaire !</a></p>
<p>Margarita Simonian y précise bien qu’elle n’est pas politicienne, seulement journaliste. Qu’elle ne fait que donner son opinion, et partager sa douleur. Mais n’a-t-elle pas droit à son opinion, et à sa douleur ? Puis, <a href="https://t.me/rt_russian/57653" hreflang="ru">ceci</a> :</p>
<blockquote><p><em>« Les habitants du Donbass veulent avoir la possibilité d’être russes. Et nous sommes obligés de leur offrir cette possibilité.</em></p>
<p><em>Les habitants du Donbass veulent avoir le droit de parler russe, afin que personne ne puisse jamais leur enlever ce droit. Et nous sommes obligés de leur donner une telle possibilité.</em></p>
<p><em><strong>Les habitants du Donbass veulent vivre chez eux et faire partie de notre grande et généreuse Mère Patrie. Et nous leur devons bien ça.</strong></em></p>
<p><em><strong><ins>Mère Russie, ramène le Donbass chez toi !</ins></strong> »</em></p>
</blockquote>
<p>Depuis la pause (relative) dans les combats et la stabilisation de la ligne de front en 2015, la Russie a continué de soutenir économiquement les deux Etats autoproclamés d’Ukraine orientale, et aussi avec des armes. Et les proclamations d’amitié ne sont pas rares.</p>
<p>Mais ce que cet agent de premier rang de l’appareil médiatique d’Etat de la Russie décrit, c’est <ins>un appel à une annexion ouverte</ins>. Et encore une fois, ses protestations de « <em>simple journaliste</em> » qui a bien le droit de donner « <em>son opinion personnelle</em> » ne sont pas crédibles une seconde, vu son poste.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Rossiya_Matoushka_m.jpg" alt="Rossiya Matoushka" title="Rossiya Matoushka" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>« Mère Russie, ramène le Donbass chez toi ! »<br />L’annexion comme distraction ?</em></p>
<h4>Que prépare donc Vladimir Poutine ?</h4>
<p>Deux interprétations, qui d’ailleurs ne s’excluent pas. Poutine peut <strong>préparer deux options, garder deux fers au feu</strong>, à utiliser suivant les circonstances :</p>
<p>1 - <ins>D’une part, l’intimidation des pays occidentaux qui envisageraient des sanctions</ins>, par exemple financières contre le groupe dirigeant russe et ses avoirs et propriétés en Europe</p>
<p>A demi-mot, leur faire comprendre que l’option de la force n’est pas exclue. Et dans le même temps, crédibiliser cette option en semblant la préparer, sur le front évident c’est-à-dire en Ukraine orientale.</p>
<p>Non pour la déclencher, mais pour que la menace protège les intérêts financiers du groupe dirigeant – pendant éventuellement qu’il « fait ce qu’il faudra » contre le mouvement anti-corruption mené par Alexei Navalny.</p>
<p>L’habile Poutine utilise d’ailleurs la carotte comme le bâton, et dans le même discours il a vanté les rapprochements possibles avec l’Europe. Le message est clair : si vous ne cherchez pas à me gêner, si vous ne critiquez pas trop sérieusement ce que je ferai pour conserver le pouvoir, vous trouverez en moi un partenaire commode.</p>
<p>2 - <ins>D’autre part, la distraction et la gloire pour le peuple russe</ins></p>
<p>Après que les militaires russes ont forcé le parlement de Simferopol la capitale de la Crimée à organiser un référendum sur l’union avec la Russie en mars 2014, référendum dont le résultat fut appliqué tambour battant, Poutine a connu un grand regain de popularité.</p>
<p>Alors, pourquoi ne pas réitérer l’opération dans le Donbass ? Surtout si le mouvement Navalny devait prendre trop d’ampleur. Voire en préventif ?</p>
<p>Il suffirait après tout d’inviter les responsables des deux Républiques populaires à organiser des référendums sur la question du rattachement. Ils ne se feraient sans doute guère prier, et le résultat des référendums serait éminemment prévisible s’agissant de territoires appauvris, où tout le monde parle russe, dans un pays qui est par ailleurs le plus pauvre d’Europe. Un pays où le niveau de vie russe peut faire envie. La Fédération de Russie y gagnerait deux membres supplémentaires.</p>
<p><strong>Militairement, l’opération ne serait pas vraiment risquée</strong>. La ligne de front est stable après tout, quelques violences sont toujours envisageables, mais qui à Kiev a vraiment envie de mourir dans une guerre perdue d’avance ?</p>
<p><strong>Diplomatiquement, l’opération serait désastreuse pour la Russie</strong>. L’éloignant davantage du reste de l’Europe, gelant les initiatives pour rapprocher les deux parties du continent comme celle initiée par le président français en 2019, elle mettrait la Russie encore davantage dans les mains du pays dix fois plus riche et dix fois plus peuplé qu’elle avec lequel Poutine fait semblant de pouvoir maintenir un partenariat équilibré. Fiction à laquelle Xi Jinping fait bien entendu semblant de croire, puisqu’elle le sert.</p>
<p>Mais certes, le président russe pourrait en espérer un regain de popularité – au moins l’espérer, car il n’est pas sûr que tous les Russes se laisseraient prendre au piège, et les circonstances ne sont pas les mêmes qu’en 2014. D’autre part, le sentiment obsidional d’être entouré d’ennemis pourrait en être renforcé – et il sert le président russe.</p>
<p>S’il estime que la survie de son pouvoir passe par là, Vladimir Poutine reculera-t-il vraiment devant le risque d’infliger un désastre diplomatique à son pays ? Il est hélas permis d’en douter.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Xi_et_Poutine_m.jpg" alt="Xi et Poutine" title="Xi et Poutine" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Entre Russie et Chine, un rapport de forces pour l’économie et la population encore plus déséquilibré qu’entre France et Etats-Unis<br />Et un « partenariat » équilibré ?</em></p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2021/01/29/Les-options-de-Vladimir-Poutine#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/125Le point sur le taux de décès du coronavirus en Russie et en Franceurn:md5:4c2035d47b7ecb5f8b4d3eb2ed9f4995Friday 15 May 2020Friday 15 May 2020Alexis TouletBilletsCoronavirusCovid-19FranceRussie<p><em>Les taux de décès par rapport au nombre de cas confirmé sont très divergents entre les différents pays. Deux pays extrêmes : la France et la Russie.</em></p>
<p><em>Pourquoi ?</em></p> <p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Taux_deces_Covid_19_sur_cas_confirmes_20.05.14.jpg" alt="Taux_deces_Covid_19_sur_cas_confirmes_20.05.14.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Deces_Covid_19_sur_cas_confirmes_20.05.14.jpg" alt="Deces_Covid_19_sur_cas_confirmes_20.05.14.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Le taux de décès par rapport au nombre de cas confirmés est nettement plus faible en Russie que dans la plupart des pays</em></p>
<p align="center"><em>En France, il est nettement plus élevé</em></p>
<p>Voici un petit point sur le taux de décès du coronavirus en Russie, notamment la question de savoir s’il y a là une anomalie, un taux de décès nettement plus bas qu’ailleurs dont il faudrait alors chercher l’explication – par exemple l’utilisation de tel ou tel traitement. En sens inverse, y a t il une raison spécifique au taux de décès apparemment beaucoup plus élevé en France qu’ailleurs ?</p>
<p>En y regardant de plus près, il semble bien qu’il n’y ait en fait pas d’anomalie dans les chiffres russes :</p>
<ol><li><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/COVID-19_pandemic_in_Russia#Timeline" hreflang="en">Au 14 mai</a>, la Russie avait détecté 252 245 cas et 2 305 morts du fait du covid-19. Je ferai l’hypothèse par la suite que le chiffre des morts est sincère, éventuellement entaché d’imprécisions comme dans tout autre pays bien sûr, mais rien de pire. Beaucoup de Russes sont <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1211148/coronavirus-mefiants-vis-a-vis-des-autorites-des-russes-se-preparent-au-pire.html" hreflang="fr">assez loin d’en être convaincus</a>, à voir les nombreux cas de « pneumonie extra-hospitalière » apparus comme par hasard à peu près au moment où la pandémie s’établissait dans le reste de l’Europe… mais sans qu’on parle à l’époque de « coronavirus », puisque la Russie avait réussi à l’arrêter à la frontière, enfin c’est ce qui se disait dans les médias dépendants du pouvoir notamment à la télévision, les autres exprimant quelques doutes. Retenons tout de même l’hypothèse que le chiffre des morts est sincère</li>
<li>Le délai moyen entre apparition des symptômes et décès, pour ceux qui succombent au covid-19, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Coronavirus_disease_2019#Prognosis" hreflang="en">est de dix jours</a>. Rapportant le nombre total des morts au 14 mai au nombre total de contaminations détecté au 4 mai soit 145 268, il vient une approximation du <strong>taux de mortalité à environ 1,6%</strong>.</li>
<li>Ce taux est d’une part à peu près en ligne avec les taux constatés dans les pays qui font <ins>beaucoup de tests</ins> comme <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/COVID-19_pandemic_in_South_Korea#18_February_%E2%80%93_29_February" hreflang="en">la Corée du Sud</a> avec 260 morts au 14 mai parmi 10 804 cas au 4 mai soit <strong>2,4%</strong>, d’autre part très différent des taux constatés dans les pays qui font <ins>peu de tests</ins> comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pand%C3%A9mie_de_Covid-19_en_France#Chronologie_des_%C3%A9v%C3%A8nements_dans_le_cadre_du_plan_Orsan_REB" hreflang="fr">la France</a> avec 27 425 morts au 14 mai parmi 131 863 cas confirmés au 4 mai soit <strong>20,8%</strong>.</li>
<li>La question à se poser est donc de savoir si la Russie fait beaucoup de tests, ou si elle en fait peu. Comparons avec la France, qui <a href="https://www.cascoronavirus.fr/test-depistage/france" hreflang="fr">le 11 mai</a> avait réalisé 318 290 tests de présence du virus, tandis que la Russie <a href="https://tass.com/society/1156203" hreflang="en">le 14 mai</a> en avait réalisé plus de 6,1 million. Soit une fréquence des tests rapportée à la population de <strong>4,7 pour mille en France, 41,5 pour mille en Russie</strong> soit pratiquement dix fois plus... alors que la Russie est moins avancée dans son épidémie que la France dans la sienne !</li>
</ol>
<p>===> Il n’y a donc pas d’anomalie en Russie de plus faible nombre de décès qu’attendu par rapport aux contaminations. Il y a tout simplement <ins>une image plus complète du nombre de contaminations dans le pays</ins>, du fait d’une politique de tests de dimension adaptée.</p>
<p>En France en sens inverse, la politique de tests est... différente. Pour ne pas dire : défaillante.</p>
<h4>Pourquoi la politique de tests est-elle plus sérieuse en Russie qu’en France ?</h4>
<p>Sans doute faut-il incriminer le fait que tandis que la Russie est un pays hautement développé avec un commerce extérieur diversifié et un système social développé, la France n’est que moyennement développée avec des îlots de richesse souvent tapageuse fondée sur l’exportations de matières premières surnageant dans un océan de pauvreté plus ou moins profond.</p>
<p>Vous dites ? C’est le contraire, en fait ?</p>
<p>Ça ne peut pas être en tout cas parce que la politique française de lutte contre le coronavirus serait mauvaise au point où même le gouvernement russe, pourtant généralement plus soucieux de <a href="https://fbk.info/investigations/" hreflang="ru">se payer sur la bête</a> que de travailler au bien-être de la population du pays, arriverait à faire mieux !</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Tests_France_Russie.jpg" alt="Tests_France_Russie.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>L’un de ces pays est hautement développé avec une économie diversifiée, l’autre modérément avec de fortes inégalités régionales...</em></p>
<p>Cette défaillance ne manque pas de poser des questions graves sur la <ins>capacité de la France de réagir à temps</ins> en cas de remontée du nombre des contaminations en sortie du confinement.</p>
<p>Rappelons que la multiplication des tests permet de tracer les cas contacts, leur isolation pour quarantaine rendant alors possible de casser les chaînes de contamination du virus. C’est ce qui a été réussi par les Sud-Coréens, d’où un nombre de morts limité à 260 dans une population de 52 millions – performance impressionnante s’il en est.</p>
<p>Le test en masse ne suffit pas, tout dépend de ce que l’on fait ensuite de l’information recueillie. Mais il semble bien être un élément indispensable à une politique de lutte contre la propagation du virus – comme l’OMS <a href="http://www.leparisien.fr/societe/testez-les-gens-l-oms-appelle-a-un-depistage-massif-du-coronavirus-16-03-2020-8281458.php" hreflang="fr">le répète et serine</a> depuis un bon moment déjà… sans être écoutée de tous, notamment du gouvernement français.</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2020/05/15/Le-point-sur-le-taux-de-d%C3%A9c%C3%A8s-du-coronavirus-en-Russie-et-en-France#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/118Présidentielle en Russie - le marketing électoral de Vladimir Poutineurn:md5:edbe0d91b78ec930a29d5fd0d3f1f435Monday 12 March 2018Monday 12 March 2018Alexis TouletLeçons de chosesLeçons de choses du LundiPoutineRussie<p><em>Le 18 mars, Vladimir Poutine sera candidat à sa succession pour un nouveau mandat de six ans. A quoi ressemble le marketing électoral du président sortant ? Un petit tour au pays de l’homme idéal.</em></p> <h3 align="center">Série "Les leçons de choses du Lundi" - N°2</h3>
<p>Voici comme premier exemple la très récente chanson du groupe <em>Fabrika</em>, intitulée <em>Vova Vova</em>, c’est-à-dire « Vladimir ! Vladimir ! » en forme familière et affective. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=95VTlKr6pZs" hreflang="ru">Le clip</a> est tout à fait d’actualité, bien coordonné avec les échéances électorales russes. L’argument en est assez simple : trois jeunes femmes préparent l’une d’entre elles qui va bientôt épouser un homme qu’elles vantent toutes à grands cris, rêvant assez peu habillées sur ses photos en prenant des poses plus que suggestives, voire directement sexuelles. Cet homme idéal et adulé est bien entendu Vladimir Poutine.</p>
<p>Dissipons tout risque de malentendu : il ne s’agit pas d’une caricature ironique préparée par des opposants. Le message est vraiment du premier degré, sur un ton humoristique sans doute, mais destiné à faire sourire, certainement pas à ridiculiser. La vidéo se termine sur une affiche électorale du président sortant <em>« Mon choix »</em>. </p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Fabrika_-_Vova_Vova_m.jpg" alt="Fabrika_-_Vova_Vova.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>« Vladimir ! Vladimir ! »</em></p>
<p align="center"><em>Épouser l’homme idéal</em></p>
<p>Autre exemple révélateur, quoique faisant plutôt partie d’un marketing "de fond" en continu sans lien direct avec l’élection puisqu’il date de la fin 2017, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ZpKSoB6gzuc" hreflang="ru">ce clip</a> où une députée de <em>Russie Unie</em> le parti du président accompagne les enfants d’une école de cadets qui chantent leur attachement au président : <em>« Tonton Vlad’ on est avec toi »</em></p>
<p>C’est bien au président, et non au pays, que ces enfants, dont certains vraiment petits, disent leur loyauté, même s’il les appelle « <em>au dernier combat</em> ». </p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Tonton_Vlad_on_est_avec_toi_m.jpg" alt="Tonton_Vlad_on_est_avec_toi.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>« Tonton Vlad, on est avec toi ! »</em></p>
<p align="center"><em>Apprendre la loyauté dès le plus jeune âge</em></p>
<p>Voici quelques extraits de leur chant, <a href="https://mychords.net/vyacheslav-antonov/99324-vyacheslav-antonov-dyadya-vova-my-s-toboj.html" hreflang="ru">dont le texte original est ici</a> :</p>
<blockquote><p>Le XXIe siècle est arrivé, la Terre est fatiguée des guerres<br />La population de la planète a sorti l’Hégémon<br />Dans l’Union européenne pas d’opinion, le Moyen-Orient gémit de douleur<br />Par-delà l’océan, le président est privé de pouvoir</p>
<p><em>Des mers du nord jusqu’aux lointaines frontières du sud c’est à nous<br />Des îles Kouriles jusqu’aux côtes de la Baltique<br />Que la paix règne sur Terre, mais si le commandant en chef<br />Nous appelle au dernier combat - Tonton Vlad’ on est avec toi !</em></p>
<p>Qu’arrivera-t-il à ma génération<br />Si elle montre de la faiblesse, nous perdrons tout le pays<br />Mais nos véritables amis sont la Marine et l’Armée</p>
<p>(...)</p>
<p>Sébastopol est à nous avec la Crimée, nous les préserverons pour nos descendants<br />Nous retournerons l’Alaska à la Mère Patrie</p>
</blockquote>
<p>A noter que des russophones ont pu remarquer que le russe de cette chanson est pauvre et argotique, ses rimes sont plates - à l’époque soviétique au moins, la propagande était faite par de vrais hommes de lettre, la langue en était magnifique, on en faisait de vrais poèmes ! Ce n’est plus ce que c’était... tout fiche le camp, en somme.</p>
<h4>Élites déchaînées et autocratie</h4>
<p>Il faut dire quelque chose pour les dirigeants russes : <strong>ils osent</strong>. Pour comparer avec les élections présidentielles de 2017 en France, et en reconnaissant que tous les <a href="https://www.numerama.com/politique/164725-classement-rsf-de-liberte-de-presse-france-chute.html" hreflang="fr">médias d’Etat et privés</a> n’ont pas toujours été <em>absolument</em> et <em>parfaitement</em> impartiaux - que l’on pardonne à l’auteur cette litote - il reste que nous n’avons quand même pas eu droit à un trio de demoiselles peu habillées en train de se pâmer en criant <em>« Manu ! Manu ! »</em>.</p>
<p>En Russie cependant, tout est encore plus ouvert et le cynisme des élites, qui servent et que sert le président, se porte plus haut que chez nous, en ce domaine comme pour ce qui est de l<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#N3">’accaparement des richesses</a>.</p>
<p>L’espèce de culte de la personnalité qui s’est progressivement constitué autour de Vladimir Poutine, aidé par les conflits avec le Bloc occidental notamment autour de la guerre civile ukrainienne, a fini par faire basculer le système politique russe dans la direction d’<strong>une véritable autocratie</strong> de fait, même si les formes extérieures restent celles d’un système démocratique. Cela ne peut manquer de susciter l’inquiétude quant à la stabilité de la Russie à moyen / long terme, car le propre d’une autocratie est d’être d’autant plus fragile lors d’un changement de pouvoir qu’elle est verrouillée sur le court terme. Surtout lorsque aucun successeur désigné n’est en vue, ce que signe clairement la loyauté personnelle promue par textes et chansons. Vladimir Poutine a 65 ans, il est au pouvoir directement ou indirectement - lorsqu’il occupait le poste de premier ministre, Dmitri Medvedev étant le président en titre - depuis maintenant dix-huit ans : tôt ou tard il devra passer la main, mais comment faire ? La transition, inévitable à terme et dès 2024 sauf modification de la constitution, ne peut être qu’un risque maximum dans un système si personnalisé.</p>
<h4>Et la technocratie ?</h4>
<p>Il est vrai que <strong>la technocratie aussi présente des risques</strong> pour la stabilité, et l’Union européenne le démontre de plus en plus clairement. Les élections nationales à potentiel fortement troublant ont tendance à se multiplier en UE, l’Allemagne dernièrement, et l’Italie ira-t-elle à terme jusqu’à une forme de rupture ? Sans compter le risque pas du tout négligeable que crise bancaire et / ou crise de la dette publique ne resurgissent sous une forme ou sous une autre, peut-être la prochaine fois dans un pays plus "gros" que la Grèce voire que l’Espagne. Sans compter la possibilité que la migration de masse ne reprenne une ampleur comparable à celle de 2015, ce qui aurait des conséquences politiques imprévisibles...</p>
<p>De l’Union européenne et de la Russie, laquelle a le système politique le plus fragile, laquelle risque le plus des événements déstabilisants, voire brisants, et le plus tôt ? Impossible à discerner - seule l’expérience le dira.</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/12/Pr%C3%A9sidentielle-en-Russie-le-marketing-%C3%A9lectoral-de-Vladimir-Poutine#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/101Poutine et Folamour, le quoi et le pourquoi des nouvelles armes nucléaires russesurn:md5:68393812f4f136f643d6bc6debb51469Sunday 4 March 2018Sunday 4 March 2018Alexis TouletBilletsDéfenseGéopolitiquePoutineRussie<p><em>L’annonce par le président russe de la mise en service d’armes nucléaires extraordinaires et irrésistibles, longuement détaillées sur un ton triomphaliste, ne peut ni être prise au pied de la lettre, ni encore moins négligée. Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il publié de telles informations, et quelle est d’ailleurs leur crédibilité ? </em></p> <p>Le 1er mars, le président russe Vladimir Poutine, s’exprimant devant l’Assemblée Fédérale, le grand rassemblement des hauts responsables de la Fédération de Russie, a consacré un bon tiers de <a href="http://en.kremlin.ru/events/president/transcripts/56957" hreflang="en">son discours sur l’état du pays</a> à la description dithyrambique de nouvelles armes nucléaires avancées, annonçant au monde que la Russie dispose désormais d’armes extraordinaires, sans équivalent dans aucun autre pays, et appuyant ses propos de nombreuses vidéos et d’adjectifs enthousiastes.</p>
<p>Même si la proximité de l’élection présidentielle russe doit être notée – Vladimir Poutine est évidemment en campagne pour sa réélection – il est impossible de négliger ces annonces, car ce n’est pas seulement de marketing électoral qu’il s’agit. Pourquoi le gouvernement et le haut-commandement russe ont-ils estimé nécessaire d’investir dans des versions totalement nouvelles d’armes nucléaires, rappelant les concepts les plus démesurés de la Guerre froide des années 1950-1960, caricaturés dans le célèbre film de Stanley Kubrick « <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Docteur_Folamour" hreflang="fr">Docteur Folamour</a> » ? Pourquoi le président russe estime-t-il nécessaire, ici et maintenant, de les annoncer et les dévoiler à la Russie et au monde ?</p>
<p>Et d’abord, quelle est la crédibilité de son discours ? Ces armes futuristes ont été représentées par des simulations informatiques datant d’une décennie, ce qui cadre assez mal avec l’avance écrasante qu’aurait atteint la technologie russe. Surtout, l’idée que la Russie a fait de tels progrès est trop agréable à trop de gens pour être au-dessus de tout soupçon : non seulement public russe qui voudrait sans doute que son pays se retrouve en tête de la course aux armements mais encore gouvernement et complexe militaro-industriel américains trop heureux que leur soient servi sur un plateau un prétexte à encore davantage de dépenses militaires <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#N1">(1)</a>. La Russie a plusieurs fois réalisé dans le passé des percées remarquables – premier satellite Spoutnik, premier homme dans l’espace Youri Gagarine, sous-marin nucléaire à coque en titane, torpille à super-cavitation etc. Mais « village Potemkine » est aussi une expression d’origine russe, et Moscou s’est plusieurs fois avéré maître de la <em>maskirovka</em>, la dissimulation et l’illusion utilisées comme ruse de guerre.</p>
<p>Il faut décidément aller y regarder de plus près.</p>
<h4>Pourquoi toutes ces armes et concepts futuristes type Folamour ?</h4>
<p>Ce qui est le plus remarquable en effet, le fait fondamental qui doit servir de base à toute discussion du discours de Vladimir Poutine, c’est que l’objectif déclaré, c’est-à-dire communiquer très clairement aux Américains que leurs rêves de bouclier antimissile efficace et autres guerres des étoiles ne sont que du vent, était <strong>déjà très largement atteint avec le renouvellement « normal » des forces nucléaires russes dans la lignée de l’existant</strong>, les nouveaux SNLE type <em>Boreï</em> notamment, les nouveaux missiles sol-sol <em>Topol</em> en version mobile, le remplacement des sol-sol en silos <em>Voevoda </em>par des <em>Sarmat</em> à la rigueur. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2016/06/10/Guerre-nucl%C3%A9aire%2C-la-menace-inexistante" hreflang="fr">Les choses étaient déjà parfaitement claires</a> et la crédibilité technique de la dissuasion russe incontestable, sans qu’aucun agitateur de tendance néoconservatrice ou partisan illuminé d’une théorie de suprématie mondiale du type <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Project_for_the_New_American_Century" hreflang="en">PNAC</a> (<em>Project for a New American Century</em>) puisse s’y tromper.</p>
<p>Alors, pourquoi donc tous ces programmes d’armement nucléaire supplémentaires ? Voici quelques pistes d’explication, qui ne s’excluent d’ailleurs pas l’une l’autre et ont toutes pu contribuer :</p>
<ol><li>Vu les efforts américains continus depuis trois décennies en faveur de l’antimissile stratégique, avec très gros crédits de R&D à la clé, Moscou a souhaité s’assurer contre une potentielle percée technique américaine – qui n’est pas arrivée, mais les Russes ne pouvaient en être sûrs à l’avance – en mode « ceinture ET bretelles ». Non seulement on modernise dans des directions relativement classiques type SNLE plus furtifs, intercontinentaux sol-sol mobiles, têtes manœuvrantes ou trajectoires par le pôle Sud, mais on lance aussi plusieurs projets « exotiques » type torpille nucléaire lourde à très longue portée, missile de croisière à propulsion nucléaire ou missile hypersonique aéroporté</li>
<li>Un autre élément de contexte : pendant peut-être deux décennies, du début des années 1990 au début des années 2010, la Russie n’a pas maintenu de patrouille permanente de SNLE <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#N2">(2)</a> tandis qu’un pays comme la France l’a maintenue sans interruption depuis 1974, et les Etats-Unis depuis plus longtemps. D’autre part, les nouveaux SNLE russes type <em>Boreï</em>, quoique plus furtifs que les anciens <em>Delfin</em>, sont généralement estimés moins furtifs que leurs équivalents occidentaux <em>Ohio</em> américain, Triomphant français et <em>Vanguard</em> britannique, de manière analogue aux <a href="https://fas.org/man/dod-101/sys/ship/deep.htm" hreflang="en">SNA russes</a>. En d’autres termes, la Russie avait plus de raisons dans les années 1990 / 2000 de rechercher des moyens originaux de sécuriser sa frappe en second que des pays comme Etats-Unis ou France, et cela reste peut-être vrai dans une certaine – quoique petite – mesure</li>
<li>Pourquoi continuer ces projets une fois qu’il est devenu clair que les antimissiles américains restaient toujours aussi peu convaincants tandis que la modernisation ordinaire des forces nucléaires russes commençait à se concrétiser – premier SNLE Borei, missiles sol-sol Topol mobiles en nombre – disons vers 2012 au plus tard ? Peut-être la vitesse acquise dans une logique bureaucratique par des programmes de R&D déjà en cours, peut-être la volonté de faire « ceinture ET bretelles PLUS bretelles en acier renforcé tungstène » bref d’empiler sécurité sur sécurité sur sécurité pour – enfin – se sentir protégé. Et encore peut-être un tantinet d’emportement prométhéen, qui n’est pas l’apanage exclusif des Américains</li>
<li>Sur un autre plan, Moscou peut chercher à équilibrer au moins symboliquement le « partenariat stratégique » avec la Chine qu’il a cherché à développer largement à partir de 2014 suite à la guerre civile ukrainienne, partenariat inconfortable pour la Russie car à peu près aussi équilibré que le serait un « partenariat stratégique » entre France et Etats-Unis, réalité que Pékin ne se fait pas faute de mettre à profit - contrats gaziers <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/05/21/gaz-mega-accord-entre-la-chine-et-la-russie_4422950_3244.html" hreflang="fr">avec prix favorables pour la Chine</a>, récupération de la technologie des meilleurs chasseurs russes opérationnels <a href="http://www.opex360.com/2015/11/20/la-chine-officiellement-commande-24-avions-su-35-la-russie/" hreflang="fr">à vil prix</a> - et que les sourires de Xin Jinping ne peuvent dissimuler indéfiniment. De ce point de vue, lorsque Vladimir Poutine affirme que « <em>La puissance militaire croissante de la Russie est une garantie solide de la paix mondiale, parce que cette puissance préserve et préservera la parité stratégique et l’équilibre des forces dans le monde</em> », le message est que la Russie jouerait un rôle indispensable et unique pour équilibrer la puissance américaine, rôle que la Chine ne prendrait pas à son compte</li>
<li>Citons encore le message clair de Poutine suite à la récente NPR la <a href="https://www.defense.gov/News/Special-Reports/NPR/" hreflang="en">revue de posture nucléaire américaine</a> prévoyant un abaissement du « seuil » nucléaire c’est-à-dire des conditions dans lesquelles Washington envisagerait d’utiliser des armes nucléaires, éventuellement de plus petite puissance, en réponse à des attaques de plus petite dimension, <a href="https://www.nytimes.com/2018/01/16/us/politics/pentagon-nuclear-review-cyberattack-trump.html" hreflang="en">voire même à une simple cyberattaque</a> ! Le président russe a dit nettement que toute arme nucléaire serait considérée comme telle, quelle que soit sa taille, ce qui revient à mettre en garde les Etats-Unis s’ils étaient tentés de passer au nucléaire d’un cœur trop léger <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#N4">(4)</a></li>
<li>Pourquoi annoncer l’existence de ces armes justement maintenant ? Une explication évidente : les élections approchent ! Annoncer quinze jours avant de demander sa réélection à une population russe abreuvée depuis 2014 par une propagande catastrophiste télévisuelle continue que la menace américaine est définitivement écartée et que – enfin – la Russie est hors de danger a une dimension évidente de propagande électorale. Surtout lorsque la situation matérielle de la majorité de la population russe reste très dégradée comparée aux ressources du pays, notamment du fait que les oligarques continuent à capter une partie disproportionnée des richesses issues de la vente de gaz et de pétrole <a href="http://www.noeud-gordien.fr/#N3">(3)</a> sans oublier de la faire sortir du pays</li>
</ol>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Docteur_Folamour_m.jpg" alt="Docteur_Folamour.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Herr Doktor Merkwürdige Liebe (Folamour), consultant en marketing électoral</em></p>
<p align="center"><em>"Si afec ça fous n’êtes pas réélu au premier tour, Monsieur le président !"</em></p>
<p>En dehors du « pourquoi », la question de la réalité et de l’avancement de ces programmes d’armes nucléaires est aussi posée. Poutine a-t-il montré le bout de l’oreille sans le vouloir en insistant lourdement, et peut-être un peu trop lourdement</p>
<p><q>Nous devons être conscients de cette réalité et être sûrs que tout ce que j’ai dit aujourd’hui n’est pas un bluff - et ce n’est pas un bluff, croyez-moi</q></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Poutine_180301_m.jpg" alt="Poutine_180301.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><span style="text-align: start;"><em>"Etre sûrs que tout ce que j’ai dit aujourd’hui n’est pas un bluff - et ce n’est pas un bluff, croyez-moi"</em></span></p>
<p>Et la question de l’intérêt opérationnel de ces programmes se pose encore – à supposer qu’ils existent, qu’apportent-ils à la défense de la Russie ?</p>
<h4>Crédibilité et intérêt opérationnel des armes annoncées par Poutine</h4>
<p>Voici la liste détaillée des six types d’armes décrits par le président russe, la combinaison de leur crédibilité et de leur intérêt opérationnel est traduite par une couleur : <text style="color:#01DF01;"><strong>Vert</strong></text>, <text style="color:#FE9A2E;"><strong>Orange </strong></text> ou <text style="color:#FF0000;"><strong>Rouge</strong></text>, du meilleur au moins bon. Elles sont encore classées en armes destinées à la frappe nucléaire en second (quatre types) c’est-à-dire à l’équilibre de la dissuasion et autres armes (deux types)
</p>
<h5>Armes de frappe nucléaire en second</h5>
<p>1. <strong>Balistique intercontinental super-lourd Sarmat</strong> – <strong style="color: rgb(1, 223, 1);">Vert</strong></p>
<blockquote><p>Remplacement d’un système existant<br /><ins>Crédibilité</ins> – Très élevée<br /><ins>Quand</ins> – Court / moyen terme<br /><ins>Utilité opérationnelle</ins> – Modérée</p>
</blockquote>
<p>Il s’agit d’un remplacement des missiles lourds RS-36M2 <em>Voevoda </em>existants, planifié pour dans quelques années et dont l’existence était déjà connue. La capacité de la Russie à le mettre au point et le déployer ne fait aucun doute – c’est de la modernisation dans la droite ligne de l’existant. Son intérêt opérationnel est d’une part sa puissance qui permet des trajectoires passant par le pôle Sud – donc contournant les antimissiles américains – tout en conservant une forte charge utile, d’autre part les « aides à la pénétration » c’est-à-dire les leurres qu’une telle charge utile permet d’emporter. Cet intérêt est cependant modéré du fait que ces armes en silo fixe sont vulnérables à une première frappe surprise pourvu qu’elle utilise des têtes puissantes et de grande précision, dont les Etats-Unis disposent. En d’autres termes, une attaque préventive américaine risquerait de tous les détruire, ce qui limite leur intérêt pour la dissuasion</p>
<p>2. <strong>Torpille nucléaire lourde à portée intercontinental Status-6</strong> – <strong style="color: rgb(254, 154, 46);">Orange</strong></p>
<blockquote><p>Nouveau système<br /><ins>Crédibilité</ins> – Modérée<br /><ins>Quand</ins> – Moyen / long terme<br /><ins>Utilité opérationnelle</ins> – Modérée</p>
</blockquote>
<p>Des "fuites" avaient déjà été organisées au sujet de ce nouveau système. Il serait très innovant, surtout du fait de son réacteur nucléaire très petit doté d’un rapport puissance / poids très élevé – les chiffres cités par Vladimir Poutine « <em>cent fois plus</em> » qu’un sous-marin nucléaire sont assez extraordinaires – quant à la haute vitesse la Russie a déjà une expérience avec les torpilles rapides à super cavitation <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/VA-111_Chkval" hreflang="fr">Shkval</a>. Le président russe lui-même parle seulement d’être en état de « <em>commencer</em> » le développement d’un système opérationnel sur la base des tests effectués jusqu’ici. Il faut noter que passer d’un démonstrateur à une arme pleinement opérationnelle suppose temps, coût et risques techniques... qui seront surmontés ou pas, ce qui renforce la nécessité de lui attribuer une crédibilité modérée, au mieux. L’intérêt opérationnel, c’est bien sûr d’être un moyen alternatif de riposte très difficile à parer. Cet intérêt est modéré cependant du fait que de telles armes seraient vulnérables à une première frappe surprise si elles sont basées dans un port, ou encore dans un site sous-marin quelconque que l’espionnage adverse pourrait découvrir. Les embarquer sur un nouveau type de SNLE pourquoi pas, mais cela supposerait des coûts supplémentaires élevés et probablement des bâtiments spécialisés – alors, pourquoi ne pas construire trois ou quatre SNLE <em>Boreï</em> supplémentaires à la place, pour un coût probablement inférieur s’agissant de navires déjà opérationnels et un effet dissuasif au moins aussi grand ?</p>
<p>3. <strong>Missile de croisière à propulsion nucléaire</strong> – <strong style="color: rgb(254, 154, 46);">Orange</strong></p>
<blockquote><p>Nouveau système<br /><ins>Crédibilité</ins> – Faible<br /><ins>Quand</ins> – Long terme<br /><ins>Utilité opérationnelle</ins> – Forte</p>
</blockquote>
<div><p>Il serait basé sur des tests effectués à la fin de l’année dernière. Là encore, Poutine parle de « <em>commencer</em> » le développement, une arme opérationnelle n’est pas pour demain. Ce système est moins crédible que le précédent parce que les contraintes sur le réacteur nucléaire, notamment sur sa masse, seraient plus lourdes pour un missile que pour une torpille et parce que les essais aussi seraient plus délicats – nous parlons d’un missile qui risquerait d’émettre de la pollution radioactive en continu tout le long de sa trajectoire ! Le territoire russe est très grand c’est entendu, mais tout de même... A noter que l’inspiration pour ce système semble être le projet américain <a href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Supersonic_Low_Altitude_Missile" hreflang="fr">SLAM / Pluto</a> de la fin des années 1950, l’époque des recherches tous azimuts sans tabou ni retenue dans le domaine des armes nucléaires, l’époque d’Edward Teller qui servit d’inspiration au personnage du Docteur Folamour. Les Etats-Unis abandonnèrent ce projet à cause d’une part de difficultés techniques sur les matériaux, d’autre part parce que le test opérationnel en vraie grandeur d’un tel missile aurait posé quelques soucis !</p>
<p>Une telle arme aurait une forte utilité opérationnelle : ce moyen alternatif de frappe en second pourrait être basé discrètement n’importe où, donc serait invulnérable à une première frappe de désarmement.</p>
<p>4. <strong>Missile hypersonique à portée intercontinentale Avangard</strong> – <strong style="color: rgb(255, 0, 0);">Rouge</strong></p>
<blockquote><p>Nouveau système<br /><ins>Crédibilité</ins> – Très faible<br /><ins>Quand</ins> – Long terme<br /><ins>Utilité opérationnelle</ins> – Forte</p>
</blockquote>
<p>Le système serait extrêmement innovant, avec une portée intercontinentale et une vitesse de Mach 20. Il rappelle le projet américain des années 1980 <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Rockwell_X-30" hreflang="en">NASP (X-30)</a> d’une navette spatiale mono-étage, qui n’aboutit à rien. Des objectifs si ambitieux nécessiteraient de nombreuses percées notamment en termes de matériaux, qui n’ont pas eu lieu en plus de trente ans de recherche sur l’hypersonique dans différentes nations, alimentées dans le cas des Etats-Unis par d’énormes crédits. L’idée que la Russie aurait tout à coup réussi tout cela est franchement très peu crédible.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Village_Potemkine_m.jpg" alt="Village_Potemkine.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Village Potemkine et trompe-l’oeil... en grande partie du moins</em></p>
<h5>Autres armes</h5>
<p>5. <strong>Armes laser</strong> – <strong style="color: rgb(254, 154, 46);">Orange</strong></p>
<blockquote><p>Nouveau système<br /><ins>Crédibilité</ins> – Modérée<br /><ins>Quand</ins> – Présent ?<br /><ins>Utilité opérationnelle</ins> – Modérée</p>
</blockquote><p>Les annonces de Poutine étaient remarquablement imprécises : « <em>Depuis l’année dernière, nos troupes sont équipées d’armes laser</em> »... oui, mais lesquelles ? L’existence d’armes laser aveuglantes opérationnelles dans différentes armées technologiquement avancées est un secret de Polichinelle. Si le président russe parlait de cela, alors ce ne serait pratiquement pas une nouvelle.</p>
<p>D’autres usages de lasers de plus grande puissance, par exemple pour la lutte antimissile ou le combat aérien, sont théoriquement possibles. Cependant, une combinaison de soucis sur l’énergie à embarquer, les performances nécessaires notamment celles des optiques, la fiabilité de l’ensemble, son train logistique enfin la portée limitée par la dispersion atmosphérique ont fait que les essais réalisés depuis au plus tard les années 1980 n’ont jamais débouché sur un système déployé opérationnellement. Le projet américain de laser antimissile aéroporté <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Boeing_YAL-1_Airborne_Laser" hreflang="fr">YAL-1 ABL</a>, qui a peut-être été l’objet des tests les plus poussés avec des crédits très importants, n’a jamais abouti à mise en service. On ne peut évidemment exclure que les chercheurs russes aient réalisé une percée, d’où une crédibilité modérée plutôt que faible – même s’il est possible de soutenir que c’est un peu généreux.</p>
<p>L’utilité opérationnelle aussi serait modérée. Bien sûr, dans les films de science-fiction un tir de laser est représenté par un grand <em>ZAP !</em> et une cible descendue en flammes, mais un laser réel n’aurait rien de magique, son effet tactique dépendrait des contre-mesures protégeant la cible – revêtement, rotation sur lui-même si c’est un missile – et sa portée resterait courte sauf dans la haute atmosphère raréfiée, tandis que son effet opérationnel serait de toute façon limité par le train logistique de la station de tir qui serait probablement lourd.</p>
<p>6. <strong>Missile hypersonique aéroporté Kinzhal</strong> – <strong style="color: rgb(1, 223, 1);">Vert</strong></p>
<blockquote><p>Nouveau système<br /><ins>Crédibilité</ins> – Modérée<br /><ins>Quand</ins> – Présent ?<br /><ins>Utilité opérationnelle</ins> – Forte</p>
</blockquote>
<p>Il s’agit là de l’annonce la plus intéressante du discours de Poutine, et <strong>potentiellement une nouvelle très importante - si elle n’est pas exagérée</strong>, naturellement. Les missiles <em>Sarmat</em> (N°1) c’est du sérieux, et ça sera mis en service, mais ce n’est pas vraiment neuf, et ça ne causera guère de bouleversement – la Russie est <strong>déjà</strong> protégée par une dissuasion efficace à base de SNLE <em>Boreï </em>et de sol-sol mobiles <em>Topol M</em> sans avoir besoin d’un tel système, quoi que le président russe fasse semblant de croire. Le reste (N°2 à 5) c’est de la R&D plus ou moins avancée plus ou moins échevelée pour ne pas dire légèrement fol-dingue, il est difficile d’imaginer que ça entre en service à terme prévisible, avec une petite chance à la limite pour les torpilles nucléaires lourdes Status-6. Mais les Kinzhal ça semble sérieux, l’annonce comme quoi ils ont commencé en décembre 2017 leurs tests préalables à mise en service est relativement crédible et l’impact opérationnel pourrait être bien réel - si, encore une fois, Vladimir Poutine a bien décrit une réalité.</p>
<p>Précisions d’abord que lorsque l’on parle de missiles hypersoniques il y a une ambiguïté, « hypersonique » ne signifie rien d’autre qu’une vitesse supérieure à Mach 5 cinq fois la vitesse du son. Si l’on s’en tient au sens direct, alors rien de neuf la plupart des missiles balistiques sont hypersoniques, et les V-2 allemands de la seconde guerre mondiale l’étaient déjà ! Mais en réalité, on parle de missiles hypersoniques <strong>aérobies</strong>, c’est-à-dire capable d’absorber l’air ambiant pour faire fonctionner leur moteur même à ces vitesses très élevées. Là est la grande difficulté technique, là serait aussi le grand intérêt opérationnel car un missile hypersonique aérobie serait capable de manœuvrer librement à vitesse très supérieure à Mach 5, ce qui le rendrait excessivement difficile à intercepter.</p>
<p>Il est clair que c’est d’une telle arme hypersonique (Mach 10) aérobie donc très manœuvrante que parlait Vladimir Poutine. Est-ce crédible ? Quelques éléments de réponse :</p>
<ol><li>Les recherches sur de tels systèmes sont actives aux Etats-Unis, en France, en Chine et en Russie. Que Moscou ait pris une longueur d’avance est possible sur le principe - les percées font partie de la vie des programmes de R&D, et la Russie en a évidemment réalisé dans le passé comme déjà rappelé</li>
<li>Il s’agirait d’un véritable exploit. La France, qui a une forte expertise dans le haut supersonique avec le missile des forces aériennes stratégiques <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Air-sol_moyenne_port%C3%A9e_am%C3%A9lior%C3%A9" hreflang="fr">ASMP-A</a>, vise à remplacer ce missile par un système hypersonique à Mach 8 l’<a href="http://www.opex360.com/2016/04/18/les-defis-technologiques-poses-par-lasn4g-le-futur-missile-des-forces-aeriennes-strategiques/" hreflang="fr">ASN4G</a>... mais en visant 2035 pour un système opérationnel. L’ONERA français précise dans son <a href="https://www.onera.fr/sites/default/files/branche/PSS_-V1.1.1-francais-num.pdf" hreflang="fr">plan stratégique scientifique 2016-2025</a> que <em>« La stratégie de pénétration des défenses adverses par des missiles à vitesses hypersoniques reste un défi scientifique et technologique majeur. Un très grand nombre de disciplines sont mises en jeu, telles que l’aérodynamique, la propulsion, l’architecture du vecteur, son contrôle et son pilotage. Les enjeux sur les matériaux sont aussi très importants » </em>et que répondre à ce défi supposera de développer <em><em>« </em>toutes les connaissances en aérodynamique et aéroacoustique, sciences des matériaux, énergétique, ingénierie systèmes et recourir massivement à la simulation numérique pour produire les ruptures nécessaires ».</em> Bref, du point de vue des spécialistes du pays qui dispose du missile aérobie supersonique le plus rapide à Mach 3/4, il y a encore énormément de travail. Si la Russie a bien démarré en décembre 2017 les tests d’un missile aérobie hypersonique à Mach 10, c’est qu’elle a pris 15 ans d’avance sur la France, comme sur les Etats-Unis qui en sont probablement à peu près au même point dans ce domaine</li>
<li>La fiabilité de la parole du président russe peut certes être remise en cause, étant donné les annonces dithyrambiques et peu crédibles sur d’autres catégories d’armement dans le même discours. Il faut encore noter que sur les images qu’il a montrées à l’Assemblée Fédérale de Russie, le missile Kinzhal <a href="http://www.thedrive.com/the-war-zone/18943/putins-air-launched-hypersonic-weapon-appears-to-be-a-modified-iskander-ballistic-missile" hreflang="en">ressemblait furieusement à un missile balistique bien connu l’Iskander</a>, simplement adapté pour être lancé depuis un avion... donc précisément à un missile tout sauf aérobie !</li>
</ol>
<p>Il reste possible que le <em>Kinzhal </em>soit réellement aérobie et réellement proche de sa mise en service effective, l’expérience russe dans les missiles supersoniques étant très large, ce qui rend possible qu’une percée technologique ait vraiment eu lieu qui aurait donné à Moscou une telle avance.</p>
<p>Les caractéristiques annoncées vitesse jusqu’à Mach 10, portée 2 000 km et capacité manoeuvrante pourraient conduire à <strong>une rupture stratégique : la capacité à neutraliser un porte-avions ennemi à grande distance uniquement avec des ogives conventionnelles, sans passer au nucléaire</strong>. Poutine a souligné à raison qu’aucun système de défense antimissile embarqué existant - RIM-66 Standard américains, Aster-30 franco-italiens - ne pourrait parer ce genre d’attaque.</p>
<p>Si le président russe n’a pas exagéré - certes, c’est un "si" - alors la Russie disposera bientôt de la capacité de neutraliser tout porte-avions évoluant dans l’est de la Méditerranée ou dans le Golfe Persique depuis des avions volant au-dessus de la Mer Noire ou de la Caspienne. De même pour des porte-avions situés en mer du Japon ou en mer Jaune, depuis les environs de Vladivostok voire Sakhaline. Si d’autre part le Kinzhal n’est jamais qu’un missile balistique classique Iskander monté à l’horizontale sur un chasseur MiG-31 - comme il en a l’air - il reste un moyen d’attaque possible contre un porte-avions, même s’il serait potentiellement beaucoup plus facile à intercepter par les systèmes américains existants ou de moyen terme - <a href="https://www.ttu.fr/aster-30-block-1-nt-de-nouvelles-capacites/" hreflang="fr">Aster 30 Block 1 NT</a> pour la France.</p>
<p>Il faut noter que même si la Russie ne dispose pas en réalité de missiles aérobies hypersoniques opérationnels, il peut être dans son intérêt de le faire croire, surtout pour augmenter son influence sur des pays tiers qui pourraient craindre d’être attaqués par des groupes de porte-avions américains, tels Corée du Nord et, encore plus, l’Iran.</p>
<h4>Et la suite ? Que fera Washington ?</h4>
<p>S’agissant des puissances disposant d’une dissuasion nucléaire indépendante de portée mondiale, qui à part la Russie sont au nombre de trois <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#N5">(5)</a>, il n’y a guère de réaction à attendre de la Chine ni de la France, qui toutes deux s’en tiennent à une dissuasion de format minimal, centrée exclusivement sur la garantie des intérêts vitaux du pays. Que la Russie se dote ou non d’armes nucléaires plus nombreuses ou différentes n’a pas d’impact sur la stratégie de ces pays, qui décident de leur dissuasion en fonction des besoins de leur défense, non d’une exigence de <em>« parité »</em> avec qui que ce soit. Très raisonnablement et honnêtement, ni Chine ni France n’ont d’ailleurs donné aucune « garantie nucléaire » à quelque pays étranger que ce soit, à l’inverse des Etats-Unis prétendant contre toute vraisemblance qu’ils mettraient en danger New York et Los Angeles – qui leur sont vitales – en utilisant des armes nucléaires pour défendre Berlin ou Tokyo – qui ne sont pas vitales pour les Etats-Unis – ou de la Russie dont Vladimir Poutine a affirmé de manière tout aussi peu crédible que sa dissuasion serait mise en œuvre aussi pour le bénéfice de ses « <em>alliés </em>».</p>
<p>Mais les Etats-Unis vivent bien comme la Russie dans l’illusion que la parité dans le nombre et les caractéristiques techniques des armes nucléaires aurait un sens en soi. Washington et Moscou maintiennent bien à eux deux un stock d’armes nucléaires représentant plus de 90% du total mondial, sans autre raison que de prestige, d’habitude et de bureaucratie militaire attachée à survivre voire croître quels que soient les véritables besoins du pays. Dans ces conditions, les Etats-Unis déjà en train d’ouvrir les vannes du financement pourtant déjà très copieux de leur armée resteront-ils sans réagir ?</p>
<p>S’il est raisonnable de s’attendre à ce que Paris et Pékin soient encouragés à poursuivre leurs recherches déjà en cours sur l’hypersonique aérobie, si l’existence du Kinzhal aérobie ou non devrait inciter à renforcer la protection antimissile du groupe naval français au-delà de la modernisation déjà en cours, selon les lignes mises en avant dans <a href="http://www.senat.fr/rap/r10-733/r10-733_mono.html" hreflang="fr">le rapport du Sénat sur le sujet</a> en 2011, c’est bien les Etats-Unis qui pourraient potentiellement réagir très fortement à un discours de Poutine qui ressemble, plus qu’un défi, à une véritable provocation destinée à provoquer réponse, et peut-être rage.</p>
<p>Sans doute, <a href="https://www.afp.com/fr/infos/335/le-kremlin-refute-toute-nouvelle-course-aux-armements-avec-washington-doc-11n5fg3" hreflang="fr">le porte-parole du Kremlin a insisté sur le fait que la Russie ne cherchait aucunement à relancer une course aux armements</a> – contredisant au passage son président qui affirmait dans son discours que course aux armements il y avait bien eu, et qu’elle était terminée avec victoire russe par KO – mais il est difficile d’imaginer Washington se contenter de cette déclaration</p>
<blockquote><p>"Il ne s’agit que d’une réponse de la Russie au retrait des Etats-Unis de l’accord sur le système de défense antimissile et au processus très actif de développement d’un système antimissile global qui est à même de violer la parité stratégique et nucléaire et de neutraliser de fait les forces stratégiques russes", a indiqué M. Peskov vendredi.</p>
</blockquote>
<p>Les Etats-Unis, par ailleurs candidat sérieux pour les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Darwin_Awards" hreflang="fr">Darwin Awards</a> puisque leur retrait du traité ABM en 2002 pour développer à coups de dizaines de milliards des défenses antimissile peu fiables au point d’être ridicules n’a abouti qu’à la modernisation à marche forcée des forces nucléaires russes et la relance de la R&D militaire certes en grande partie Potemkine pour ce qui est du récent discours de Poutine mais pas entièrement, vont probablement faire leur possible - et multiplier encore les dépenses pour "rattraper" leur "retard".</p>
<p>Faut-il d’ailleurs rajouter aux raisons du discours de Vladimir Poutine discutées plus haut l’espoir d’inciter Washington précisément à cela, et de <strong>stériliser une bonne part des dépenses de R&D militaire américaine en l’engageant sur des voies sans issue, à tenter de reproduire des exploits technologiques bidon ?</strong></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Trump_Happy_m.jpg" alt="Trump_Happy.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Emmanuel a son joli défilé militaire annuel, Donald veut le sien et plus beau encore !</em></p>
<p align="center"><em>Vladimir a ses nouvelles armes nucléaires extraordinaires, Donald voudra-t-il les siennes et encore plus impressionnantes ?</em></p>
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<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#" name="N1">1</a> - Gueorgy Arbatov, accompagnant Mikhaïl Gorbatchev lors de sa première visite à Washington, avait prévenu « <em>Nous allons vous faire quelque chose de terrible : nous allons vous priver d’ennemi</em> ». Vladimir Poutine est certes bien meilleur pour le CMI américain que ne l’était le diplomate Arbatov…</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#" name="N2">2</a> - Sous-marin nucléaire lanceur d’engins, c’est-à-dire les bâtiments embarquant des missiles balistiques nucléaires invulnérables à une première frappe car indétectables pour peu que le sous-marin soit suffisamment furtif</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#" name="N3">3</a> - L’étude par Crédit Suisse de la richesse mondiale et de sa répartition montre que l’inégalité maximale de la distribution de richesses - coefficient de Gini supérieur à 90, sur une échelle allant jusqu’à 100 - n’est atteinte parmi les pays développés qu’en Russie et en Ukraine, nettement pires même que les Etats-Unis sur ce critère (<a href="http://publications.credit-suisse.com/index.cfm/publikationen-shop/research-institute/global-wealth-databook-2016-en/" hreflang="en">source</a>, pages 106 et suivantes)</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#" name="N4">4</a> - L’expression est issue d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mile_Ollivier_(homme_politique)#La_fin_de_vie_politique_et_l'%C3%A9crivain" hreflang="fr">Emile Ollivier</a>, annonçant en 1870 à l’Assemblée la déclaration de guerre à la Prusse par ces mots : « <em>Cette guerre, nous la déclarons d’un cœur léger</em> »</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#" name="N5">5</a> - Le Royaume-Uni a des armes nucléaires de portée mondiale, mais elles ne sont pas indépendantes des Etats-Unis, il ne s’agit dans les faits que de balistiques mer-sol américains issus du même lot opérationnel que les SNLE américains utilisent - autant dire que la capacité même de Londres à ordonner une frappe nucléaire sans obtenir d’abord l’autorisation de Washington peut être mise en doute. Les autres pays nucléaires Israël, Inde, Pakistan et Corée du Nord ne disposent pas d’armes nucléaires opérationnelles indépendantes de portée mondiale... même si Pyongyang s’en rapproche à très grande vitesse</p>
</div>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/03/04/Poutine-et-Folamour%2C-le-quoi-et-le-pourquoi-des-nouvelles-armes-nucl%C3%A9aires-russes#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/100Ingérence russe dans l’élection américaine – Pire qu’un crime, une fauteurn:md5:e8ba8f0cba66422ccefb935acbe07c5aTuesday 20 February 2018Tuesday 20 February 2018Alexis TouletTraductionsCrises politiques et internationalesEtats-UnisRelations internationalesRussieTrump<p><em>La mise en examen de 13 citoyens russes par le procureur spécial américain Mueller pour « guerre de l’information » lors des élections américaines de 2016, avec utilisation des médias sociaux pour soutenir tous les candidats à la présidence américaine s’opposant à Hillary Clinton, confirme définitivement l’idée que Moscou a mené un effort pour influencer les Américains et éloigner de la Maison Blanche la candidate qui lui était le plus hostile.</em></p>
<p><em>Pour Robert Merry, éditeur de The American Conservative, c’’était tout simplement une faute. Même si les Etats-Unis pratiquent eux-mêmes à grande échelle ce type d’action d’influence dans le monde entier - et s’en cachent à peine, quand ils ne s’en vantent pas - même s’ils portent une grande responsabilité dans la dégradation de leurs relations avec la Russie, le fait pour Moscou d’avoir joué sur le même terrain et de s’être fait prendre rendra très difficile voire impossible une politique d’ouverture vers la Russie à tout président américain à terme prévisible.</em></p> <p><ins>Publication originelle en anglais</ins> – Robert W. Merry pour <a href="http://www.theamericanconservative.com/articles/russias-election-meddling-worse-than-a-crime-a-blunder/" hreflang="en">The American Conservative</a>, 19 février 2018</p>
<p><ins>Traduction en français et Notes</ins> – Alexis Toulet pour le Nœud Gordien, 20 février 2018</p>
<p>Quand Napoléon Bonaparte fit exécuter le duc d’Enghien en 1804 sur ce qui ressemblait fort à des accusations de trahison montées de toute pièce, les conséquences se firent sentir bien au-delà de la justice française et même au-delà des frontières de la France. Les dirigeants européens en furent abasourdis, et cet épisode aida à cristalliser le sentiment anti-bonapartiste dans toute l’Europe y compris la Grande-Bretagne. Le célèbre diplomate français Charles de Talleyrand <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N1">(1)</a> résuma la chose d’un mot : « <em>C’est pire qu’un crime, c’est une faute</em> ».</p>
<p>On peut dire la même chose de la tentative russe de manipuler l’élection présidentielle américaine de 2016 en utilisant les médias sociaux pour miner la candidature de la démocrate Hillary Clinton, aider celle de Donald Trump, et plus généralement semer la discorde dans le corps politique américain. Trois entreprises et 13 citoyens russes ont été mis en examen vendredi dernier pour l’accusation d’avoir participé à un effort de trois ans et plusieurs millions de dollars pour interférer dans l’élection. Les Américains sont naturellement sous le choc devant cette tentative éhontée de défaire le tissu politique de leur pays.</p>
<p>Mais ce n’est pas si choquant. Pour comprendre en quoi c’était davantage une faute qu’un crime – et une faute qui aura probablement des conséquences tragiques – il est important de bien assimiler cinq réalités fondamentales liées à cet épisode important des relations américano-russes.</p>
<p><strong>Premièrement</strong>, cela fait des siècles que les pays font ce genre de choses. C’est une partie fondamentale de l’art de l’espionnage – utiliser des opérations secrètes pour miner le fonctionnement interne des nations rivales. Aucun pays n’aime se trouver visé par de telles activités, mais peu se retiennent de s’y livrer quand elles leur semblent en mesure de déjouer des menaces à leur sécurité nationale.</p>
<p><strong>Deuxièmement</strong>, aucune nation n’a été plus enthousiaste que les Etats-Unis quand il s’agit de tentatives, secrètes et même ouvertes, de déstabiliser d’autres régimes. Ceci en partie du fait que les Etats-Unis, principale puissance mondiale depuis la seconde guerre mondiale, ont vu leurs intérêts mêlés aux principaux événements dans le monde entier. En partie aussi parce que l’Amérique a pu faire jouer les technologies les plus avancées et les meilleures capacités secrètes pour remplir cette mission.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, l’historique américain dans ce domaine est indiscutable. Un <a href="https://www.nytimes.com/2018/02/17/sunday-review/russia-isnt-the-only-one-meddling-in-elections-we-do-it-too.html" hreflang="en">article de Scott Shane ce week-end dans le New York Times</a> citait un professeur de l’université de Géorgie Loch Johnson qui rappelait : « <em>Nous faisons ce genre de choses depuis la création de la CIA en 47. Nous avons utilisé des posters, des pamphlets, des courriers, des banderoles – tout ce que vous pouvez imaginer</em> ». Les Etats-Unis ont entre autres mis de fausses informations dans des journaux étrangers et distribué des « <em>valises de liquide</em> » pour influencer des élections étrangères. <a href="https://www.thecipherbrief.com/experts/steven-l-hall" hreflang="en">Steven L. Hall</a>, vétéran de 30 ans de la CIA aujourd’hui retraité, après avoir notamment dirigé le bureau Russie, a dit à Shane que les Etats-Unis se sont « totalement » engagés dans de telles activités « <em>et j’espère qu’on continue</em> » <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N2">(2)</a></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Steven_L_Hall_m.jpg" alt="Steven_L_Hall.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>L’ancien directeur du bureau de la CIA à Moscou</em></p>
<p align="center"><em>Les Etats-Unis se sont-ils ingérés dans les élections des autres ? « Totalement </em>»<em> et </em>« <em>J’espère qu’on continue </em>»</p>
<p>Shane cite une étude de Dov H Levin de Carnegie Mellon cherchant à quantifier les « opérations d’influence électorale » des Etats-Unis et de l’Union soviétique / la Russie entre 1946 et 2000. Il en compte 81 de la part des Etats-Unis et 36 de la part de l’Union soviétique / la Russie – tout en estimant que certaines opérations initiées depuis le territoire russe nous sont restées inconnues.</p>
<p>Il faut encore compter ce qu’on en est venu à appeler « l’industrie de la démocratie » – les légions d’ONG américaines, dont beaucoup financées par l’argent public, qui se déploient dans le monde entier pour remodeler les régimes qu’elles considèrent insuffisamment imprégnés de valeurs occidentales. L’écrivain et intellectuel David Rieff, écrivant il y a quelques années dans le National Interest, accusait ces militants de la promotion de la démocratie d’être des gens qui « <em>refusent ou sont incapables de reconnaître ni le caractère idéologique ni le caractère révolutionnaire de leur entreprise</em> ». Il comparait ces promoteurs de la démocratie en termes de propagande au dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev se vantant en 1956 aux Américains « <em>Nous vous enterrerons</em> ».</p>
<p><strong>Troisièmement</strong>, la plus grande ingérence dans les affaires intérieures des nations étrangères, à part l’invasion, est le changement de régime, et sur ce plan les Etats-Unis sont de très loin en tête dans la période post-deuxième guerre mondiale. Nous avons connaissance de tentatives de grande ampleur – secrètes ou non, réussies ou non – de l’Amérique pour renverser des régimes en Iran, au Guatemala, au Vietnam du Sud, au Chili, au Nicaragua, à la Grenade, en Serbie, en Irak, en Libye, en Syrie et en Ukraine.</p>
<p>Sans discuter les justifications de chaque cas, c’est là un historique impressionnant, dont les implications dépassent de très loin la politique intérieure américaine. Comme l’exécution par Bonaparte du duc d’Enghien, il suscite des inquiétudes et des peurs chez les dirigeants étrangers <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N3">(3)</a> S’agissant de l’entrain américain pour le « <em>regime change</em> », il donne des frissons dans le dos à des dirigeants qui craignent d’être les prochains dans la liste des cibles américaines du changement de régime. La détermination du Nord-Coréen Kim Jong Un à développer des armes nucléaires et les moyens de les tirer sur les Etats-Unis est à coup sûr en partie le produit de telles craintes.</p>
<p><strong>Quatrièmement</strong>, l’Amérique et ses alliés portent de loin la plus grande partie de la responsabilité des tensions actuelles entre Occident et Russie. C’était trop prévisible déjà en 1998 quand l’OTAN conçut sa politique d’expansion orientale à marche forcée en direction de la frontière de Russie. George F. Kennan, le très respecté diplomate américain et expert de la Russie, prédit alors le résultat dans des termes particulièrement forts. Il l’appela « <em>le début d’une nouvelle guerre froide… une erreur tragique</em> ». Il avait prévu que bien sûr les Russes réagiraient mal, comme toute nation le ferait à leur place, et alors les partisans de l’expansion de l’OTAN diraient voyez, nous vous avons toujours dit que les Russes sont agressifs et pas dignes de confiance. «<em> C’est tout simplement mal </em>», avertit Kennan <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N4">(4)</a></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.George_Kennan_m.jpg" alt="George_Kennan.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Le concepteur initial de la stratégie américaine de la Guerre froide, commentant l’extension de l’OTAN en 1998</em></p>
<p align="center"><em>« Le début d’une nouvelle guerre froide (...) Une tragique erreur (...) C’était ma vie tout cela, et je souffre de voir tout gâché vers la fin »</em></p>
<p>Mais si l’expansion de l’OTAN fut une politique provocante qui devait susciter une réponse forte de la Russie, cette provocation fut grandement accrue lorsque l’Amérique contribua à une initiative de changement de régime en Ukraine, qui non seulement est à côté de la Russie mais a été une part cruciale de sa sphère d’influence depuis le milieu du 17ème siècle. De plus, la Russie est vulnérable à l’invasion. Les steppes herbeuses à perte de vue du pays, qui s’étendent de l’Europe jusqu’à l’Extrême-Orient, sans guère de chaîne de montagne ni de rivage ni de grande forêt pour gêner l’incursion d’une armée ou d’une horde, ont favorisé une obsession nationale de contrôler des territoires comme protection contre les empiétements. De telles incursions ont été lancées trois fois depuis l’ouest aux 19ème et 20ème siècles <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N5">(5)</a></p>
<p>L’Ukraine occupe une place cruciale dans ce sentiment russe d’un impératif territorial. C’est un pays tragiquement divisé, une partie penchant vers l’Occident et l’autre tournée vers l’est et la Russie. Ce qui fait une situation politique et géopolitique délicate, mais pendant des siècles c’est la Russie qui supervisait cette situation. Aujourd’hui l’Occident veut que tout cela change. Renverser un président ukrainien dûment élu – quoique corrompu – faisait partie du plan. Amener l’Ukraine dans l’OTAN est l’objectif final.</p>
<p>Remarquez que la révolution ukrainienne a eu lieu en 2014, qui suivant les mises en examen américaines se trouve précisément être l’année où la Russie a démarré son grand programme pour influencer les élections américaines de 2016. Kennan avait raison : la Russie ne manquerait pas de mal réagir à la politique d’encerclement de l’OTAN, et alors les responsables américains anti-russes présenteraient cette réaction comme une preuve que l’encerclement était depuis le début nécessaire. C’est précisément ce qui se passe maintenant.</p>
<p>Ce qui nous amène à la <strong>cinquième</strong> et dernière réalité fondamentale derrière la révélation du grand effort russe pour influencer l’élection américaine. C’était une faute stupéfiante. Vu tout ce qui s’est passé dans les relations américano-russes en ce siècle, il n’y avait probablement guère de perspective de normalisation, encore moins de relations cordiales. Mais c’est maintenant tout simplement impossible. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N6">(6)</a></p>
<p>Donald Trump a fait campagne avec un programme incluant de meilleures relations avec la Russie. Après son élection il a dit plusieurs fois dans sa première conférence de presse que ce serait « <em>positif </em>», « <em>bien </em>» ou « <em>super </em>» si « <em>on pouvait s’entendre avec la Russie</em> ». A la différence du plus gros des élites américaines, il annonça chercher une coopération avec la Russie sur les sujets mondiaux, accepta une partie de la responsabilité pour l’état dégradé des relations des deux pays et reconnut « <em>le droit de tous les pays à faire passer leurs intérêts en premier</em> ».</p>
<p>Cela fit miroiter un possible tournant majeur des relations américano-russes – fin du mouvement d’encerclement, restriction de la rhétorique hostile, retrait des sanctions économiques et sérieux efforts pour travailler avec la Russie sur des sujets aussi épineux que la Syrie et l’Ukraine. Tout cela fut en grande partie suspendu avec le récit d’une ingérence russe dans l’élection américaine et de vagues allégations de « <em>collusion </em>» avec la Russie pendant la campagne au profit des ambitions présidentielles de Trump.</p>
<p>Il ne semble guère probable que les enquêteurs découvrent quelque preuve de collusion au sens criminel du terme. Mais peu importe maintenant du point de vue des relations américano-russes, parce que ces mises en accusation <em>(NdT : celles des 13 Russes)</em> vont cimenter le sentiment anti-russe des Américains pour l’avenir prévisible. Aucune ouverture du genre qu’envisageait Trump ne sera envisageable pour aucun président avant longtemps. Le fait que tous les pays font cela, ou que l’Amérique en particulier l’a fait, ou que l’encerclement agressif de l’Occident a contribué aux actions russes, tout cela n’aura pas d’importance. L’hostilité américano-russe est fixée. Sur quoi elle débouchera, c’est impossible à prévoir, mais cela ne saurait être du bien. Et ce pourrait être tragique. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#N7">(7)</a></p>
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<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N1">1</a> – Il y a quelques doutes sur l’auteur de ce mot, attribué parfois à Fouché ou à Boulay de la Meurthe</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N2">2</a> – Steven Hall précisait encore «<em> Si vous demandez à un officier de renseignement si les Russes ont enfreint les règles ou fait quelque chose de bizarre, la réponse est non, pas du tout</em> ». Il faut reconnaître à ce professionnel une honnêteté rafraîchissante.</p>
<p>Peut-être plus discutable en revanche lorsqu’il continue en affirmant que mettre sur le même plan les ingérences russes et américaines « <em>c’est comme dire que les flics et les méchants sont identiques parce qu’ils ont tous des armes – la motivation, ça compte </em>». Cette comparaison est basée sur le présupposé <a href="https://en.wikiquote.org/wiki/American_benevolence#A" hreflang="en">résumé par Madeleine Albright</a> alors secrétaire d’Etat américain en 1993 « <em>Les Etats-Unis sont bons</em> » Idée que nul n’est obligé de prendre au pied de la lettre, à rappeler une autre saillie de la même comme quoi <a href="https://www.youtube.com/watch?v=omnskeu-puE" hreflang="en">la mort d’un demi-million d’enfants irakiens</a> du fait de l’embargo onusien forcé par les Etats-Unis « <em>ça valait le coup</em> » </p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N3">3</a> – « <em>Pire qu’un crime, une faute</em> » – ce jugement s’applique en effet au moins autant à la politique américaine constante dans ce domaine qu’aux tentatives russes lors des dernières élections américaines</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N4">4</a> – George Kennan est souvent considéré comme le diplomate qui <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/George_F._Kennan#Le_long_t%C3%A9l%C3%A9gramme" hreflang="fr">conçut en 1946 la politique américaine lors de la Guerre froide</a>. Disparu centenaire en 2005, il a eu le temps vers la fin de sa vie d’exprimer son désespoir devant la politique des Etats-Unis après la fin de la guerre froide. C’est en 1998 qu’<a href="http://www.nytimes.com/1998/05/02/opinion/foreign-affairs-now-a-word-from-x.html" hreflang="en">il commentait ainsi l’approbation par le Sénat américain de l’expansion de l’OTAN</a></p>
<blockquote><p>Je pense que c’est le début d’une nouvelle guerre froide. Je pense que les Russes réagiront de plus en plus négativement et cela affectera leurs politiques. Je pense que c’est une tragique erreur. Rien de tout cela n’était nécessaire. </p>
<p>(…) Ne comprennent-ils donc pas ? Pendant la guerre froide, nos différents étaient avec le régime communiste soviétique. Et maintenant nous tournons le dos aux gens même qui ont monté la plus grande révolution pacifique de l’histoire afin de faire disparaître ce régime soviétique.</p>
<p>(…) C’était ma vie tout cela, et je souffre de voir tout gâché vers la fin »</p>
</blockquote>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N5">5</a> – Par Napoléon Bonaparte, Guillaume II et Adolf Hitler</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N6">6</a> – Cette affirmation si appuyée ne peut que surprendre. Après tout, dans les années 1990 la décennie la plus sombre de la période post-soviétique, les médias américains ont pu aller jusqu’à vanter les efforts faits par des « conseillers » américains pour aider le politicien russe le plus favorable aux intérêts américains à gagner une élection. Il s’agissait de Boris Eltsine, réélu en 1996, et pas nécessairement pour ses qualités démocratiques, s’agissant d’un président qui trois ans plus tôt avait <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_constitutionnelle_russe" hreflang="fr">fait donné les chars contre le Parlement</a> qui lui était insuffisamment soumis… Mesuré à cette aune, pourquoi donc le « coup de main » russe, d’ailleurs un facteur de second voire de troisième ordre dans la victoire de Trump, devrait-il être si impardonnable ?</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Yanks_to_the_rescue_m.jpg" alt="Yanks_to_the_rescue.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>« Les Yankees à la rescousse »</em></p>
<p align="center"><em>Magazine américain de référence, vantant l’ingérence américaine dans l’élection présidentielle russe de 1996</em></p>
<p>Mais l’argument de l’auteur est différent. La question n’est pas celle de la justice, mais des <em>conséquences </em>des actes - ce qui doit intéresser au premier chef, en particulier les hommes d’Etat. Et il est nécessaire de tenir compte du fait que les élites dirigeantes américaines sont pour la plupart <ins>largement incapables de concevoir une réciprocité réelle s’agissant de relations avec l’étranger</ins>. L’article ici traduit démontre de manière éclatante que certains Américains en sont tout à fait capables à titre personnel, certes. Mais la classe politico-médiatique américaine en est collectivement incapable à un point presque comique - que l’on se rapporte encore à cet <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SpWai3kZ-gM&t=277" hreflang="en">entretien récent d’un ancien directeur de la CIA</a>, le maître espion après cinq minutes passées à discourir sur l’infamie russe affirmant tout uniment que sans doute les Etats-Unis se sont ingérés dans les élections d’autres pays mais <em>« c’était pour le bien du Système »</em>, que s’ils continuent à le faire aujourd’hui <em>« c’est toujours pour la bonne cause »</em>... et tous de rire grassement.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#" name="N7">7</a> - <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1h94bBaME-w" hreflang="en">Selon le parlementaire démocrate américain Jerry Nadler</a>, le trolling russe pro-Trump, pro-Sanders et pro-Stein – donc anti-Clinton – en 2016 est <em>« l’équivalent de Pearl Harbor »</em>, l’attaque surprise du 7 décembre 1941 qui jeta les Etats-Unis dans la seconde guerre mondiale et déboucha en définitive sur l’utilisation de l’arme atomique à Hiroshima.</p>
<blockquote><p>Nadler - Nous avons été attaqués (...) C’est une attaque très grave contre les Etats-Unis par une puissance étrangère hostile (...) Imaginez si Roosevelt avait nié que les Japonais avaient attaqué à Pearl Harbor et n’avait pas réagi ! C’est l’équivalent.</p>
<p>Journaliste - Non c’est different, ils n’ont tué personne.</p>
<p>Nadler - Ils n’ont tué personne, mais ils détruisent notre pays, notre processus démocratique (...) La gravité est très largement sur le même plan.</p>
</blockquote>
<p>Histrionisme intéressé ? Oui, sans doute. Mais réalité politique aussi. Est-il possible que la comparaison de Nadler, aussi absurde soit-elle, en vienne à force à devenir un sentiment largement partagé, probablement pas dans le peuple américain, mais au moins dans ses élites politico-médiatiques ?</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2018/02/20/Ing%C3%A9rence-russe-dans-l%E2%80%99%C3%A9lection-am%C3%A9ricaine-%E2%80%93-Pire-qu%E2%80%99un-crime%2C-une-faute#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/98