Le Noeud Gordien - Tag - DémocratieA l'heure de la Vague scélérate - Conjonction et synergie de toutes les crises en une déferlante globale2024-03-28T20:23:54+01:00urn:md5:2e1e50df2175f77cc507de58e6d51ff5DotclearRestaurer et préserver la démocratie en France - Macron ou Le Penurn:md5:858a32935ab0fa86794b22440c3b3e08Saturday 29 April 2017Saturday 29 April 2017Alexis TouletBilletsCrises politiques et internationalesDe GaulleDroitDémocratieLe PenMacronPolitiquePrésidentielle<p><em>Il faut préserver la démocratie, tel est le message d’Emmanuel Macron dans sa lutte contre Marine Le Pen, laquelle propose quant à elle de la restaurer.</em></p>
<p><em>Quoi que l’on pense des deux candidats à la présidentielle, la démocratie c’est-à-dire la capacité du peuple à prendre et valider les principales décisions qui le concernent est essentielle. Quel est donc aujourd’hui l’état de la démocratie en France ?</em></p>
<p><em>L’un des deux candidats est-il dangereux pour la démocratie ? Et si oui, lequel ?</em></p> <p>Le dictionnaire Larousse en ligne <a href="http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/d%C3%A9mocratie/23429" hreflang="fr">définit la démocratie</a> comme :</p>
<blockquote><p>"<em>Système politique, forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple</em>"</p>
</blockquote>
<p>La question est donc celle de la souveraineté, c’est-à-dire du pouvoir : qui décide en dernier ressort.</p>
<p>Dans une démocratie classique, c’est le peuple qui doit décider en dernier ressort, soit par l’intermédiaire des représentants qu’il a élus - les parlementaires qui décident de ses lois, le président et le gouvernement qui dirigent le pays - soit directement par référendum.</p>
<h4>Où en est la démocratie française - Sommes-nous encore en République ?</h4>
<p>Les institutions de la France ne sont en apparence pas moins démocratiques qu’il y a trente ou quarante ans. Mais au-delà de la description précise du fonctionnement des institutions, la réalité de la démocratie s’apprécie par un critère clair : <ins>le peuple a-t-il la possibilité <strong>effective</strong> de changer une politique qu’il rejette ?</ins></p>
<p>La possibilité existe toujours, mais de manière de plus en plus ténue. Elle est de moins en moins effective, du fait de plusieurs changements qui pris ensemble rendent beaucoup plus difficile de changer certaines politiques, et qui ont de fait largement vidé la démocratie française de sa substance.</p>
<p>1. C’est ainsi que le traité de l’Union européenne inclut <ins>l’obligation pour le parlement de transposer dans le droit français les directives européennes, lesquelles ne sont que les décisions d’un aréopage de hauts fonctionnaires internationaux non élus</ins>. Ces technocrates sont hors de tout contrôle démocratique autre qu’extrêmement indirect – par le biais des gouvernements des différents pays de l’UE, ce qui est de plus en contradiction absolue avec les principes de séparation des pouvoirs qui sont une caractéristique classique des démocraties depuis Montesquieu et le XVIIIème siècle.</p>
<p>Ce qui signifie qu’une bonne partie de nos lois est formée en dehors de toute démocratie, qu’elles ne représentent plus la volonté générale, et que le peuple n’est plus souverain. Ceci est en contradiction frontale avec les articles III et VI de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789 " hreflang="fr">Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789</a>, laquelle figure en exergue de notre Constitution.</p>
<blockquote><p><em>Article III - Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. <strong>Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément</strong></em></p>
<p><em>Article VI - <strong>La loi est l’expression de la volonté générale</strong>. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. (...)</em></p>
</blockquote>
<p>Cette déclaration n’est jamais que le point de départ et le socle le plus fondamental de la Révolution française...</p>
<p>2. Un deuxième facteur essentiel est <ins>la possibilité que laisse notre constitution de faire approuver une modification par l’Assemblée seulement</ins>, sans ratification par référendum – parmi tous les pays de l’UE, seule la constitution de l’Irlande dispose que le peuple doit ratifier toute modification de la constitution. C’est de cette manière que <ins>le refus de la constitution européenne en 2005 a pu être annulé par le parlement en 2008</ins> lorsqu’il a approuvé l’actuel traité européen - dit "de Lisbonne" - modifiant la constitution française par la même occasion afin de l’adapter aux exigences du traité.</p>
<p>C’est un cas rarissime, peut-être unique, où l’on pourrait taxer De Gaulle de naïveté : le Général commentait devant Alain Peyrefitte la disposition permettant de modifier la constitution avec la seule Assemblée en disant qu’elle n’était faite que pour les "<em>réformettes</em>" <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/29/Restaurer-et-pr%C3%A9server-la-d%C3%A9mocratie-en-France-Macron-ou-Le-Pen#N1">(1)</a> ... Il n’avait pas prévu que <ins>laisser ouverte cette possibilité permettrait à l’élite politique de faire passer des décisions importantes contre la volonté populaire explicite</ins> que ce soit pour le traité de Lisbonne, soit la "constitution" européenne à peine reformulée, ou bien sans aucune consultation populaire comme pour le traité d’Amsterdam en 1999. C’est qu’en affirmant que l’Assemblée ne devait se permettre de réformer la constitution toute seule que pour des petits ajustements à la marge, De Gaulle utilisait <ins>un argument de décence</ins>. Or un tel argument n’arrête pas forcément tout le monde...</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Presidentielle/.29_mai_2005_m.jpg" alt="29_mai_2005.png" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Annuler le vote du peuple serait indécent et scandaleux</em></p>
<p align="center"><em>Oui, mais... cela n’empêche rien !</em></p>
<p>Ce ne sont probablement pas les seules dérives tendant à neutraliser la démocratie, mais certainement les deux principales.</p>
<h4>Restaurer la démocratie - comment ?</h4>
<p><ins>Rien n’empêche de mettre fin à cet état de fait</ins>. Il suffit - mais c’est indispensable - d’élire un président de la République et une Assemblée qui reprennent à l’Union européenne le droit de décider des lois de la France à la place des Français et des députés qu’ils élisent, et qui changent la constitution en conséquence, après les divers triturages récents de notre constitution qui l’ont justement mise en conformité avec les exigences des divers traités européens - plutôt que faire l’inverse ne signer que des traités conformes à notre constitution, ce qui aurait permis de préserver notre démocratie.</p>
<p>C’est tout à fait faisable. La limitation pratique, c’est évidemment que <ins>cette possibilité ne se présente qu’une fois tous les cinq ans</ins>, car c’est seulement lors des élections du président et du parlement que s’ouvre la chance pour la France de redevenir pleinement une démocratie.</p>
<p>Voici les positions des candidats au second tour de la présidentielle sur le sujet de la démocratie :</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Presidentielle/Macron_-_Le_Pen_-_Democratie.png" alt="Macron_-_Le_Pen_-_Democratie.png" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Macron et Le Pen - des projets aux antipodes</em></p>
<p align="center"><em>Démocratie parlementaire renforcée par le référendum vs. Dictature technocratique se protégeant du peuple</em></p>
<p>On a parfaitement le droit de refuser de revenir en démocratie naturellement. On est en droit de préférer une dictature technocratique, ou si l’on a peur des mots une "démocratie dans les limites permises par l’UE"... de même que certains ont pu préférer ce qu’ils appelaient une "bonne dictature" <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/29/Restaurer-et-pr%C3%A9server-la-d%C3%A9mocratie-en-France-Macron-ou-Le-Pen#N2">(2)</a> Question d’opinion, et la liberté d’opinion est garantie. Ce choix nous est d’ailleurs proposé dans ce second tour puisque l’un des candidats défend l’Union européenne telle qu’elle est - à moins qu’il ne veuille aller plus loin dans la même direction, la chose n’est pas claire.</p>
<p>L’autre candidate veut rétablir la démocratie - souveraineté du Parlement français, non de hauts fonctionnaires non élus - et même la renforcer par le référendum d’initiative populaire, levier supplémentaire pour que le peuple participe aux décisions qui le concernent, garantie supplémentaire contre toute nouvelle tentative de confisquer à l’avenir la démocratie. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/29/Restaurer-et-pr%C3%A9server-la-d%C3%A9mocratie-en-France-Macron-ou-Le-Pen#N3">(3)</a></p>
<h4>Préserver la démocratie</h4>
<p>Si nous décidons collectivement de rétablir la démocratie dans notre République, c’est-à-dire de ramener au Parlement français la responsabilité de faire nos lois, nous aurons recouvert le pouvoir de décider en dernier ressort. Il s’agira alors de le défendre, et de préserver notre démocratie.</p>
<p>Il faut juste ne pas se tromper de combat. Voter Emmanuel Macron, c’est tout à fait judicieux si on veut que rien ne change en UE et surtout pas la confiscation de la démocratie. <strong>Voter Macron pour défendre la démocratie... ce serait un contresens absolu</strong>.</p>
<br />
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/29/Restaurer-et-pr%C3%A9server-la-d%C3%A9mocratie-en-France-Macron-ou-Le-Pen#" name="N1">1</a> - Citons le fondateur de la Vème République <em>in</em> "C’était De Gaulle" (Alain Peyrefitte, tome II, chapitre 11)</p>
<blockquote><p><em>"Pour une modification sérieuse de la Constitution, il faut le référendum ! Une réforme des institutions que le peuple tout entier a mises sur pied en 1958 ne peut être décidée que par le peuple ! (...) <strong>Le Congrès, c’est bon pour les réformettes !</strong></em></p>
<p><em>(...) <strong>Il faut donner aux Français l’habitude de se prononcer par eux-mêmes directement</strong>"</em></p>
</blockquote>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/29/Restaurer-et-pr%C3%A9server-la-d%C3%A9mocratie-en-France-Macron-ou-Le-Pen#" name="N2">2</a> - Remarquons toutefois qu’ils ont souvent fini par le regretter.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/29/Restaurer-et-pr%C3%A9server-la-d%C3%A9mocratie-en-France-Macron-ou-Le-Pen#" name="N3">3</a> - Outre la représentation proportionnelle à tous les étages, elle propose notamment une véritable révolution concernant le référendum :</p>
<blockquote><p> « La première réforme consiste à étendre le champ du référendum à l’ensemble du domaine de la loi sans aucune restriction, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui (modification de l’article 11) ».</p>
<p>« La deuxième réforme porte sur la création d’un véritable référendum d’initiative populaire, en remplacement du référendum d’initiative partagée actuelle dans la Constitution (lequel nécessite la signature d’un cinquième des parlementaires et d’un dixième du corps électoral, soit plus de 4 millions de signatures).</p>
<p> »L’objectif d’une telle mesure est de permettre le déclenchement automatique d’un référendum sur tout projet de loi ayant recueilli 500 000 signatures de citoyens inscrits sur les listes électorales, comme en Suisse. Désormais les Français pourront eux-mêmes déclencher les référendums.« </p>
<p> » La troisième réforme vise à confier l’exclusivité du pouvoir constituant au peuple. En d’autres termes, la Constitution ne pourra être modifiée par le Congrès réuni à Versailles, mais seulement par le peuple, par la voie du référendum (modification de l’article 89)."</p>
</blockquote>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/29/Restaurer-et-pr%C3%A9server-la-d%C3%A9mocratie-en-France-Macron-ou-Le-Pen#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/70Présidentielle - La Gouvernance contre le Peupleurn:md5:66d88e2a2745819889336b8b7801c98eThursday 27 April 2017Thursday 27 April 2017Alexis TouletTraductionsCrises politiques et internationalesDiana JohnstoneDémocratieMacronPolitiquePrésidentielle<p><em>Peu avant le premier tour de l’élection présidentielle, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Diana_Johnstone" hreflang="fr">Diana Johnstone</a>, universitaire et journaliste américaine, opposante active à la guerre du Viêt Nam puis critique déterminée de la politique militaire américaine dans les décennies qui suivirent, et depuis longtemps établie à Paris publiait une analyse percutante du phénomène Macron.</em></p>
<p><em>Ce </em>« <em>regard américain de gauche » sur le président d’En Marche éclaire grandement les enjeux de l’éventuelle accession au pouvoir d’Emmanuel Macron, et il prend encore plus de sens à l’approche du second tour et d’un choix qui promet d’être historique. Or, ce qu’il met à jour est plus qu’inquiétant...</em></p> <p>Mercredi 26 avril, Jacques Attali, l’un des mentors que suivit Emmanuel Macron lors de son ascension fulgurante, qualifiait le sort des centaines de licenciés du site de Whirpool à Amiens d’ "<em>anecdote</em>". A la surprise du journaliste qui l’interrogeait, <a href="http://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-attali-soutien-de-macron-choque-en-parlant-d-anecdote-au-sujet-de-whirlpool-26-04-2017-6891849.php" hreflang="fr">il répondait</a> :</p>
<blockquote><p>C’est en effet une anecdote dans un contexte plus large de création d’emplois, c’est une anecdote non pas au sens péjoratif du mot mais ça s’inscrit dans un contexte plus large</p>
</blockquote>
<p>Ce qui était <strong>ajouter à l’outrage le mensonge</strong>. Le chômage toutes catégories confondues, tel que mesuré on ne peut plus officiellement <a href="http://www.bdm.insee.fr/bdm2/affichageSeries?idbank=001572362&page=graphique&request_locale=fr" hreflang="fr">par l’INSEE</a> a augmenté continûment de 3,5 millions jusqu’à plus de 6,2 millions depuis 2008 c’est-à-dire pendant les deux derniers quinquennats - dont le dernier où l’influence du conseiller économique puis Ministre de l’Economie Emmanuel Macron put donner à plein - et n’est absolument pas en voie de résorption, contrairement à ce que prétendait Jacques Attali.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Presidentielle/.Chomage_-_Toutes_categories_-_Metropole_-_1996-2017_m.jpg" alt="Chomage_-_Toutes_categories_-_Metropole_-_1996-2017.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Demandeurs d’emploi inscrits en fin de mois à Pôle emploi - Ensemble des catégories - France métropolitaine</em></p>
<p align="center"><em>Continuer dans la même direction ?</em></p>
<p>Sans doute, le candidat avait le bon sens de ne pas laisser paraître le mépris exposé tout ingénument par le mentor. Il se retrouvait cependant sifflé et chahuté par les ouvriers du site Whirlpool de sa propre ville natale, dont beaucoup n’avaient pas attendu la sortie de Jacques Attali pour se faire une opinion sur son protégé, et sur la politique qu’il défendait.</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Presidentielle/.Macron_a_Whirlpool_m.jpg" alt="Macron_a_Whirlpool.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Emmanuel Macron à Whirlpool</em></p>
<p>Mais qui est Macron, justement ? Qui représente-t-il, et comment comprendre son ascension ?</p>
<p>Voici l’analyse de l’universitaire et journaliste Diana Johnstone, fine connaisseuse de la France.<br /></p>
<p><a href="http://www.counterpunch.org/2017/03/31/big-stakes-in-the-french-presidential-election-governance-versus-the-people/" hreflang="en">Original en anglais</a> - Diana Johnstone, 31 mars 2017 pour <em>Counterpunch</em></p>
<p><ins>Traduction en français</ins> - Par l’auteur, traduction déjà publiée par <em>Le Grand Soir</em></p>
<p><ins>Préambule, liens et notes</ins> - Alexis Toulet pour le Noeud Gordien, 27 avril 2017</p>
<p>Il ne faut pas trop rire de l’élection présidentielle française de 2017. Elle se présente de plus en plus comme la rencontre historique entre deux conceptions de la vie politique, totalement opposées. D’un côté, la gouvernance, c’est-à-dire la gestion de la société par une élite cooptée, sur le modèle des grandes entreprises. De l’autre côté, le système traditionnellement appelée « démocratie », c’est-à-dire le choix par le peuple de leurs dirigeants au moyen d’élections libres et équitables.</p>
<p>Souvent dans l’histoire, les événements politiques en France ont marqué les époques et clarifié les dichotomies, à commencer par la distinction, aujourd’hui sur le déclin, entre « gauche » et « droite ». Cette élection pourrait en être un.</p>
<h4>C’est quoi, la “gouvernance”?</h4>
<p>Il devient de plus en plus clair que l’élite dirigeante transatlantique a décidé depuis un bon moment que la démocratie représentative traditionnelle ne convient plus au monde globalisé basé sur la libre circulation du capital. Il faut passer au nouveau système, la « gouvernance », un terme emprunté au monde des affaires. Il s’agit de la bonne gestion de grandes entreprises, unies dans un seul but et dédiées au maximum d’efficacité. Cette origine se reconnaît dans certains aspects de la gouvernance politique : l’unanimité quant aux « valeurs » et objectifs ; l’utilisation de comités spécialisés pour traiter certaines questions délicates, un rôle attribué à la « société civile » et aux « organisations non-gouvernementales » ; l’utilisation de la psychologie et de la communication pour former l’opinion publique ; l’isolement des trublions ; et surtout la cooptation des dirigeants.</p>
<p>La vie politique en Occident correspond de plus en plus à cette description. Malgré l’alternance des partis au pouvoir, les politiques les plus fondamentales sont toujours les mêmes.</p>
<p>Aux Etats-Unis, le remplacement de la démocratie par la gouvernance est facilité par le système des deux partis. Les électeurs n’ont de choix qu’entre deux candidats, tous les deux sélectionnés et approuvés par les principaux actionnaires de l’entreprise nationale. Tout allait bien jusqu’au moment où la grande favorite de toute l’élite, Hillary Clinton, fut battue par un intrus, Donald Trump. La réaction hystérique sans précédent montre bien le refus de l’élite de céder le pouvoir à l’outsider, qui est toujours loin d’avoir pris tout le pouvoir. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#N1">(1)</a> Quoi qu’il arrive, l’accident Trump illustre le mécontentement grandissant de la part des populations soumises à une globalisation dite inévitable qui les laisse sans perspective.</p>
<p>Hillary Clinton elle-même affectionne le terme « gouvernance » pour qualifier ses objectifs, notamment dans ses relations avec Goldman Sachs et la « société civile ». Mais même Hillary n’était pourtant pas un produit aussi pur de la gouvernance que le candidat français Emmanuel Macron.</p>
<h4>La Gouvernance personnifiée</h4>
<p>Il suffit de regarder les couvertures des magazines pour saisir le rôle de Macron dans l’élection actuelle. Son joli minois accompagne une pléthore d’articles triviaux qui célèbrent le <em>Wunderkind</em> - l’enfant prodige - comme une vedette du show business. En janvier, la magazine <em>Foreign Policy</em> présentait Macron au public américain comme « le politicien français anglophone et germanophile que l’Europe attend ».</p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Presidentielle/.Emmanuel_Macron_m.jpg" alt="FRANCE-STX-MSC-SHIPYARD" title="FRANCE-STX-MSC-SHIPYARD" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p>Son parcours professionnel ne laisse aucun doute sur les raisons pour lesquelles les médias apprivoisés perçoivent dans cet Emmanuel-là le Messie de la croissance.</p>
<p>Né à Amiens il y a 39 ans, Emmanuel Macron a passé une grande partie de sa vie à l’école. Comme la plupart des dirigeants français, Macron a accumulé des diplômes prestigieux. Il a raté l’ENS mais a fait Sciences Po et l’ENA, et fut admis en 2004 à l’Inspection Générale des Finances. A l’IGF il s’est fait remarquer par un homme d’influence, Jean-Pierre Jouyet, qui l’a recommandé à Jacques Attali, le plus spectaculaire des gourous de haut niveau, qui, depuis 35 ans, régale les dirigeants de ses visions futuristes (Jérusalem en tant que future capitale du monde, par exemple). En 2007, Attali a coopté Macron dans sa prestigieuse <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_pour_la_lib%C3%A9ration_de_la_croissance_fran%C3%A7aise" hreflang="fr">« Commission pour la libération de la Croissance »</a>, chargée par le Président de la République de formuler des recommandations afin de relancer la croissance économique en France.</p>
<p>L’objectif principal de ce cénacle de grands patrons était d’ « instaurer une nouvelle gouvernance au service de la croissance ».</p>
<p>Inutile de souligner que les 40 membres de la commission représentaient les intérêts du grand capital, et pas seulement le capital français. Parmi les voisins invités à formuler la liste de 316 propositions pour remodeler la France se trouvaient la Deutsche Bank et Nestlé. Tout ce beau monde légua au jeune Macron un carnet d’adresses bien rempli.</p>
<p>En 2008, sur recommandation d’Attali, Macron est passé à la Banque Rothschild, où il est rapidement devenu millionnaire, grâce à sa commission sur un achat par Nestle qui valait neuf milliards de dollars.</p>
<p>Comment expliquer une ascension digne d’un roman de Balzac ? Il était « impressionnant » se souvient Attali. Emmanuel « était très habile, extrêmement apprécié de tous les membres de la commission. Il n’a antagonisé personne et s’est créé des relations personnelles, et pour un gamin de cet âge, arriver immédiatement à être visible par 40 personnes puissantes, influentes et qui jugent, c’est un accélérateur de carrière extraordinaire. »</p>
<p>Voilà le mot clé de l’ascension sociale : les « relations ».</p>
<p>Alain Minc, un autre bon connaisseur des réseaux du pouvoir, commente la réussite de Macron en expliquant qu’un banquier d’affaires doit être intelligent, souple, rapide et charmant – qualités nécessaires pour <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VF_ZUIXY7o8" hreflang="fr">« un métier de pute »</a>.</p>
<p>Macron exprime sa sagesse en petites phrases.</p>
<blockquote><p>« Il faut des jeunes qui aient envie de devenir milliardaires. »</p>
</blockquote>
<p>Ou bien :</p>
<blockquote><p>« On se fout des programmes! Ce qui compte c’est la vision! »</p>
</blockquote>
<p>Il est clair qu’il possède une vision parfaite des sommets.</p>
<h4>Comment former les gouverneurs de la gouvernance</h4>
<p>Le chemin vers le sommet est balisé de contacts. L’élite de la gouvernance se reproduit par la cooptation. Ils se reconnaissent, ils se sentent, ils s’entendent.</p>
<p>Aujourd’hui, en réaction à une telle observation, la police de la pensée risque de crier au complotisme. Mais il n’y a ni complot ni conspiration car il n’y en a pas besoin. Ceux qui pensent de la même manière s’accordent sans problème. On n’a pas besoin de consigne.</p>
<p>Par ailleurs, les sentinelles de la pensée qui crient « conspi » dans ces cas semblent croire que ceux qui possèdent un immense pouvoir, surtout un pouvoir financier, ne l’utiliseaient pas. « Que le peuple décide ! » penseraient-ils généreusement. A la manière de George Soros, par exemple.</p>
<p>En réalité, ceux qui possèdent beaucoup de pouvoir non seulement l’utilisent, mais ils sont convaincus qu’il doivent l’utiliser, pour le bonheur de l’humanité, pour le bien général. De leur position supérieure, ils ne doutent pas qu’ils savent ce qu’il faut faire, alors pourquoi permettre aux masses ignorantes de causer un gâchis? C’est dans cet esprit qu’il y a quarante ans, David Rockefeller a fondé la Commission Trilatérale, pour remédier à un « excès de démocratie » qui amènerait les classes travailleuses à formuler trop de revendications. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#N2">(2)</a></p>
<p>L’idéologie de nos jours fait en sorte que les masses se divertissent en se querellant sur les questions d’identité, sur quel groupe est plus victime que les autres, sur combien de genres faut-il reconnaître, et qui faut-il « haïr » pour lutter contre le crime de « haine ».</p>
<p>Pendant ce temps, les membres de l’élite délibèrent entre eux et décident.</p>
<p>Grâce à Jouyet, en 2007 Macron fut coopté par le club des Gracques, qui se consacre à la propagation des « valeurs » basées sur l’idée que l’Etat social keynésien est dépassé par la globalisation et la construction de l’Europe.</p>
<p>En 2011, Macron fut coopté par le Club de la Rotonde, qui conseilla au Président Hollande d’infliger à la France un “choc de compétitivité” – c’est-à-dire de favoriser l’investissement en réduisant les dépenses publiques et les coûts du travail.</p>
<p>En 2012, Macron fut accueilli par la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/French-American_Foundation" hreflang="fr">French-American Foundation</a>, qui se vante de sélectionner les « jeunes leaders » de l’avenir.</p>
<p>En 2014, l’arriviste est arrivé. Le 31 mai et le 1er juin de cette année, Macron assistait à la réunion annuelle de Bilderberg, tenue à Copenhague. Cet aréopage de sommités fut fondé en 1954 par le Prince Bernhard des Pays-Bas. Pas un mot n’en sort pour informer le public du consensus qui peut s’y réaliser. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#N3">(3)</a></p>
<h4>Et le programme? </h4>
<p>Abondamment vu et approuvé, Macron passa du rôle de conseiller du Président Hollande à Ministre de l’Economie, des Finances et du Numérique dans le gouvernement de Manuel Valls, où il se pressa de faire adopter l’agenda de la Commission Attali, sous prétexte de promouvoir la croissance et, bien sûr, de « créer des emplois ». On compte parmi ses exploits la vente du secteur d’énergie d’Alstom à General Electric <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#N4">(4)</a> contre le refus de son prédécesseur Arnaud Montebourg.</p>
<p>Au gouvernement, Macron a réussi à faire adopter les mesures les plus impopulaires de la Présidence Hollande, ce qui n’est pas peu dire. Sa « Loi pour la Croissance », dite Loi Macron, allait dans le sens des directives de Bruxelles exigeant de nombreuses dérégulations de l’économie, mais n’a pas pu obtenir une majorité au parlement. Elle a dû être adoptée en recourant à l’Article 49.3 de la Constitution qui permet au Premier Ministre d’adopter une loi sans vote du parlement. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#N5">(5)</a></p>
<p>Sa réussite suivante, la « réforme » (ou démantèlement) de la Loi Travail, portait le nom de la jeune Ministre du Travail, Myriam El Khomri, qui donnait un joli visage et une appellation évoquant la « diversité » à une législation qui a suscité des semaines de protestations, divisé le Parti Socialiste et qui obligea Valls à utiliser encore une fois l’Article 49.3.</p>
<p>A la suite de cela, l’histoire passa à l’humour noir. Le passage « à feu et à sang » de Macron à travers le gouvernement Hollande/Valls a laissé le Parti Socialiste divisé et démoralisé. Suite à quoi, Macron quitte le champ de ruines politiques pour se présenter comme l’alternatif, l’héroïque champion « de l’avenir », « ni droite ni gauche », dans son nouveau mouvement vigoureusement appelé En Marche. Il condamne ce qu’a fait le gouvernement socialiste dans la perspective de faire la même chose, mais plus intensément et sous une autre étiquette.</p>
<p>En ce moment, Macron arrive en tête des sondages avec Marine Le Pen pour le premier tour. Les grands médias font ce qu’ils peuvent pour que le charme du banquier suffise pour gagner l’élection à la Présidence de la République.</p>
<h4>Les Médias et le Peuple</h4>
<p>Malgré l’influence croissante d’Internet, la grande majorité de la population compte toujours sur la télévision et la presse pour s’informer. Dans cette élection, assez déroutante pour les gens peu politisés, les médias ont atteint un record de partialité. Echaudés par la catastrophe Trump, les gardiens médiatiques de la bonne pensée en France singent leurs collègues américains en cherchant des boucs émissaires à blâmer pour les déconvenues de la gouvernance globale. Cela doit être la faute des Russes ! Ou des « fake news » prodiguées par les sites qui ne suivent pas la ligne du journal <em>Le Monde</em>.</p>
<p>Parmi les onze candidats, les gardiens médiatiques de la bonne pensée s’émerveillent du jeune génie Macron, traitent ses rivaux principaux en délinquants, jettent quelques os aux petits candidats anodins, et ignorent les autres. Soutenu par les grands médias, <ins>Macron est le candidat de la gouvernance autoritaire, contre tout ce qui reste de la démocratie française</ins>.</p>
<br />
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#" name="N1">1</a> - C’est bien plutôt le contraire exact qui est confirmé de semaine en semaine depuis l’investiture de Donald Trump</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#" name="N2">2</a> - Qu’on en juge sur pièces, <a href="https://archive.org/stream/TheCrisisOfDemocracy-TrilateralCommission-1975/crisis_of_democracy_djvu.txt" hreflang="en">dans le texte même du rapport de la Commission Trilatérale en 1975</a> (en anglais)</p>
<blockquote><p>Certains des problèmes de gouvernance dans les Etats-Unis résultent aujourd’hui d’un excès de démocratie (...) Une plus grande modération de la démocratie est au contraire nécessaire.</p>
</blockquote>
<p>Comme le remarque à raison Diana Johnstone, il n’y aucune conspiration - parce que <ins>rien n’est dissimulé</ins>.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#" name="N3">3</a> - C’est certes le droit le plus strict des puissants de ce monde - des mondes politique, économique, médiatique, etc. - que de se réunir pour discuter de leurs intérêts communs. Le point remarquable étant la <ins>discrétion absolue</ins> sur le contenu comme les conclusions des échanges. Sans doute un effort pour parer tout "excès de démocratie"...</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#" name="N4">4</a> - Une opération tout-à-fait positive du point de vue des intérêts des Etats-Unis naturellement. Le problème étant qu’Emmanuel Macron était bien censé être ministre <em>français</em> de l’Economie, et non américain...</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#" name="N5">5</a> - Emmanuel Macron a d’ailleurs déclaré ouvertement qu’en cas d’élection il utiliserait à plein cette méthode, dès le début de son mandat. La dérégulation n’attend pas.</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2017/04/27/Pr%C3%A9sidentielle-La-Gouvernance-contre-le-Peuple#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/69Débat – Décroissance, est-ce pour de bonurn:md5:ef80b60e62e5d78beb2dffd27592ec4cThursday 26 November 2015Thursday 26 November 2015Alexis TouletEntretiensAgricultureClimatCrise des ressourcesCrise environnementaleCrise économique et financièreCrises politiques et internationalesCroissanceDémocratieEnergieEnvironnementNucléairePic énergies fossilesUnion EuropéenneVague scélérate<p><em>La décroissance, qu’y a-t-il derrière ce thème de plus en plus d’actualité ? Entre limitation des ressources, réchauffement climatique et transition énergétique, où en sommes-nous exactement, et surtout où allons-nous ?</em></p>
<p><em>Quatre personnages, un Agronome, un Financier, un Ingénieur et un Marin en ont débattu le 27 octobre dernier, ajoutant et confrontant leurs savoirs et leurs points de vue.</em></p>
<p><em>Débat animé, débat large aussi car à soulever ce sujet on est amené à en évoquer d’autres, les risques actuels et futurs et jusqu’aux tensions et aux transformations politiques imaginables…</em></p> <br />
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/public/Debat___Decroissance__est-ce_pour_de_bon.pdf">Téléchargez ici la version PDF de ce débat</a></p>
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<h4>Pour aller directement à une sous-partie du débat</h4>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#T1">La décroissance, que peut-on en penser ?</a>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#T2">Population souhaitable – Sommes-nous trop nombreux ?</a>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#T3">Education, un gâchis croissant et un handicap pour l’avenir ?</a>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#T4">Peut-on produire moins de choses, et cependant avoir de la croissance ?</a>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#T5">Transition énergétique, sommes-nous sur la bonne voie ?</a>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#T6">Quelle instance pour décider – l’Europe est-elle en train de se re-nationaliser ?</a>
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<p><ins>Le Financier</ins></p>
<p>Nous sommes réunis pour discuter autour de la « décroissance », un mot qui est utilisé d’une manière pas toujours très claire.</p>
<p>
J’entends d’une part dire que la décroissance, c’est-à-dire la diminution de la taille de l’économie et du total des biens et services produits chaque année, va nous être imposée parce que nous allons manquer de ressources, par exemple d’énergie ou d’autre chose.
</p>
<p>Selon d’autres, le problème est plutôt que la croissance économique est très nocive pour l’environnement, par exemple du fait du réchauffement, donc la décroissance est plutôt quelque chose qui serait souhaitable, c’est un choix que nous avons intérêt à faire pour ne pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis et causer des dégâts très graves voire irréversibles. Ce courant d’idées regroupe des choses extrêmement diverses, entre notions de développement durable très à la mode, et groupuscules plus ou moins radicaux et plus ou moins « purs ».
</p>
<p>Qu’est-ce que vous en pensez ?</p>
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<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="T1">La décroissance, que peut-on en penser ?</a></h4>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>Parmi toutes les ressources utilisées par l’économie, seule l’énergie est vraiment critique. En effet, l’essentiel des matières premières – les métaux par exemple – peuvent être recyclés, à condition d’avoir de l’énergie fiable et peu coûteuse pour le faire. On arrive bien à séparer des isotopes d’uranium, alors trier du fer, du cuivre et même des métaux rares ne pose pas de problème absolu, même s’il faut souligner que la recherche française est, sous les effets conjugués du manque de crédit et d’un excès de bureaucratie, encore une fois en retard dans ce domaine.</p>
<p>
L’autre solution, ou l’autre composante de la solution, est <a href="http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2185" hreflang="fr">d’exploiter de nouveaux gisements moins rentables</a> <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#01">(1)</a>, pour peu encore une fois que l’on ait l’énergie nécessaire. Le pétrole fait exception bien sûr, mais c’est précisément une source d’énergie, et quant à ses autres usages par exemple le plastique des solutions de synthèse existent – avec un coût énergétique naturellement.</p>
<p>
Du point de vue de l’environnement nous avons un double problème, d’une part un changement climatique – provoqué par les rejets de CO2 d’après le consensus scientifique – et d’autre part des pollutions affectant la santé et les écosystèmes : oxydes d’azote et de soufre, métaux lourds, particules, etc. C’est parce que nous utilisons essentiellement de l’énergie fossile pétrole charbon et gaz – <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ressources_et_consommation_%C3%A9nerg%C3%A9tiques_mondiales#Production_annuelle_.C3.A9nerg.C3.A9tique_mondiale" hreflang="fr">à plus de 85%</a> – que nous avons ces problèmes. Il nous suffit de changer de source d’énergie pour résoudre le problème, et c’est possible.</p>
<p>
Dans l’ensemble, tranchons le mot : ce thème de « décroissance » est une fumisterie.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
L’énergie est le facteur critique, tout à fait d’accord. Et oui, il est possible de passer à des énergies meilleures que les fossiles. Cependant, il ne faut pas négliger deux questions majeures.</p>
<p>
D’une part, il existe un problème d’échelle du changement nécessaire, et de sa rapidité – d’autant qu’il s’agirait d’augmenter la production d’énergie, non simplement de remplacer l’existant, étant donné que l’extraction des matières premières coûtera plus cher en énergie à l’avenir, par exploitation de gisements plus difficiles et / ou développement du recyclage.</p>
<p>
C’est un problème majeur, qui ne remet certes pas en cause la faisabilité technique d’une transition énergétique au final, mais la possibilité de la réaliser dans les temps.</p>
<p>
Même si la décroissance n’est certes pas souhaitable en elle-même – que l’on songe à la pauvreté si répandue dans tant de pays, même si elle est évitable dans le principe ou « à terme », les circonstances, notre imprévoyance, nos retards et nos longues négligences pourraient rendre inévitable une décroissance forcée, éventuellement assez longue, avant un probable rebond ultérieur – mais pas nécessairement avant la génération suivante.</p>
<p>
D’autre part, n’oublions pas le problème de la pollution ! Elle est multiforme <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#02">(2)</a>, ne se limite pas au seul réchauffement climatique même si c’est ce dont on parle le plus, et a besoin d’être corrigée indépendamment de la question énergétique. Et nous n’en prenons pas le chemin. <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#03">(3)</a></p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
La transition nous libérant des énergies fossiles est possible. Le problème est que nos politiques, sous l’influence des ONG, ont fait fausse route. Les nouveaux renouvelables, éolien et solaire essentiellement, n’apportent pas de solution à la hauteur des enjeux, quantitativement et qualitativement, ils sont plus chers à la production et doivent forcément être couplés à des systèmes de transport longue distance – invalidant au passage le mythe d’une production d’énergie localisée et autonome – et de stockage de l’énergie pour gérer la fluence – nuit, absence de vent. Même si le différentiel de coût brut peut paraitre acceptable, le rendement des systèmes de stockage – 50% pour les STEP <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#04">(4)</a>, 30% pour la filière hydrogène – démultiplie ce différentiel. De nombreux scénarios, comme celui présenté récemment par l’ADEME, misent sur des systèmes de stockage d’énergie miraculeux qu’ils se gardent bien de définir. Il n’existe rien dans les cartons qui tienne la route.
</p>
<p>Le nucléaire de quatrième génération est en revanche une solution crédible dans la mesure où elle a été testée et approuvée. Mais là encore nous payons le prix des erreurs passées. Les réacteurs nucléaires actuellement en service sont tous de très mauvaises technologies, les déboires de l’EPR ne font que démontrer en pratique ce que la théorie sait depuis les années 1950. Les physiciens n’ont jamais pu concevoir le vrai réacteur nucléaire. Nos réacteurs à combustible solide, neutrons modérés et refroidis à l’eau ne libèrent que 3% de l’énergie contenue dans l’uranium.
</p>
<p>Pour faire une métaphore biologique ils sont anaérobiques. Qu’est ce qui se passe quand un organisme fonctionne de cette manière ? Il gaspille l’énergie de son combustible et accumule des déchets (acides lactiques, alcool). Ce dont nous avons besoin ce sont des réacteurs aérobiques, permettant de tirer la totalité de l’énergie du combustible ainsi que d’utiliser le thorium. Plusieurs concepts de N4G ont été testés et ont fonctionné. En France, on a connu le surrégénérateur Superphénix dans les années 1990, fermé sous la pression des écologistes dès qu’il a osé fonctionner sans panne.
</p>
<p>Mais le concept le plus intéressant est celui des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9acteur_nucl%C3%A9aire_%C3%A0_sels_fondus" hreflang="fr">réacteurs à sels fondus</a>. Dans ces réacteurs le combustible est liquide et la température plus élevée, ce qui rend plus facile de limiter la réaction que dans les modèles de réacteur actuels, ils n’ont pas besoin de système de refroidissement et même en cas de rupture de la cuve les émissions radioactives sont limitées. Ils sont équipés d’un système de retraitement en continu, les déchets – gazeux et solides – sont extraits et sécurisés en continu. Les déchets produits ont une demi-vie <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#05">(5)</a> de quelques décennies, plutôt que des milliers d’années avec les réacteurs actuels. En termes de ressource le stock d’uranium 238 et de plutonium accumulé en France suffirait à couvrir nos besoins pendant plusieurs milliers d’années. Une tonne de combustible suffit pour alimenter une tranche de centrale pendant un an.
</p>
<p>En réalité, c’est l’excès des fossiles qui pose problème <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#06">(6)</a>. Voyez la production de schistes aux Etats-Unis qui « tient » au prix du pétrole actuel de 45$ le baril, qui était supposé être trop bas vu le coût de production, c’est surprenant.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Attention, c’est en partie au moins un effet « bancaire » et une manipulation financière. C’est-à-dire que les banques américaines soutiennent les producteurs de schiste et continuent à leur prêter les fonds nécessaires malgré leurs pertes. Probablement une politique décidée au plus haut niveau. Il est vrai que lorsqu’on a la Fed la banque centrale américaine qui imprime de l’argent à tour de bras et maintient les taux d’intérêt presque à zéro, tout ça reposant sur le dollar américain la monnaie principale à l’échelle du monde, on peut se permettre un certain nombre de choses…
</p>
<p>Mais ça ne change pas le fait que les schistes ne sont pas rentables aux prix actuels, et les manipulations financières ça ne peut pas durer éternellement.
</p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Au sujet de la pollution : les lois environnementales, ça marche ! On pollue beaucoup moins en Europe aujourd’hui qu’autrefois. L’environnement, c’est quelque chose qu’on achète quand on est suffisamment riche pour cela. En attendant, pour beaucoup de pays plus pauvres c’est la fameuse pyramide des besoins de Maslow qui commande : on veut d’abord l’essentiel se nourrir se loger etc. et le luxe qu’est un environnement en bon état passe après. Il faut être riche pour « acheter » de l’écologie.
</p>
<p>Un problème plus sérieux, c’est l’artificialisation des milieux. Une étude publiée récemment dans Nature a bien montré que le déclin des polinisateurs n’est pas lié à l’agriculture – les espèces qui s’y alimentent ne sont pas affectées – mais à l’artificialisation de l’espace <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#07">(7)</a>. Même phénomène observé chez l’abeille, la mortalité prématurée triple dans les espaces urbanisés <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#08">(8)</a>. On remplace des milieux naturels par du construit, de l’asphalte et des vertes pelouses sans vie. Ça ne sert à rien d’interdire ceci ou cela si l’environnement naturel est drastiquement réduit.
</p>
<p>Il est nécessaire de préserver des milieux naturels fonctionnels pour protéger notre système de production. Le Japon au début de l’ère Edo – Shogunat Tokugawa du 17ème au 19ème siècle – était presque rasé à blanc. Une de leurs premières mesures fut d’instaurer une gestion raisonnée et stricte des forêts. Chaque classe sociale avait un quota de bois pour construire son logement. Aujourd’hui le Japon est recouvert de forêts, comme la plupart des pays riches. Leurs terres arables ne sont pas emportées vers la mer comme au Brésil ou à Haïti.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Les <a href="http://www.livescience.com/27692-deforestation.html" hreflang="fr">forêts tropicales</a> <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#09">(9)</a>, surtout les forêts primaires c’est-à-dire des réservoirs d’espèces uniques et de biodiversité, sont en train d’être détruites en effet : Indonésie, Madagascar, ailleurs encore… on peut multiplier les exemples, malheureusement.</p>
<br />
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<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="T2">Population souhaitable – Sommes-nous trop nombreux ?</a></h4>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Mais il faut parler de population. Et je soutiens que nous sommes trop nombreux. Même en Europe ! En France, on devrait être 40 millions.</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
L’idée me surprend. La France est relativement peu peuplée à l’échelle européenne, même à 66 millions d’habitants – voir la densité de population comparée à celle de nos voisins. Notre agriculture est beaucoup, beaucoup plus qu’autosuffisante, et elle devrait le rester même après passage à une agriculture durable <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#10">(10)</a> – qui nous sera de toute façon imposé à terme vu l’épuisement des intrants comme les engrais et les dangers que posent certains traitements des sols. Donc il n’y a pas de problème de population trop importante, enfin du moins pas en France.
</p>
<p><ins>Le Marin</ins></p>
<p>
N’est-ce pas la population, la richesse humaine qui permet de soutenir le système technique qui permettra au final de continuer à vivre de manière moderne, pas comme au 18ème siècle, et même sans les énergies fossiles ? On deviendra davantage dépendant de la technique, non moins. Et pour qu’un pays génère un nombre suffisant d’ingénieurs, de scientifiques, de techniciens, d’ouvriers qualifiés pour avoir des filières autonomes dans les domaines essentiels, donc une véritable indépendance, il faut forcément une certaine population.
</p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Il existe sans doute un optimum de la population vis-à-vis du territoire. Mais pourquoi est-ce qu’être plus nombreux serait forcément un bien ? A partir d’une certaine densité de population on « paye » pour nourrir le surplus et on dilue les emplois liés aux ressources naturelles renouvelables – bois, pêche, agriculture. Plus on est nombreux, plus il faut un système économique porté sur la croissance pour occuper tout le monde.
</p>
<p>Nous vivons encore sur cette idée, sans doute encore influencés par la pensée guerrière expansionniste, et pourtant le système le plus durable, est-ce que ce n’est pas une agriculture la plus proche possible de la nature, sans adjuvants artificiels ? Et dans ce cas le niveau souhaitable de la population se déduit directement du territoire. Je pense que le passage à une nourriture vraiment durable nécessiterait une diminution de la population.
</p>
<p>Ce débat n’est pas facilité par la diffusion de chiffres fantaisistes sur la productivité de l’AB. On entend 10% de rendement en moins, mais sur le terrain c’est plutôt 30 à 50% de moins sur les cultures les plus critiques : céréales, oléagineux et protéagineux. Et encore, je ne parle que de rendement d’une culture, si on prend en compte la production lissée sur plusieurs années c’est encore plus faible en raison des ratés et des « jachères ».</p>
<p>Une France « AB » modernisée nourrirait 40 millions de personnes sans trop de risque, mais sûrement pas 80. Aujourd’hui la France nourrit sa population et quasiment 50 millions d’importateurs essentiellement en Afrique du Nord et Moyen Orient. Difficile de basculer massivement en AB ou vers une forme raisonnée plus stricte sans mettre nos clients étrangers en difficulté.</p>
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<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="T3">Education, un gâchis croissant et un handicap pour l’avenir ?</a></h4>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>Pour soutenir le système technique – et à vrai dire faire progresser encore et aller plus loin pour permettre la transition énergétique et la lutte contre la pollution – ne surtout pas oublier le système éducatif, qui est l’élément le plus crucial.</p>
<p>
Le problème le plus grave de la France, celui qui l’affaiblit le plus et à plus long terme, tout en étant sournois car on ne voit pas les choses clairement, c’est sans doute l’affaiblissement de son système éducatif. Les comparaisons internationales montrent que nous ne cessons de décliner, non seulement en relatif mais même dans l’absolu. Hier nettement au-dessus de la moyenne de l’OCDE, nous sommes aujourd’hui <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/12/03/01016-20131203ARTFIG00338-niveau-scolaire-la-france-perd-deux-places-au-classement-mondial.php" hreflang="fr">de plus en plus à la traîne, avec des résultats décevants notamment en maths et en sciences</a>. Ceci, au moment où la compétition économique entre nations se fait de plus en plus sur ce critère. Au moment où nous aurons davantage qu’avant besoin d’aller de l’avant techniquement, afin ne serait-ce que ne pas régresser en niveau de vie !</p>
<p>
Mon impression personnelle est que la réforme Jospin de l’éducation à la fin des années 90 a été un tournant et un point d’inflexion négatif – création des IUFM et surtout accent sur le pédagogisme au détriment de l’acquisition des connaissances.
</p>
<p><ins>Le Marin</ins></p>
<p>
Plus généralement, c’est depuis une quarantaine d’années une lente mais régulière dégringolade. Le niveau d’exigence baisse, les connaissances transmises aussi.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Voilà une question qui justifierait un débat entier à elle seule !
</p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Autant notre société est très rationnelle pour optimiser son système productif, autant elle est totalement incapable d’améliorer son système éducatif. On touche à une limite du capitalisme.</p>
<br />
<br />
<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="T4">Peut-on produire moins de choses, et cependant avoir de la croissance ?</a></h4>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Une question pour toi l’ingénieur, tu crains la décroissance forcée. Mais voici un cas réel et vécu : je suis en train de préparer la fabrication d’un produit qui devrait se vendre à deux fois moins d’exemplaires que celui qu’il remplace, mais quatre fois plus cher. S’il sera plus cher, c’est que le service qu’il rend est quatre fois plus intéressant dans l’ensemble que son prédécesseur. Voilà un exemple concret d’une consommation énergétique et d’autres ressources qui baisse, alors que la production augmente en valeur, même si pas en volume.</p>
<p>
Alors, est-ce de la décroissance à tes yeux ? De mon point de vue, non.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Je suis d’accord, il s’agit bien de croissance. Il y a utilité plus grande de la production réalisée avec le nouveau produit, manifestée par le prix plus élevé accepté par les acheteurs, donc l’utilité globale de la production est deux fois plus élevée au total – deux fois moins de choses mais chacune quatre fois plus utiles.</p>
<p>
Et en théorie il est possible d’élever rapidement de cette manière la production réalisée en partant d’une base matérielle – énergie, etc. – identique voire en diminution : on s’arrange pour être plus efficace, plus économe, etc. De fait, on trouvera des exemples concrets ponctuels comme celui dont tu témoignes.</p>
<p>
Mais à l’échelle du monde, ce ne sont que des exceptions. La tendance globale de long terme, par exemple entre 1980 et 2010, c’est plutôt une augmentation de 0,8% par an de la productivité énergétique de l’économie mondiale. C’est-à-dire : en moyenne ce que l’économie mondiale produit avec la même quantité d’énergie augmente de seulement 0,8% par an en moyenne de long terme. Et encore, la <a href="http://ourfiniteworld.com/2011/11/15/is-it-really-possible-to-decouple-gdp-growth-from-energy-growth/" hreflang="en">productivité énergétique semble bien avoir cessé d’augmenter depuis environ l’an 2000 !</a></p>
<p><img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Production_mondiale_et_energie_consommee_m.jpg" alt="Production_mondiale_et_energie_consommee.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p align="center"><em>Production mondiale et énergie consommée</em></p>
<p>
Sur cette période, l’économie mondiale a cru en moyenne de 2,8% par an… eh bien l’essentiel de cette croissance dépendait d’une croissance de 2% par an de l’énergie consommée, en moyenne de long terme, seulement 0,8% était le résultat de la capacité de produire davantage de choses avec la même énergie. Si l’énergie consommée cesse d’augmenter, voire si elle régresse – et il le faudrait pour limiter la vitesse du réchauffement climatique, et de toute façon ça nous sera imposé tôt ou tard par l’épuisement des ressources fossiles – alors l’économie mondiale ne s’arrêtera-t-elle pas de croître ? Ne commencera-t-elle pas à régresser ?</p>
<p><ins>Le Marin</ins></p>
<p>
L’ancien roi des Saoud – celui qui aimait le whisky – disait que « l’âge de pierre ne s’est pas arrêté faute de cailloux » ! Il s’est arrêté quand nous avons trouvé mieux à faire que de tailler des pierres. De même, nous passerons à un âge différent, plus avancé, post-fossiles, non parce que les fossiles auront disparu mais parce que nous aurons une meilleure source d’énergie à utiliser.
</p>
<p>Toutefois la « croissance » de ces 30 dernières années ne s’est pas traduite par une amélioration du niveau de vie aussi flagrante que ça. En France, nous sommes censés être plus d’une fois et demie plus riche par personne qu’en 1980, j’ai du mal à y croire.</p>
<br />
<br />
<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="T5">Transition énergétique, sommes-nous sur la bonne voie ?</a></h4>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Là-dessus, notre stratégie est mauvaise. Nous, les Français ou plus généralement les Européens. Des investissements et des subventions pour le solaire ou l’éolien <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#11">(11)</a>, voilà notre stratégie pour la transition énergétique, alors que c’est une impasse. En Chine, ils investissent sérieusement pour industrialiser le nucléaire de quatrième génération.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Même en Inde je crois ils ont des projets, autour de l’utilisation du thorium <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#12">(12)</a>.
</p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Il y a encore des gens qui travaillent sur des réacteurs petits ou moyens, genre 200 ou 300 MW plutôt que 1 000 ou 1 500 pour les réacteurs actuels. Ils seront plus adaptables aux besoins et plus rapides à construire.</p>
<p>
Pendant ce temps, chez nous, on a choisi les « nouveaux renouvelables » ! Leur potentiel est fortement surestimé, à coup sûr celui de l’éolien dont le coût est prohibitif et n’a pas de raison de baisser beaucoup. Sans compter que le problème de l’intermittence est loin d’être résolu.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
L’ADEME l’agence pour développement et maîtrise de l’énergie vient juste de publier <a href="http://www.ademe.fr/mix-electrique-100-renouvelable-analyses-optimisations" hreflang="fr">un rapport sur les renouvelables en 2050</a>, après beaucoup de fuites organisées à l’avance depuis le début de cette année… L’objectif de ces fuites était clairement d’appuyer et de répandre le message, et le message, c’est qu’on pourrait produire toute l’électricité de la France en 2050, seulement à partir de renouvelables !
</p>
<p>Je trouve ça très étrange, vu les questions d’intermittence et de coût <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#13">(13)</a> que tu évoquais.
</p>
<p>Je suis assez dubitatif. Je n’ai pas encore lu ce rapport dans le détail, même si j’ai bien remarqué les multiples précautions <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#14">(14)</a> dont les auteurs entourent leur conclusion – et qui sont assez peu reproduites dans la presse !
</p>
<p>En savez-vous davantage ?
</p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Ce rapport est du bidon pur et simple. Les questions gênantes ne sont tout simplement pas évoquées. Si on n’en parle pas, pense-t-on qu’elles disparaîtront ? Ironiquement ils sont en train de faire la même erreur que l’industrie du nucléaire. Rétrospectivement il n’aurait jamais fallu construire des réacteurs à eau. Cela a créé une habitude, un modèle économique et une image détestable quand les problèmes prévisibles sont apparus.
</p>
<p>Le stockage n’est pas abordé de manière réaliste <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#15">(15)</a>. Non plus que le coût des investissements nécessaires – c’est beaucoup plus cher même que du nucléaire actuel. Pas davantage que le renforcement des réseaux : le rapport suppose que la péréquation entre divers pays européens – en gros, quand le vent ne souffle pas au Danemark, c’est qu’il souffle en Italie, et vice-versa – permettra de régler une partie du problème de l’intermittence. Mais il y faudrait un grand renforcement du réseau.</p>
<p>
Quant aux hypothèses de réduction du coût de l’énergie, elles sont irréalistes au moins pour l’éolien, qui n’a aucune raison de baisser beaucoup vu que toute la partie mécanique resterait similaire – et les économies d’échelle par production de masse ont déjà eu lieu. Ces incohérences ont déjà été pointées par plusieurs personnes <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#16">(16)</a>.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Sans compter que le coût du nucléaire est quant à lui toujours surestimé dans ce genre d’étude. Par exemple l’amortissement des réacteurs EPR est calculé sur une durée trop courte, égale à 20 ans, ce qui l’aligne sur les panneaux solaires et les éoliennes dont c’est effectivement la durée de vie, alors que la durée de vie d’un EPR est estimée à 70 ans. Cela contribue à élever artificiellement le coût de l’électricité qu’il produit – et c’est encore plus vrai pour le N4G.</p>
<p>
Il faut aussi rappeler que l’étude suppose « des efforts conséquents quant à la maîtrise de la demande à cet horizon »… Alors qu’au contraire la demande en énergie électrique devrait exploser si l’on souhaite se passer de plus en plus de l’énergie fossile : il faudrait remplacer par de l’électricité l’énergie pour le chauffage, l’industrie ou les transports aujourd’hui d’origine fossile. De l’ordre d’un tiers de l’énergie utilisée par l’économie française correspond à la production électrique. L’objectif à long terme, par exemple en 2050, devrait être d’approcher des 80 ou 90%, du moins si l’on souhaite avoir une chance de limiter les effets du réchauffement climatique !
</p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Et le potentiel de réduction du prix du nucléaire par passage à la 4G n’est pas pris en compte.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
C’est d’autant plus dramatique que les investissements pour la transition sont en grande partie stérilisés par le financement des nouveaux renouvelables. Et pourtant le développement de N4G n’est pas si cher ! Les investissements pour les champs d’éolienne dans la Manche, c’est 10,5 milliards pour les deux premiers appels d’offre <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#17">(17)</a> déjà organisés, sans compter le troisième qu’on annonce imminent, pour un coût de production d’énergie de l’ordre de 200 € le MWh, c’est-à-dire environ cinq fois supérieur au prix auquel EDF revend l’électricité nucléaire aux autres producteurs, qui est de 42 € le MWh. Avec ces 15 ou 20 milliards, on paierait bien l’industrialisation de 2 ou 3 filières différentes de réacteur nucléaire de quatrième génération.
</p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
Oui l’ordre de grandeur devrait être de <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/01/16/astrid-le-nouveau-reacteur-francais-a-5-milliards-d-euros_4557985_3234.html" hreflang="fr">5 à 10 milliards par filière explorée jusqu’au niveau du réacteur prêt pour production en série</a> <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#18">(18)</a>. Surtout avec des réacteurs de taille moyenne.</p>
<p>
Du côté de la recherche sur les batteries <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#19">(19)</a>, il y a probablement assez de financement, parce que les constructeurs automobiles en ont besoin et investissent ce qu’il faut. Mais pour les N4G, c’est la dèche !</p>
<p>
On est face à des groupes de pression. Vois le Grenelle de l’environnement en 2008, Sarkozy a pris la décision de sacrifier les OGM pour sauvegarder le nucléaire.</p>
<p><ins>Le Marin</ins></p>
<p>
Au pouvoir, nous avons une élite qui s’en fout – de tout, des réalités, de l’ensemble du peuple. Et qui reste dans un cadre idéologique bien étroit.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Il faut reconnaître aux écologistes politiques le mérite d’être pratiquement les seuls à réfléchir sur l’environnement et sur le problème des ressources. Mais le drame, c’est qu’ils sont comme tombés amoureux d’une idéologie anti-nucléaire. Comment pourraient-ils oser regarder en face le fait que solaire et éolien ne sont pas une solution pour la transition énergétique ? Comment lancer le développement du N4G dans ces conditions ?</p>
<p>
Sur les OGM, j’avoue ne pas connaître le sujet. Mais ce qui me semble mériter précaution, c’est le fait que la nature est un système tellement complexe qu’on ne peut pas prévoir les conséquences finales quand on commence à lâcher des organismes modifiés dans la nature. On est face à une technologie puissante, il existe un risque qu’elle soit utilisée n’importe comment, surtout qu’on n’en sait pas assez sur le monde qui nous entoure. N’est-ce pas la position d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, et la priorité n’est-elle pas la prudence ?
</p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
La Nature ne nous a pas attendus pour faire un réacteur nucléaire – voir <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9acteur_nucl%C3%A9aire_naturel_d%27Oklo" hreflang="fr">Oklo</a> – ni des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Transfert_horizontal_de_g%C3%A8nes" hreflang="fr">OGM</a>. Dès qu’on étudie sérieusement le génome d’une espèce on se rend compte qu’elles vivent avec <a href="http://www.genomebiology.com/2015/16/1/50" hreflang="en">des gènes étrangers</a>. Un cas particulièrement intéressant est la <a href="http://www.pnas.org/content/112/18/5844.full" hreflang="en">patate douce cultivée</a>, elle fut « génétiquement modifiée » par une bactérie il y a 8 000 ans, et visiblement ce changement l’a rendu plus utile pour l’humain.</p>
<br />
<br />
<h4><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="T6">Quelle instance pour décider – l’Europe est-elle en train de se re-nationaliser ?</a></h4>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Poser la question des décisions, c’est poser la question du pouvoir, et de l’échelle à laquelle il est exercé. Le monde ? Ca ne marche pas, voir la COP21 fin novembre à Paris qui ira peut-être dans le bon sens pour ce qui est du réchauffement, mais pas suffisamment c’est déjà clair, et n’apportera rien pour ce qui de la transition énergétique ni des autres questions.</p>
<p>
Alors : l’Europe, ou les Nations ?
</p>
<p><ins>Le Financier</ins></p>
<p>
On assiste à un mouvement de re-nationalisation de la politique européenne. Les gouvernements sont de plus en plus dans une logique individuelle plutôt que collective, et une partie croissante de chaque population veut aller plus loin. C’est non seulement une tendance, mais aussi quelque chose qui pourrait s’accélérer, voire passer des effets de seuil – des transitions brusques.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
C’est qu’il y a de multiples frictions, et qui s’intensifient et se multiplient. La question de l’euro, celle des sauvetages bancaires – les peuples perçoivent cela sous la forme de la politique d’austérité qui a été choisie pour y répondre – et encore les traités commerciaux tels le TTIP. Et maintenant la question des migrants, qui évolue très vite en Allemagne le premier pays concerné mais probablement pas le seul…
</p>
<p><ins>Le Financier</ins></p>
<p>
Un tel besoin de changement n’existait pas il y a encore 5 ans. Il s’exprime plus librement encore dans les conversations. On éprouve beaucoup moins de confiance, voire de simple respect pour les dirigeants en place. A noter qu’un changement de pouvoir n’apporterait pas nécessairement un mieux. Y a-t-il une alternative, dans quelque pays que ce soit, qui soit vraiment convaincante sur sa capacité à faire de meilleurs choix ?
</p>
<p>Je rappelle pour mémoire cette définition du fascisme comme la rencontre entre une situation et un leader charismatique. Certes l’Histoire ne se répète pas, certes aucun leader véritablement charismatique n’est encore apparu dans aucun pays européen. Mais le potentiel existe je dirais.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Un <a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/t-vraiment-tentation-autoritaire-en-france-pascal-perrineau-philippe-braud-maxime-tandonnet-622299.html" hreflang="fr">sondage assez ahurissant</a> a été publié en janvier 2013 : 87% des Français étaient d’accord pour dire que « la France a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre ». Il faut croire que ni Nicolas Sarkozy qui venait d’être remercié, ni François Hollande déjà entré en fonction, n’étaient considérés par les Français comme des « vrais chefs ».
</p>
<p>C’est dire qu’il n’y a pas seulement le besoin de changement qui s’exprime ! Mais aussi l’idée de chef. Et l’idée d’ordre.
</p>
<p><ins>Le Financier</ins></p>
<p>
Voir aussi <a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/sondage-65-francais-ne-sont-plus-sensibles-aux-termes-republique-et-valeurs-republicaines-jerome-fourquet-vincent-tournier-2134825.html" hreflang="fr">ce sondage du printemps dernier</a> : environ 65% des Français sont indifférents <a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#20">(20)</a> quand les politiques évoquent les « valeurs républicaines ».
</p>
<p><ins>L’Agronome</ins></p>
<p>
La démocratie est à la fois le système le plus naturel et le plus ancien. Même des peuples « primitifs » comme les Papous la pratiquent aussi bien à l’échelle du village que de la tribu en regroupant des centaines de personnes – généralement les hommes initiés – en cas d’enjeu très important. </p>
<p>Après des débats marathon, qui durent des jours, tous s’expriment et la décision commune est acceptée par tous.
Cet exemple montre que des communautés nombreuses et démocratiques sont possibles et robustes à condition que le liant identitaire soit fort et les institutions adaptées. A l’inverse, les communautés hors sol et autocratiques sont fragiles. Le Califat islamique fondé par la conquête du 7ème siècle a explosé en vol, les différents peuples n’ont pu rester ensemble malgré leur unité spirituelle. A défaut de démocratie, l’humain préfère se soumettre aux siens.
</p>
<p><ins>L’Ingénieur</ins></p>
<p>
Donc l’efficacité et même la survie de grands ensembles comme l’Union européenne… on n’est pas obligé d’y croire.
</p>
<p>Vu cette situation, vu que les partisans de l’alternative nationale, dans quelque pays que ce soit, ne sont pas au point non plus, j’ai de gros doutes que nous soyons prêts à prendre rapidement les décisions qui s’imposent pour la transition comme pour les autres questions. Et pourtant, il y a urgence.
</p>
<p><ins>Le Financier</ins></p>
<p>Cette question mériterait un débat à elle seule, d’ailleurs elle ouvre sur plusieurs autres questions indépendantes…</p>
<br />
<br />
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/public/Debat___Decroissance__est-ce_pour_de_bon.pdf">Téléchargez ici la version PDF de ce débat</a></p>
<br />
<br />
<h4>Notes</h4>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="01">(1)</a> - <em>« Une première idée à laquelle il faut définitivement tordre le cou est celle de la limite supposée des ressources minérales à la disposition de l’humanité. Cette idée fausse s’est propagée par mimétisme avec l’annonce, justifiée, de la fin de l’ère du pétrole (…) La limite à l’exploitation des ressources minérales sera donc toujours définie par le type et le prix des énergies disponibles en un temps donné. Ce raisonnement économique s’applique de la même façon aux industries du recyclage »</em></p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="02">(2)</a> - Voir <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/01/15/la-planete-a-atteint-ses-limites_4557476_3244.html" hreflang="fr">La planète a atteint ses limites</a> <em>« Les principales limites transgressées sont celles du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Les deux autres seuils franchis relèvent de dégâts locaux : l’un tient au changement rapide d’utilisation des terres, l’autre à la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore – deux éléments essentiels à la fertilité des sols. »</em></p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="03">(3)</a> - Comme le précise le <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/03/biodiversite-etat-des-sols-pollution-l-environnement-se-degrade-en-europe_4586006_3244.html" hreflang="fr">rapport 2015 de l’Agence Européenne pour l’Environnement</a>, l’environnement se dégrade en Europe, malgré des progrès dans la qualité de l’air et de l’eau ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre : détérioration pour la biodiversité des milieux continentaux et aquatiques et celle du milieu marin, l’utilisation des terres, l’impact du changement climatique sur les écosystèmes, ainsi que pour les risques sanitaires liés au changement climatique et aux substances chimiques. L’artificialisation des sols, due principalement à l’urbanisation, s’accompagne de leur fragmentation mais aussi de leur dégradation, du fait de l’intensification de la production agricole et de l’érosion. L’Agence prévoit que cette situation, qu’il est <em>« difficile ou coûteux d’inverser »</em>, <em>« ne devrait pas changer de manière favorable »</em>.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="04">(4)</a> - Station de transfert d’énergie par pompage</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="05">(5)</a> - La demi-vie est le temps nécessaire pour que la radioactivité d’une certaine substance diminue de moitié.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="06">(6)</a> - Voir <a href="http://petrole.blog.lemonde.fr/2015/02/09/la-transition-energetique-est-elle-fermee-de-linterieur/" hreflang="fr">La transition énergétique est-elle fermée de l’intérieur ?</a> « Pour contenir le réchauffement climatique en-deçà de la limite des 2°C, il faudra(it) laisser sous terre un tiers des réserves de pétrole, 80 % des réserves de charbon et... la moitié des réserves de gaz naturel, précise une étude récemment publiée par la revue Nature »</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="07">(7)</a> - David Kleijn, Rachael Winfree, Ignasi Bartomeus et Luísa G. Carvalheiro, « Delivery of crop pollination services is an insufficient argument for wild pollinator conservation », Nature Communications, vol. 6, 16 juin 2015 (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/PubMed" hreflang="fr">PMID</a> <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26079893" hreflang="en">26079893</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/PubMed_Central" hreflang="fr">PMCID</a> <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/4490361" hreflang="en">4490361</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Digital_Object_Identifier" hreflang="fr">DOI</a> <a href="http://dx.doi.org/10.1038/ncomms8414" hreflang="en">10.1038/ncomms8414</a>, <a href="http://www.nature.com/ncomms/2015/150616/ncomms8414/full/ncomms8414.html" hreflang="en">lire en ligne</a> [<a href="http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.nature.com%2Fncomms%2F2015%2F150616%2Fncomms8414%2Ffull%2Fncomms8414.html" hreflang="en">archive</a>])</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="08">(8)</a> - Elsa Youngsteadt, R. Holden Appler, Margarita M. López-Uribe et David R. Tarpy, « Urbanization Increases Pathogen Pressure on Feral and Managed Honey Bees », PloS One, vol. 10, 1er janvier 2015, e0142031 (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/International_Standard_Serial_Number" hreflang="fr">ISSN</a> <a href="http://worldcat.org/issn/1932-6203&lang=fr" hreflang="fr">1932-6203</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/PubMed" hreflang="fr">PMID</a> <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26536606" hreflang="en">26536606</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Digital_Object_Identifier" hreflang="fr">DOI</a> <a href="http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0142031" hreflang="en">10.1371/journal.pone.0142031</a>, <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26536606" hreflang="en">lire en ligne</a> [<a href="http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.ncbi.nlm.nih.gov%2Fpubmed%2F26536606" hreflang="en">archive</a>])</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="09">(9)</a> - La NASA prédit qu’au rythme actuel, la totalité des forêts tropicales pourraient disparaître en cent ans. Parmi les pays touchés : Brésil, Thaïlande, République Démocratique du Congo, autres pays africains. Le plus touché est l’Indonésie.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="10">(10)</a> - Selon <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/12/10/l-agriculture-biologique-plus-productive-qu-on-ne-le-pense_4537494_3244.html" hreflang="fr">L’agriculture biologique, plus productive qu’on ne le pense</a>, la différence de productivité entre agriculture bio et traditionnelle est évaluée à 19,2 %, mais ce différentiel devient beaucoup plus faible lorsque les exploitations biologiques ont recours soit à la polyculture (plusieurs plantes cultivées sur la même parcelle), soit aux cultures par rotations : il tombe alors à respectivement 9 % et 8 %.</p>
<p>Noter de toute façon « <em>Nous ne pouvons tout simplement pas continuer à produire de la nourriture sans prendre soin des sols, de l’eau et de la biodiversité.</em> »
</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="11">(11)</a> - On pourra trouver des données concrètes sur ce que certains publicistes ne craignent pas d’appeler « une révolution dans le solaire » dans ce texte <a href="https://carboncounter.wordpress.com/2015/06/23/is-there-a-solar-revolution-time-for-data-not-adjectives/" hreflang="en">Is there a solar revolution? Time for data, not adjectives</a>. En résumé : l’énergie solaire est fortement subventionnée donc payée par les autres énergies, sa croissance bien loin d’être exponentielle est au contraire en train de ralentir en Europe. La croissance est de toute façon très lente exprimée en part de la consommation énergétique de n’importe quel pays – à ce rythme, il faudrait quelques siècles pour passer entièrement au solaire !</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="12">(12)</a> - Il y a probablement là aussi un avantage au dernier arrivant pour l’Inde et la Chine – la possibilité d’investir sur le thorium et autres filières N4G en entrant moins en concurrence avec les filières établies</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="13">(13)</a> - Pour comparer les coûts de l’électricité nucléaire d’un réacteur de génération actuelle l’EPR et ceux de l’électricité d’origine éolienne ou solaire, voir <a href="http://energie.lexpansion.com/energie-nucleaire/l-epr-coute-cher-les-energies-renouvelables-bien-plus-_a-32-7730.html" hreflang="fr">L’EPR coûte cher les énergies renouvelables bien plus</a></p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="14">(14)</a> - Un petit florilège : « <em>Il s’agit d’une étude scientifique à caractère prospectif et exploratoire et non pas d’un scénario politique. (…) Les mix électriques envisagés restent en effet théoriques, puisqu’ils sont construits ex nihilo et ne prennent pas en compte la situation actuelle ni le scénario pour arriver au résultat. (…) le développement de la maîtrise de la demande d’électricité, ainsi que la maîtrise de la pointe, sont des conditions essentielles: sans elles, quel que soit le mix intégrant notablement des EnR, le coût du système électrique n’est pas maîtrisé ; le coût des technologies doit continuer à baisser, surtout pour les technologies les moins matures</em> »</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="15">(15)</a> - L’éolien et le solaire, pour être développés massivement, réclament d’énormes capacités de stockage d’énergie, une limite que la plupart de leurs avocats éludent consciencieusement. Sauf à stocker l’électricité générée dans de très, très grosses batteries pas nécessairement réalistes, la seule solution viable consisterait à construire de très nombreuses STEP (des Stations de transfert d’énergie par pompage), autrement dit des barrages. Combien ? Peut-être 10 à 100 structures de taille comparable au barrage d’irrigation de Sivens "dans chaque département", estime au doigt mouillé André-Jean Guérin, pilier de la Fondation Nicolas-Hulot et ingénieur chevronné, qui rassure aussitôt : "<em>Il n’y a pas les sites, il n’y a pas l’eau pour un tel programme et il n’y aurait pas les forces de l’ordre pour s’opposer aux opposants !</em>" (<a href="http://petrole.blog.lemonde.fr/2015/02/09/la-transition-energetique-est-elle-fermee-de-linterieur/" hreflang="fr">Source</a>)</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="16">(16)</a> - Voir par exemple <a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/electricite-tout-renouvelable-est-possible-retour-rapport-ademe-remy-prud-homme-2103864.html" hreflang="fr">la réaction de Rémy Prudhomme</a> à une version encore non finalisée de ce rapport en début d’année et de <a href="http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2015/11/ademe-un-mix-%C3%A9lectrique-100-enr.html" hreflang="fr">Sylvestre Huet</a> de Libération qui étrille littéralement le document complet</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="17">(17)</a> - Voir <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/6-avril-2012-Designation-des.html" hreflang="fr">http://www.developpement-durable.gouv.fr/6-avril-2012-Designation-des.html</a>
et <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/Presentation-de-l-appel-d-offres.html" hreflang="fr">http://www.developpement-durable.gouv.fr/Presentation-de-l-appel-d-offres.html</a>
</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="18">(18)</a> - Astrid, le seul projet français dans le domaine, est évalué à 5 milliards d’euros, avec pour objectif l’industrialisation « <em>à l’horizon 2040-2050</em> » d’un successeur de Superphénix. Avec des délais si lointains, consistant à refaire cinquante ans plus tard en un peu mieux ce qui existait déjà dans les années 1990, il ne se passe naturellement pas grand-chose… On parle d’un stade d’« <em>avant-projet sommaire</em> », la véritable décision n’étant prévue qu’en 2020.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="19">(19)</a> - Voir par exemple <a href="http://newscenter.lbl.gov/2013/11/19/holistic-cell-design-by-berkeley-lab-scientists-leads-to-high-performance-long-cycle-life-lithium-sulfur-battery/" hreflang="en">cette piste de recherche prometteuse</a>, avec un démonstrateur de batterie lithium-sulfide d’une puissance spécifique de 350 à 400 Wh/kg, soit presque le double de celle des batteries lithium-ion actuelles, avec un nombre adéquat de 1500 cycles d’utilisation, qui pourrait rendre possibles des véhicules électriques de 500 km d’autonomie.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#" name="20">(20)</a> - Faut-il incriminer le manque de crédibilité des politiques, l’utilisation dans un sens partisan comme marqueur d’opposition au Front National, voire un vocabulaire clivé socialement – les classes populaires préférant souvent parler d’ « identité nationale »</p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/26/D%C3%A9bat-%E2%80%93-D%C3%A9croissance%2C-est-ce-pour-de-bon#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/41Le TTIP - Leçon de choses en neuf mots et un secreturn:md5:693f7fc070333206cc8c2200c7dfc6a5Sunday 8 November 2015Sunday 8 November 2015Alexis TouletLeçons de chosesActualitéCrise économique et financièreCrises politiques et internationalesDémocratieEtats-UnisInfluenceTTIPUnion Européenne<em><p>Le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, TTIP dans son sigle anglais, est un accord commercial en cours de négociation entre Union Européenne et Etats-Unis. Il est d’autant plus controversé et contesté qu’il promet s’il est adopté de bouleverser les règles non seulement du commerce international entre les deux blocs économiques, mais encore d’avoir des impacts majeurs des normes sociales aux normes environnementales, et jusqu’à l’équilibre entre Etats et entreprises.</p>
<p>On peut cependant comprendre cet accord en <strong><em>seulement neuf mots</em></strong>...</p>
</em> <p>Le TTIP est l’héritier d’un autre accord de commerce négocié secrètement avant d’être tué dans l’œuf en 1998. L’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) avait entraîné de vives oppositions de la part des partisans de l’exception culturelle, de syndicats et des défenseurs de l’environnement lorsqu’il avait été rendu public par des mouvements de citoyens américains, ce qui avait finalement entraîné son abandon. Comme le disait l’une des responsables des ONG américaines <em>«l’AMI est comme Dracula : il meurt à être exposé en plein jour»</em></p>
<p>Cependant, comme tout vampire digne de ce nom, il parvient toujours à renaître sous une autre forme...</p>
<br />
<h4>Neuf mots</h4>
<p>John Hilary, directeur de l’ONG charitable britannique War on Want (<em>Guerre contre le Besoin</em>) a rencontré au mois d’octobre Cecilia Malmström, qui en sa qualité de Commissaire au commerce de l’Union européenne est la responsable des négociations pour le TTIP du côté européen.</p>
<p>Ce qui fut l’occasion d’une leçon de choses inoubliable sur la nature du TTIP comme sur celle du processus de décision européen.</p>
<p>Il le rapporte dans sa tribune publiée dans la presse britannique : <a href="http://www.independent.co.uk/voices/i-didn-t-think-ttip-could-get-any-scarier-but-then-i-spoke-to-the-eu-official-in-charge-of-it-a6690591.html">Je ne pensais pas que le traité TTIP pouvait devenir encore plus effrayant - jusqu’à ce que je parle avec la négociatrice en chef de l’Union Européenne</a></p>
<blockquote><p>J’ai eu récemment le rare privilège d’un coup d’œil derrière la façade officielle de l’Union européenne en rencontrant la Commissaire au commerce dans son bureau à Bruxelles.</p>
<p>(Cecilia Malmström) est en charge de la politique de commerce et d’investissement pour l’ensemble des 28 Etats membres, et ce sont ses collaborateurs qui finalisent actuellement le traité TTIP avec les Etats-Unis.</p>
<p>Quand je le lui fis remarquer, Malmström reconnut qu’aucun traité de commerce n’a jamais inspiré une opposition aussi large ni aussi passionnée. Mais lorsque j’ai demandé à la Commissaire au commerce comment elle pouvait continuer de faire une promotion aussi assidue de ce traité en face d’une opposition publique aussi massive, sa réponse fut froide et concise : <strong>"Je ne reçois pas mon mandat des peuples européens"</strong> (<em>“I do not take my mandate from the European people.”</em>)</p>
</blockquote>
<p>Rien que neuf mots.</p>
<p>Et pourtant, tout est dit.</p>
<p>Naturellement, la Commissaire a plus tard <a href="http://www.independent.co.uk/news/world/europe/a6695996.html">démenti avoir prononcé ces paroles.</a> </p>
<blockquote><p>Je n’ai pas dit cela. Ce que j’essayais d’expliquer, c’est que le mandat pour négocier le TTIP et les autres traités de commerce est donné par le conseil des ministres (…) le mandat ne peut être changé que par l’ensemble des Etats membre. Ce n’est pas de ma responsabilité.</p>
</blockquote>
<p>Nul doute que des conseillers en communication sont passés par là, et lui ont expliqué les inconvénients d’une telle franchise…</p>
<p>Et cependant, même dans son démenti elle confirmait encore le fond de l’affaire. En résumé : je n’ai pas dit cela... mais pourtant c’est vrai. Sans négliger d’ajouter que de toute façon la chose n’était pas de sa responsabilité.</p>
<p>Comme le lui répondait par voie de presse John Hilary – qu’elle venait tout de même d’accuser de mensonge – «<em>ses commentaires n’ont fait que confirmer en public ce qu’elle nous avait dit en privé</em>»</p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Cecilia_Malmstrom_m.jpg" alt="Cecilia_Malmström - « Je ne reçois pas mon mandat des peuples européens »" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>Commissaire au Commerce de l’Union Européenne, en charge de la négociation du TTIP</em></p>
<p align="center"><em>« Je ne reçois pas mon mandat des peuples européens »</em></p>
<br />
<h4>Secret maniaque</h4>
<p>Si l’opposition de nombreux hommes politiques, ONG, syndicats et simples citoyens au traité TTIP est aussi radicale, c’est aussi à cause du secret maniaque maintenu autour du texte en cours de négociation.</p>
<p>C’est que les négociations sont absolument secrètes, avec un nombre extrêmement réduit de personnes disposant du texte en cours de négociation. Wikileaks a annoncé une prime à qui fournirait une version à jour, mais il y a peu de chance qu’elle soit jamais versée, car <a href="http://transatlantique.blog.lemonde.fr/2015/08/11/pourquoi-la-fuite-du-tafta-reclamee-par-wikileaks-est-peu-probable/">le secret est très très bien gardé.</a></p>
<blockquote><p>Depuis un an, ces documents sont sous haute surveillance. Sur l’insistance des Américains, ils ne sont plus transmis par voie électronique ou sur papier, comme auparavant, afin de limiter les possibilités de fuite. Pour les consulter, les heureux élus doivent se rendre dans une salle de lecture ultra-sécurisée à Bruxelles (ou l’une de ses annexes, dans les ambassades américaines d’Europe), où il est interdit d’utiliser un téléphone portable, ou tout autre appareil qui permettrait de les scanner. « Il n’est pas possible de sortir les documents de la salle : seulement de prendre des notes sur des feuilles qui nous sont fournies, avec notre nom inscrit dessus, expliquait M. Jadot au Monde il y a quelques mois. Or, tout seul, il est impossible de recopier des centaines de pages de textes juridiques, d’autant que nous signons une déclaration de confidentialité. »</p>
</blockquote>
<p>Le plan est clairement de bloquer toute information et d’empêcher tout débat jusqu’aux derniers moments avant la signature, afin de prendre de vitesse les critiques et de faire alors pression sur chaque Parlement national appelé à approuver le traité. Les arguments sont connus et éculés, mais ont jusqu’ici eu à chaque fois un impact déterminant :</p>
<ul>
<li>il est impossible d’apporter la moindre modification car sinon aucune négociation n’aboutira jamais,</li>
<li>c’est donc à prendre ou à laisser,</li>
<li>le libre-échange est par principe et dans tous les cas une bonne chose,</li>
<li>un seul pays ne peut se permettre de bloquer un accord d’importance presque mondiale,</li>
<li>le voudrait-il qu’il se retrouverait sous pression maximale de la part des Etats-Unis, tandis que les autres pays européens ne piperaient mot...</li>
</ul>
<p>Nul parlement d’un pays européen n’a jamais résisté jusqu’ici à ce genre d’argumentation.</p>
<p>Sans doute un peuple pourrait-il aller jusqu’à se permettre de répondre comme il le souhaite, et non nécessairement comme on l’attend… mais comme aucun pays ne prévoit de faire approuver le TTIP par référendum !</p>
<p>Et une fois le texte signé il deviendrait totalement inamovible et impossible à modifier pour aucun pays européen, sauf naturellement pour ce pays à sortir au préalable de l’Union Européenne.</p>
<p>Qui donc "ne reçoit pas (son) mandat des peuples européens", négocie en secret au profit des plus puissants puis tente d’imposer ses décisions aux pays européens et à leurs parlements par le chantage, sans qu’il soit possible de revenir moindrement sur ces décisions après coup ?</p>
<p>Qui... <strong>sinon l’Union européenne !</strong></p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.TTIP_m.jpg" alt="L'UE et au-delà" title="xxx" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>L’Union européenne, et au-delà...</em></p>http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/11/05/Le-TTIP-Le%C3%A7on-de-choses-en-neuf-mots#comment-formhttp://www.noeud-gordien.fr/index.php?feed/navlang:en/atom/comments/37Crise grecque, les suites du référendum. Que peut-il se passer maintenanturn:md5:567373491f1e77f8f3a484fee73a3b2fSaturday 4 July 2015Saturday 4 July 2015Alexis TouletEssaisActualitéBCECrise économique et financièreCrises politiques et internationalesDettesDémocratieEconomieEuroFinance publiqueGrèceMerkelRelations internationalesUnion Européenne<p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 6pt; text-align: justify;"><em><span style="font-size:10.0pt;
font-family:"Arial","sans-serif"">Référendum en Grèce, journées décisives,
menaces, conséquences et suites possibles – que peut-il se passer
maintenant ?</span></em></p>
<p class="MsoNormal" style="margin-bottom: 6pt; text-align: justify;"><em><span style="font-size:10.0pt;
font-family:"Arial","sans-serif"">Un point complet, en dix-sept questions et un
résumé</span></em></p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/public/Crise_grecque__les_suites_du_referendum._Que_peut-il_se_passer_maintenant.pdf">Téléchargez ici la version PDF de cet essai</a></p> <br />
<h4>Résumé si vous n’avez pas le temps</h4>
<br />
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q1">1. Pourquoi ce conflit entre Grèce et Institutions ?</a></p>
<p>Le nouveau gouvernement grec veut changer la stratégique économique imposée depuis 2010 à Athènes par les Institutions suite à leur prise en charge de la dette publique grecque, qui s’est avérée désastreuse pour la Grèce et a encore empiré sa situation. De janvier à juin 2015 les négociations ont continué sans parvenir à une conclusion.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q2">2. Qu’est-ce qui empêche l’accord ?</a></p>
<p>Les Institutions refusent de reconnaître l’erreur de la stratégie actuelle et de la faire évoluer, comme de discuter d’une restructuration de la dette grecque trop lourde pour que le pays puisse la supporter, malgré leurs engagements antérieurs et malgré le fait que la dette était déjà trop lourde en 2010 ce que le FMI avait déjà compris à l’époque.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q3">3. Alexis Tsipras a-t-il eu raison de convoquer un référendum sur les exigences des Institutions ?</a></p>
<p>Un référendum est indiqué lorsqu’un gouvernement doit faire préciser le mandat qui lui a été confié. Les Grecs ont missionné le gouvernement Tsipras pour qu’il fasse évoluer la stratégie économique tout en conservant l’euro. Ces deux objectifs s’avèrent contradictoires, d’où le recours au référendum.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q4">4. Que révèle la réaction des Institutions notamment l’Union européenne à la décision de convoquer un référendum ?</a></p>
<p>Les référendums sont toujours problématiques pour l’UE, celui de 2005 en France et aux Pays-Bas sur la constitution ayant été annulé en 2008 au parlement, le référendum proposé en 2011 en Grèce ayant été empêché par pression européenne. Il s’agit d’une confirmation : l’UE est toujours rétive aux votes populaires.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q5">5. La Grèce sortira-t-elle de l’eurozone si les Grecs répondent Non ?</a></p>
<p>Aucune procédure ne le permet étant donné que la Grèce ne le veut pas. Cependant, la BCE peut forcer l’expulsion en retirant son soutien aux banques grecques, créant une panique bancaire et obligeant le gouvernement grec à se retirer de l’euro pour éviter l’effondrement de son système bancaire.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q6">6. Beaucoup accusent le gouvernement grec d’irresponsabilité et d’être à l’origine de la panique bancaire en Grèce. Qui est irresponsable dans cette affaire ?</a></p>
<p>Le FMI et avant tout la BCE se font le bras armé des Institutions en déstabilisant les banques grecques et en déclenchant le début d’un effondrement de l’économie de ce pays, de façon à influencer le vote des Grecs. La BCE abandonne complètement son mandat d’assurer la stabilité financière des pays membres de l’euro pour se lancer dans une opération de chantage et prend un risque petit mais réel de déclencher une crise financière internationale. L’irresponsabilité de ce côté est tout simplement atterrante.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q7">7. Faut-il s’attendre à ce que les Grecs répondent Oui ou Non ?</a></p>
<p>Les Grecs doivent faire un choix difficile sous stress intense. Leur réponse est imprévisible à ce stade, entre réaction de peur et réaction de colère, et les sondages sont divergents.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q8">8. Si c’est Oui, que se passera-t-il ?</a></p>
<p>Forcer le gouvernement grec à démissionner est un objectif avoué des Institutions, qu’elles ne devraient pas avoir de peine à atteindre. Cependant, le problème de fonds de la dette n’aura pas été résolu, ni la crise économique grecque, et de nouvelles disputes sont prévisibles à terme</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q9">9. Si c’est Non, que se passera-t-il ?</a></p>
<p>Ce sont les Institutions et les chefs des principaux Etats européens, l’Allemagne en premier lieu, qui choisiront de forcer ou non l’expulsion de la Grèce. Leur décision est imprévisible, malgré leurs menaces, car l’expulsion présente des risques spécifiques et les pertes sur la dette grecque seraient maximales.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q10">10. Un effondrement économique de la Grèce est-il possible ?</a></p>
<p>Il a commencé dans la semaine du 29 juin, du fait de la fermeture des banques et du contrôle des capitaux. En cas d’expulsion il continuera et la Grèce traversera de graves difficultés avant d’avoir une chance de rebondir.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q11">11. Les créanciers sont-ils tous alignés sans divergence ?</a></p>
<p>Les divergences se font jour au fur et à mesure de l’aggravation de la crise. Les Etats européens sont peu ou prou alignés sur la position allemande malgré des doutes français non suivis d’action. Le FMI en revanche milite ouvertement pour la restructuration de la dette grecque.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q12">12. Comment les pays hors de l’Union européenne tentent-ils de peser sur la crise ?</a></p>
<p>La Russie fait la cour à la Grèce et espère une rupture, qui lui permettrait d’obtenir de la Grèce dès 2016 la fin des sanctions économiques européennes contre Moscou pour lesquelles l’unanimité est nécessaire. Les Etats-Unis font pression pour un accord, afin de maintenir les sanctions contre la Russie et pour éviter tout risque pour l’économie mondiale.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q13">13. Si la Grèce fait défaut sur tout ou partie de sa dette publique, qui paiera et combien ?</a></p>
<p>Le risque maximal théorique pour les Européens serait d’environ 420 milliards, dont 20% pour la France. De manière réaliste, des pertes à hauteur de la moitié sont probables, soit 40 à 50 milliards pour la France.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q14">14. Si la Grèce est forcée à sortir de l’euro, aura-t-elle les moyens de se relever ?</a></p>
<p>Après une période initiale chaotique, elle bénéficiera d’une monnaie plus compétitive, d’un commerce extérieur qui s’est beaucoup rapproché de l’équilibre ainsi que des fonds sauvegardés par les Grecs dans d’autres banques de l’UE soit environ 100 milliards.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q15">15. Est-il possible que la Grèce soit expulsée de l’Union européenne ?</a></p>
<p>Non, il n’y a ni procédure ni moyen de l’y forcer, et beaucoup de pays le refuseraient.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q16">16. Au fait… quels sont les véritables objectifs des uns et des autres ?</a></p>
<p>Les Institutions craignent qu’une remise en cause de la stratégie d’austérité dans le cas de la Grèce ne débouche sur une remise en cause par d’autres pays. Le gouvernement grec veut officiellement maintenir le pays dans l’euro, mais l’hypothèse qu’il cherche à attirer les créanciers les plus rigoristes dans un piège pour pouvoir sortir de l’euro en leur laissant toutes les pertes ne peut être écartée.</p>
<p><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#q17">17. On parle d’un risque de « contagion ». Cette crise peut-elle déboucher sur une crise financière européenne voire mondiale ?</a></p>
<p>Malgré la fragilité du système financier mondial, la crise grecque n’est probablement pas suffisamment grande pour déborder les défenses utilisées par les banques centrales du monde entier depuis 2008, c’est-à-dire la planche à billets. Le risque n’est cependant pas inexistant, car les canaux possibles de contagion sont nombreux.</p>
<br />
<br />
<h4>Dix-sept Questions</h4>
<br />
<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q1"><h5>1. Pourquoi ce conflit entre Grèce et Institutions ?</h5>
</a>
<p>Les Institutions – anciennement : « Troïka » – sont l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, qui exercent une tutelle sur le gouvernement grec depuis 2010, laquelle tutelle fut acceptée par la Grèce en échange de la prise en charge de l’essentiel de sa dette publique par les autres Etats participant à l’euro.</p>
<p>A partir de 2010 et en plusieurs étapes, les Etats membres de l’eurozone ont racheté la plus grande partie de la dette publique grecque aux banques européennes qui avaient prêté à l’Etat grec, si bien que les Etats européens sont créanciers de la Grèce pour presque les trois quarts de sa dette publique, soit environ 230 milliards parmi 320. Cette opération a permis du point de vue des banques créditrices de substituer à un emprunteur défaillant – l’Etat grec – des emprunteurs solvables – les autres Etats européens, protégeant les banques du plus gros des conséquences de leurs erreurs c’est-à-dire avoir prêté de manière irresponsable de même que la Grèce s’endettait de manière irresponsable, en échange de quoi leur a été demandé seulement de renoncer à une faible partie de leur créance. C’est ainsi que les banques ont été mises à l’abri, et les contribuables européens à leur place.</p>
<p>En échange de la possibilité de ne pas faire faillite en 2010, la tutelle de la Troïka a imposé à la Grèce de suivre une politique économique dite « d’austérité », consistant en une combinaison de « dévaluation interne » et de privatisation généralisée.</p>
<p>L’idée générale d’une dévaluation interne part du constat qu’un pays en crise dévalue en général sa monnaie, ce qui lui donne un peu d’air pour reprendre pied. Cependant un pays membre d’une union monétaire, comme la Grèce, ne peut dévaluer de la sorte. Pratiquer une dévaluation interne, c’est donc baisser non pas la valeur de la monnaie comparée aux monnaies étrangères, mais les salaires pensions et dépenses dans tout le pays – ainsi la compétitivité du pays est améliorée sans que la monnaie ait été dévaluée. Du moins, c’est la théorie…</p>
<p>L’austérité a donc consisté pour la Grèce en une baisse drastique des salaires dans le public, des pensions, en une « flexibilisation » du marché du travail donnant les moyens aux employeurs de licencier ou de baisser les salaires beaucoup plus librement en supprimant les obstacles réglementaires ainsi que les moyens de négociation collective, une baisse des dépenses publiques notamment dans la santé, enfin en une série de privatisations dans l’urgence. La Troïka prévoyait que cette politique créerait certes des difficultés à court terme, mais permettrait après deux ou trois ans à l’économie grecque de rebondir fortement, sortant le pays du marasme et lui permettant au final de rembourser ses créanciers. Du moins, c’est ce qui était prévu...</p>
<p>Les résultats ont été très différents des prévisions. En cinq ans, l’économie grecque a baissé d’un quart égalant le pire de la dépression des années 1930, le chômage a dépassé les 25%, pour les jeunes il a frôlé les 60%, les jeunes Grecs ont commencé à émigrer en nombre de façon à trouver un travail, pendant que la santé s’est fortement dégradée par augmentation de la mortalité infantile et suicides de désespérés. En même temps, la dette mesurée en proportion de l’économie grecque ne diminuait pas, mais bondissait entre 2009 et 2015 de 130% jusqu’à 176% du PIB : tous les sacrifices avaient eu pour résultat d’aggraver encore le problème d’endettement !</p>
<p>En janvier 2015, les Grecs ont porté au pouvoir un gouvernement Syriza de gauche radicale, avec l’objectif de négocier avec les créanciers une nouvelle politique économique plutôt que la catastrophique « austérité », tout en continuant la participation du pays à l’euro auquel la majorité des Grecs est attachée.</p>
<p>Pendant cinq mois, nouveau gouvernement grec et Troïka – rebaptisée pour l’occasion « Institutions » – ont négocié pour trouver un accord. Le gouvernement Syriza a du constater qu’il lui était très difficile d’obtenir un changement de logique de la part des créanciers, il a progressivement mis de l’eau dans son vin, jusqu’à se rapprocher de très près de la position initiale exigée par les Institutions, pendant que l’on s’approchait de la fin juin et de la date limite pour trouver un nouvel accord tout en évitant à la Grèce de faire défaut sur l’un des paiements qu’elle devait effectuer.</p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Juncker_et_Tsipras_m.jpg" alt="Amabilité enjouée en surface" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Amabilité enjouée en surface" />
<p align="center"><em>Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et Premier ministre grec Alexis Tsipras</em></p>
<p align="center"><em>Amabilité enjouée… pour qui sait obéir</em></p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q2"><h5>2. Qu’est-ce qui empêche l’accord ?</h5>
</a>
<p>Compte tenu des résultats catastrophiques de la stratégique économique qu’elles avaient imposé à la Grèce, il aurait été possible aux Institutions d’accepter de se rendre compte de l’erreur commise, de la reconnaître et surtout de chercher à s’adapter et à faire autre chose. Cependant elles ont refusé de changer de cap un tant soit peu, même en face de l’évidence de l’échec non seulement du point de vue grec avec la catastrophe économique, mais encore du point de vue des créanciers la dette grecque étant encore plus lourde.</p>
<p>Il y a là un véritable entêtement idéologique, un refus d’accepter le réel. Seul celui qui n’est plus aux affaires, sans espoir réaliste d’y revenir, peut se permettre de proposer des changements de logique, l’exemple type étant Dominique Strauss-Kahn, qui n’a jamais été aussi raisonnable en paroles que depuis que sa parole ne compte plus guère.</p>
<p>L’erreur initiale aurait pu n’être qu’une erreur. Persévérer dans l’erreur et refuser d’évoluer contre toute évidence engage indubitablement la responsabilité des dirigeants des Institutions et, derrière eux, des pays les plus influents, l’Allemagne certes en premier lieu, mais également la France.</p>
<p>Il faut ici parler d’une véritable prime intellectuelle au masochisme : le remède est considéré d’autant meilleur qu’il fait plus mal. De ce point de vue, le meilleur remède serait celui qui tue le malade après d’atroces souffrances… ou la saignée, qui comme la politique « austérité » affaiblit le malade plutôt que de le guérir.</p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Saignees_m.jpg" alt="Saignees.png" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>La saignée telle qu’on la pratiquait avant la médecine moderne.</em></p>
<p align="center"><em>« Ça vous fera du bien... D’ailleurs, si ça ne marche pas du premier coup, on recommencera ! »</em></p>
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<p>La Troïka s’était engagée fin 2012 auprès du gouvernement grec à discuter d’une restructuration et d’un allègement de la dette publique dès que le solde primaire de l’Etat grec serait repassé positif, condition qui a été réalisée en 2014. Cette restructuration était déjà pratiquement inévitable en 2010, ce qui avait été clairement dit à l’époque lors de <a href="http://blogs.wsj.com/economics/2013/10/07/imf-document-excerpts-disagreements-revealed/" hreflang="en">discussions internes au Fonds Monétaire International, dont le contenu a été depuis révélé</a>. Les participants des pays émergents notamment ont émis des critiques très sévères contre l’optimisme des prévisions des Institutions pour la future croissance grecque ainsi que contre le principe même consistant à soulager le secteur privé de créances problématiques en les mettant à charge du public. Ces critiques sont encore bien plus convaincantes maintenant que l’économie grecque a diminué d’un quart.</p>
<p>La dernière position de négociation du gouvernement Syriza d’Alexis Tsipras dans les derniers jours de juin 2015 était d’accepter très largement la poursuite de la stratégique économique d’austérité, en échange de la discussion effective de cette restructuration de la dette, telle qu’elle aurait du déjà avoir lieu l’année passée. Cependant, les Institutions ont opposé une fin de non-recevoir, renvoyant le sujet à une date ultérieure indéterminée.</p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q3"><h5>3. Alexis Tsipras a-t-il eu raison de convoquer un référendum sur les exigences des Institutions ?</h5>
</a>
<p>Les référendums sont adaptés aux questions binaires, lorsqu’il s’agit de trancher dans un sens ou dans l’autre. Ils sont nécessaires également quand un gouvernement doit faire préciser par le peuple le mandat qu’il en a reçu. C’est précisément la situation dans laquelle se trouve la Grèce aujourd’hui.</p>
<p>
Revenir au peuple, que ce soit par référendum ou par élections anticipées, est la seule option honnête pour un gouvernement qui se trouve devant l’impossibilité de remplir entièrement le mandat que le peuple lui a confié. En l’occurrence, Syriza a été élu avec l’objectif de négocier avec les Institutions un changement de logique dans la politique économique imposée à la Grèce, tout en préservant l’appartenance du pays à l’euro. </p>
<p>L’aboutissement de la négociation à la fin juin, c’est-à-dire les Institutions qui refusent tout changement substantiel en même temps qu’elles utilisent les leviers à leur disposition pour menacer la Grèce d’une expulsion de la zone euro, rend impossible à Syriza de remplir son mandat. Les seules options sont la trahison du mandat confié – ce qui certes s’est pratiqué plus d’une fois, y compris en France – ou le retour au peuple.</p>
<p>
Les Grecs ont ce dimanche deux options :</p>
<p>
- "Oui", et leur appartenance à la zone euro est assurée. Mais le risque est grand que la catastrophe économique grecque continue, la logique économique désastreuse des cinq dernières années étant maintenue en l’état</p>
<p>
- "Non", et le programme d’austérité ne sera pas appliqué. Mais le risque est grand que le pays soit expulsé de la zone euro</p>
<p>
De fait, un choix binaire. Et un choix que le gouvernement ne pouvait pas décemment faire tout seul.</p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q4"><h5>4. Que révèle la réaction des Institutions notamment l’Union européenne à la décision de convoquer un référendum ?</h5>
</a>
<p>Les référendums évoquent traditionnellement des réactions de crainte ou de fureur dans les Institutions européennes, aucun effort n’étant ménagé pour éviter la consultation, faire pression sur les électeurs ou annuler le résultat.</p>
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Cela s’est vérifié en 2005, les résultats des référendums négatifs en France et aux Pays-Bas sur la constitution européenne étant annulés dès 2008 par adoption au parlement seulement d’un traité reprenant l’essentiel de la constitution refusée, ou encore par l’annulation du référendum prévu en Grèce en 2011, le premier ministre grec de l’époque étant déposé par certains des parlementaires de son parti sur injonction des Institutions.</p>
<p>
Tout espoir de forcer comme en 2011 l’annulation du référendum leur ayant été barré – les députés grecs ont accepté de l’organiser, la commission de constitutionnalité a confirmé son autorisation, la majorité au Parlement grec de Syriza et de son allié Anel est suffisamment confortable – les Institutions se sont rabattues sur une stratégie de pressions sur le peuple grec, menace d’expulsion de l’euro et messages catastrophistes déclenchant un début de panique bancaire qui a forcé le gouvernement Tsipras à fermer les banques dès lundi 30 juin et à instituer un contrôle des capitaux.</p>
<p>
Avec un nouveau refus panique d’un référendum dans un pays membre, l’Union européenne ne fait en réalité que montrer une nouvelle fois le respect qu’elle porte à la démocratie et au droit. Pour les opposants à l’UE, le spectacle est sans doute attristant, voire révoltant, il n’est pas surprenant.</p>
<p>
Certains de ses partisans seront peut-être surpris, toutefois.</p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q5"><h5>5. La Grèce sortira-t-elle de l’eurozone si les Grecs répondent Non ?</h5>
</a>
<p>Aucune procédure ne permet d’expulser un Etat participant à l’euro, et le gouvernement grec a clairement indiqué qu’il veut maintenir la Grèce dans la monnaie unique, ce que souhaite la majorité de la population. En théorie, il ne devrait donc pas y avoir de moyen pour les Institutions, ni pour qui que ce soit d’autre, de les y forcer.</p>
<p>En pratique, la BCE a un rôle de financement des banques grecques, de même que pour les banques de tous les autres pays de l’eurozone. Elle a donc la possibilité de cesser de les financer au moment même où elles font face à une vague de demandes de retraits de déposants inquiets, ce qui les empêcherait d’y répondre. Ces demandes se multiplieraient alors dans une course de tous contre tous pour récupérer son argent avant que les coffres ne soient vides et que l’argent ne soit définitivement perdu. Rappelons que les banques ne possèdent pas l’argent qui se trouve sur les comptes de M. et Mme Tout-le-monde, car elles l’ont prêté – ce qui est leur métier même – et elles dépendent donc de leur banque centrale pour les financer afin qu’elles puissent répondre à une vague de retraits simultanés.</p>
<p>A supprimer le financement des banques grecques, la BCE peut forcer l’effondrement de tout le système bancaire de ce pays – comme soit dit en passant elle peut le faire à n’importe quel autre pays de l’eurozone – ce qui ne laisserait d’autre choix au gouvernement grec que d’assister à l’effondrement de toute l’économie de son pays ou bien de sortir en catastrophe de l’eurozone pour créer une nouvelle monnaie avec laquelle financer ses banques en détresse.</p>
<p>En menaçant de le faire si les Grecs répondent Non, la BCE menace ni plus ni moins que d’expulser Athènes de l’eurozone par la force, sans aucune procédure légale ni aucun mandat pour le faire.</p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q6"><h5>6. Beaucoup accusent le gouvernement grec d’irresponsabilité et d’être à l’origine de la panique bancaire en Grèce. Qui est irresponsable dans cette affaire ?</h5>
</a>
<p>Le premier ministre grec Alexis Tsipras a été accusé d’ « irresponsabilité » pour avoir appelé un référendum, ou du moins pour appeler à voter Non à la proposition des Institutions de continuer la politique économique des dernières années sans changement.</p>
<p>En réalité, ce qui est irresponsable c’est pour les Institutions de ne pas s’être simplement mis en position d’attendre sereinement le résultat du vote pour ensuite continuer les négociations à partir du 6 juillet, avec une position soit un peu plus soit un peu moins favorable à leurs thèses, en fonction précisément du résultat du référendum.</p>
<p>La Grèce devait effectuer un paiement de 1,6 milliard d’euros au FMI le 30 juin, qu’elle n’était pas en mesure d’assurer. Christine Lagarde la directrice du FMI avait déclaré quelques jours avant supprimer le délai traditionnel de grâce de trente jours supplémentaires avant de déclarer le défaut de paiement, par décision discrétionnaire et alors que rien ne l’y obligeait, ceci afin de faire pression sur les négociations alors en cours. Rien ne l’empêchait cependant de corriger ses déclarations et de maintenir le <a href="http://articles.economictimes.indiatimes.com/2015-06-18/news/63567982_1_greece-grace-period-default" hreflang="en">délai de grâce traditionnel avant que le FMI ne réunisse son conseil pour officialiser le défaut de paiement</a>. Il ne se serait pas agi d’accorder quoique ce soit d’inhabituel, seulement de ne pas supprimer une facilité classique. Madame Lagarde a cependant choisi de précipiter exprès le défaut, évidemment de façon à faire pression sur la population grecque en vue du référendum.</p>
<p>Si utiliser une tactique de pression dans le cadre d’une négociation n’a en soi rien d’inhabituel, ce qui est surprenant est de maintenir cette tactique lorsqu’elle n’a plus aucune utilité, sinon de forcer à constater un défaut là où rien n’obligeait à précipiter les choses - et avec la population grecque en ligne de mire.</p>
<p>Rien n’obligeait non plus et encore moins la BCE, par l’intermédiaire de la Banque de Grèce, à <a href="http://www.bbc.com/news/business-33164924" hreflang="en">annoncer la fin du monde en cas de non acceptation de la position de l’Eurogroupe</a>, c’est-à-dire à organiser elle-même un début de panique bancaire dans un pays qui pourtant fait partie de la zone dont son mandat la charge d’assurer la stabilité, puis à plafonner les liquidités à la disposition du système bancaire grec – par le mécanisme E.L.A. – afin de forcer le gouvernement grec à fermer les banques pour éviter que le début de panique créé par la BCE elle-même ne débouche sur l’effondrement pur et simple de l’ensemble du système bancaire.</p>
<p>Le montant des E.L.A. avait été relevé plusieurs fois par la BCE depuis janvier, alors que les négociations Eurogroupe - Grèce continuaient. Ne plus le relever les quelques jours nécessaires jusqu’au référendum était une décision politique, surtout après avoir suscité les conditions de panique dans lesquelles le recours aux E.L.A. est nécessaire.</p>
<p>L’ensemble de ces décisions a pour objectif évident d’exercer une pression très concrète sur la population grecque et de la gouverner par la peur afin de l’inciter à voter au référendum dans le sens désiré par les Institutions, ainsi que de tenter de la retourner contre son gouvernement accusé d’être à l’origine de la fermeture des banques, quand c’est au contraire la panique organisée par la BCE qui l’y a forcé. Mensonges et manigances à visée politique, alors que la BCE non seulement n’a aucun mandat politique mais encore a bien une mission d’assurer la stabilité du système, non de la torpiller exprès.</p>
<p>Cette politique est non seulement complètement en dehors du mandat et du fonctionnement normal des Institutions notamment la BCE, mais encore c’est un jeu très dangereux en soi. Dangereux certes pour la cause du Oui comme pour la réputation de l’Union européenne.</p>
<p>Mais encore et bien avant cela... dangereux pour la stabilité économique générale. Les risques de « contagion » et de déclenchement d’une crise financière à partir de la situation grecque ne doivent pas être surestimés, mais qu’ils soient faibles n’implique pas qu’ils soient inexistants. Que des institutions comme le FMI et la BCE prennent un risque de déstabilisation à grande échelle, même un risque relativement faible, rien que pour empêcher le déplacement limité d’un certain équilibre dans la négociation avec un petit pays débiteur dont la dette est quoi qu’il en soit impossible à rembourser en totalité... est un spectacle stupéfiant pour ne pas dire atterrant.</p>
<p>Les Romains demandaient <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Quis_custodiet_ipsos_custodes%3F" hreflang="fr">Quis custodiet ipsos custodes?</a> C’est-à-dire : qui gardera (contre) ceux qui sont supposés être les gardiens ?</p>
<p>De fait, ni la Grèce, ni aucun autre pays européen n’est gardé ni protégé contre les errements et les folies de ceux qui sont supposés garder et protéger leur système financier, de la Banque Centrale Européenne au Fonds Monétaire International.</p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q7"><h5>7. Faut-il s’attendre à ce que les Grecs répondent Oui ou Non ?</h5>
</a>
<p>Les sondages réalisés depuis l’annonce du référendum donnent des résultats divergents, et globalement proches de l’équilibre.</p>
<p>Quand bien même tout ce qui compte en Europe leur a annoncé sortie de l’euro et catastrophe pour le cas où ils voteraient Non, ils ne se prononceront pas sur une proposition de leur gouvernement de sortir de l’euro, mais sur l’acceptation ou le refus d’un certain accord avec les créanciers ("memorandum" étant le terme consacré). Bref, non pas sur une décision de sortie volontaire de l’euro, mais sur une exigence d’avoir à accepter un certain accord, sous la menace d’être sortis de l’euro de force - ce qui n’est pas la même chose.</p>
<p>D’une manière générale, <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2015/07/01/97002-20150701FILWWW00026-le-non-l-emporterait-en-grece.phphttp:/www.lefigaro.fr/flash-eco/2015/07/01/97002-20150701FILWWW00026-le-non-l-emporterait-en-grece.php" hreflang="fr">le vote Non était en tête avant la fermeture forcée des banques, et a beaucoup diminué ensuite</a>, un sondage donnant par exemple 57 contre 30 pour le Non avant la fermeture des banques, 46 contre 37 après. C’est l’effet de la pression et de la menace exercée par les Institutions sur la population grecque.</p>
<p>Une tendance demeure en faveur du Non, mais elle est loin d’être suffisamment claire pour paraître inébranlable. L’incertitude demeure.</p>
<p>Une résonance historique pourrait s’avérer importante – il faut se souvenir que les Grecs fêtent chaque année le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jour_du_Non" hreflang="fr">Jour du Non</a>, qui commémore le refus par la Grèce le 28 octobre 1940 de l’ultimatum du dictateur italien Mussolini, refus de se soumettre à l’Axe qui a été suivi d’une invasion italo-allemande et d’une occupation très dure tuant environ 8% de la population du pays. C’est un fait que l’une des principales gloires de l’histoire grecque moderne est d’avoir su dire Non à un ultimatum. La décision des Institutions de donner à leur position la forme d’un ultimatum en apparaît d’autant plus malavisée. Le gouvernement Tsipras ne fait pas explicitement le rapport, mais il ne se prive pas d’appeler ultimatum le comportement des Institutions et de presser les Grecs de ne pas céder à la peur.</p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Spartiates_m.jpg" alt="Spartiates.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>Comme Léonidas aux Thermopyles, Alexis Tsipras attend de pied ferme les Austéritaires</em></p>
<p align="center"><em>La Grèce repoussera-t-elle leurs assauts, pour l’Europe sociale ?</em></p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q8"><h5>8. Si c’est Oui, que se passera-t-il ?</h5>
</a>
<p>En cas de Oui, le gouvernement grec déjà soumis à pression maximale de la part des Institutions n’aurait évidemment pas d’autre choix que d’appliquer l’accord tel que proposé par l’Eurogroupe jeudi 25 juin, le peuple grec lui ayant alors donné instruction explicite de le faire. Sans doute des questions de procédure se posent, le mécanisme de négociation devant changer, mais si c’est pour constater leur victoire les Institutions sauront trouver une solution.</p>
<p>La question serait l’avenir de ce gouvernement, entre simple remaniement ministériel pour laisser passer l’orage et en ayant pris date pour le moment où les effets récessifs de l’accord auront eu le temps d’encore empirer la situation économique du pays, et démission du premier ministre Alexis Tsipras avec nouvelles élections… mais qui pourraient bien déboucher sur une nouvelle victoire de Syriza dont la popularité atteignait 60% avant la fermeture des banques, peut-être même avec une majorité à lui seul cette fois-ci plutôt que de dépendre d’une coalition avec le parti de droite souverainiste Anel.</p>
<p>Quand bien même le Oui l’emporterait, Tsipras démissionnerait et serait remplacé par un premier ministre acquis aux Institutions... la dette n’en deviendrait pas plus soutenable pour autant. Le seul changement est qu’il serait possible de faire semblant de ne pas le remarquer un peu plus longtemps, tout en continuant la politique économique qui a si bien réussi à la Grèce ces cinq dernières années, d’où probable continuation de la récession et dette encore plus insoutenable au final.</p>
<p>Pour <a href="http://www.lesoir.be/926063/article/actualite/union-europeenne/2015-07-02/martin-schulz-s-attend-un-gouvernement-technocrates-en-grece" hreflang="fr">le président du Parlement européen Martin Schulz</a>, en cas de victoire du Oui, le gouvernement Tsipras devrait démissionner, suite à quoi un "<em>gouvernement de technocrates</em>" devrait être désigné, "<em>pour que nous puissions continuer à négocier</em>". Ce serait ainsi "<em>la fin de l’ère Syriza</em>"
Il s’agit bien du scénario le plus probable. De fait, après un vote Oui, le gouvernement Tsipras serait fort affaibli. Le soutien populaire lui ayant été refusé, il n’aurait rien à opposer à un ultimatum franc (bien sûr non public) d’avoir à démissionner sous peine que la Grèce soit quand même expulsée de l’euro – en pratique, que les banques ne puissent rouvrir, entraînant la poursuite de l’effondrement économique. Il paraît difficile qu’il puisse résister à une telle injonction des Institutions.</p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Martin_Schulz_m.jpg" alt="Martin_Schulz.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>Pour le président du Parlement européen, la priorité est de renverser le gouvernement grec</em></p>
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<p>Il faut craindre que l’avertissement de feu Philippe Séguin dans un <a href="http://blogs.mediapart.fr/blog/danyves/180313/le-discours-premonitoire-de-philippe-seguinhttp://blogs.mediapart.fr/blog/danyves/180313/le-discours-premonitoire-de-philippe-seguin" hreflang="fr">discours à l’Assemblée Nationale le 5 mai 1992</a> lors de la campagne pour le référendum sur le traité de Maastricht ne s’avère prémonitoire :</p>
<blockquote><p>«L’Europe qu’on nous propose (…) enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution : 1992 est littéralement l’anti-1789. (...) Craignons alors que, pour finir, les sentiments nationaux, à force d’être étouffés, ne s’exacerbent jusqu’à se muer en nationalismes et ne conduisent l’Europe, une fois encore, au bord de graves difficultés, car rien n’est plus dangereux qu’une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s’exprime sa liberté, c’est-à-dire son droit imprescriptible à choisir son destin.»</p>
</blockquote>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q9"><h5>9. Si c’est Non, que se passera-t-il ?</h5>
</a>
<p>La suite d’un vote Non dépendrait essentiellement de la décision toute politique des chefs d’Etat de l’eurozone, avec deux options principales :</p>
<p>1. Soit tenir compte du refus du peuple grec et négocier un accord moins déséquilibré avec le gouvernement Tsipras, par exemple approuver en l’état la dernière proposition d’accord de ce gouvernement du 22 juin 2015, qui déjà représentait une large victoire de la logique des institutions comme elle prévoyait essentiellement une poursuite de l’austérité en version seulement adoucie, en même temps qu’ouvrir la négociation sur la restructuration de la dette grecque que le bon sens exige depuis cinq ans déjà</p>
<p>
2. Soit prendre prétexte du refus de leur proposition pour expulser la Grèce de l’eurozone, en expliquant à la cantonnade que tel est le véritable sens du vote grec et que telle était la question posée, alors que c’est à l’évidence faux. Qu’il n’existe aucune procédure pour expulser un Etat de l’eurozone n’empêche pas qu’il suffirait à la BCE de maintenir son absence actuelle de soutien aux banques grecques pour forcer la sortie même à un gouvernement et une population grecs qui ne le voudraient pas</p>
<p>
Si on se fie à la communication des Institutions et des principaux chefs d’Etat de l’eurozone depuis l’annonce du référendum, voter Non c’est refuser l’euro, mais ce discours est à l’évidence pression sur la population grecque pour qu’elle vote Oui, il ne préjuge pas nécessairement de leur décision finale.</p>
<p>
Si les chefs d’Etat choisissent l’option 1, c’est une austérité moindre pour les Grecs et au moins l’ouverture du processus de résolution de la crise – qui passe aussi douloureux que cela soit par une réduction de leur dette.</p>
<p>
S’ils choisissent l’option 2, alors la Grèce fera défaut sur la partie de sa dette due aux Institutions européennes, arguant de l’injustice qui lui est faite au mépris des règles de l’UE. Elle deviendra un Etat relativement peu endetté et doté d’une nouvelle monnaie compétitive. Cependant, la période de transition risque d’être véritablement chaotique.</p>
<br />
<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q10"><h5>10. Un effondrement économique de la Grèce est-il possible ?</h5>
</a>
<p>Non seulement il est possible, mais il a commencé, conséquence de la fermeture des banques et du contrôle des capitaux imposé par les Institutions au gouvernement grec.</p>
<p>La description de <a href="http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11714655/Greek-banks-down-to-500m-in-cash-reserves-as-economy-crashes.html" hreflang="fr">quelques-uns des problèmes critiques que cette situation commence à poser</a> a de quoi effarer. Voici la traduction de quelques extraits significatifs :</p>
<blockquote><p>Les dernières réserves du système bancaire s’évaporent d’heure en heure et (des) pans de l’industrie commencent à s’arrêter (...)</p>
<p>Constantine Michalos, chef de la Chambre de Commerce Hellène, dit que les prêteurs arrivent à court d’argent "Nous avons des informations fiables comme quoi les réserves de liquide des banques sont descendues à 500 millions. Celui qui imagine qu’elles rouvriront mardi, il rêve. Le liquide durerait tout juste une heure (…) La communauté des affaires grecque toute entière est dans l’incapacité d’importer quoi que ce soit, et sans matières premières ils ne peuvent rien produire"</p>
<p>(...) "Je ne peux rien importer. Les restaurants commencent à fermer parce qu’ils ne peuvent obtenir de nourriture et nous arrivons au pic de la saison touristique. Si ça continue, ce sera tout simplement horrible"</p>
</blockquote>
<p>Pendant ce temps, le gouvernement <a href="http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11716318/Greeces-Yanis-Varoufakis-prepares-for-economic-siege-as-companies-issue-private-currencies.html" hreflang="fr">prépare des mesures d’urgence</a> pour le cas où la pression européenne continuerait au-delà du référendum</p>
<blockquote><p>"Heureusement nous avons des réserves de pétrole pour six mois et quatre mois pour les médicaments"</p>
<p>
(Le ministre des finances grec) Varoufakis dit qu’un comité spécial de cinq personnes du Trésor, de la Banque de Grèce, des syndicats et des banques privées travaille dans une "salle de crise" (pour) allouer les précieuses réserves aux importations prioritaires.</p>
</blockquote>
<p>
Une chose semble certaine. Si la BCE ne restaure pas le financement des banques grecques de façon à leur permettre d’ouvrir mardi prochain, remplissant ainsi son mandat d’assurer la stabilité économique des pays membres de l’euro, l’effondrement au moins temporaire de l’économie grecque déjà bien mal en point après cinq années de tutelle de la Troïka suscitera une recherche furieuse de responsables et de coupables. Les uns accuseront le gouvernement Tsipras, les autres la BCE, d’autres encore l’Allemagne, mais de toute façon le ressentiment sera grand.</p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q11"><h5>11. Les créanciers sont-ils tous alignés sans divergence ?</h5>
</a>
<p>Des tiraillements assez vifs apparaissent parmi les chefs d’Etat et responsables des Institutions. On peut lister :</p>
<p>- Les différences de positionnement entre la chancelière allemande Angela Merkel et son ministre des finances Wolfgang Schaüble quant à la désirabilité de la sortie de l’euro de la Grèce étaient déjà dans la presse d’outre-Rhin avant le passage à cette phase plus aiguë de la crise. Il semble que la chancelière se soit ralliée à la position pro-expulsion de son ministre, après avoir pourtant déclaré quelques jours plus tôt <em>« Si l’euro échoue, l’Europe échoue »</em> et appelé au compromis</p>
<p>- Le gouvernement français craint le risque politique lié à l’expulsion de la Grèce et aurait voulu davantage de souplesse dans la négociation, le président François Hollande allant jusqu’à <a href="http://www.lesechos.fr/journal20150626/lec1_monde/021164835677-paris-et-berlin-divergent-dangereusement-1131898.php" hreflang="fr">exprimer en public ses divergences</a> <em>« Pour la Grèce, pour la zone euro, il faut savoir terminer une négociation »</em>, avant de se raviser peu après suite à un entretien avec la chancelière</p>
<p>- Le FMI fait pression sur l’Union européenne pour une restructuration de la dette grecque, dont le gouvernement allemand ne veut pas entendre parler, quoique la France par son ministre des finances Michel Sapin se soit montrée disposée à l’envisager. Selon une étude du FMI parue de manière fort opportune pendant la campagne référendaire, une restructuration de la dette grecque incluant une forte décote est nécessaire pour que le pays ne reste pas bloqué indéfiniment, dans l’incapacité de se développer, tout comme de rembourser une partie un tant soit peu significative de sa dette</p>
<p>Ces tensions sont probablement promises à s’intensifier, encore davantage si le Non l’emporte. C’est qu’avec le défaut de la Grèce au FMI on commence à couper dans le vif. Si tout cela se termine mal, chacun veut pouvoir expliquer que c’est de la faute des autres... ce qui est vrai aussi entre créanciers.</p>
<p>On ne peut éviter de noter que la position maximaliste du gouvernement allemand de refuser toute restructuration ou décote de la dette grecque pourtant impossible à rembourser est surprenante au regard de l’histoire de l’Allemagne. Au XXème siècle, Berlin a soit fait défaut sur sa dette, soit bénéficié d’une annulation ou d’une large restructuration pas moins de quatre fois, en 1923, 1930, 1953 et 1990, cette dernière date correspondant à l’abandon de réparations dues suite à la seconde guerre mondiale qui étaient retardées jusqu’au moment de la réunification. Les Grecs ont clairement fait des erreurs dans la période exubérante de 2000 à 2009, mais du moins il ne s’agissait que de folies financières, pas d’agressions généralisées sur tout le continent européen.</p>
<p>Par comparaison, la France n’a plus fait défaut sur sa dette depuis 1812 – suite à la campagne russe de Napoléon – et le gouvernement français n’en avait pas moins une position plus réaliste sur la dette grecque. Position malheureusement abandonnée sous influence directrice de Berlin.</p>
<br />
<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q12"><h5>12. Comment les pays hors de l’Union européenne tentent-ils de peser sur la crise ?</h5>
</a>
<p>Deux pays sont fortement intéressés à la crise, Russie et Etats-Unis.</p>
<p>
La réaction de Moscou à l’annonce du référendum grec est notable. <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/06/29/20002-20150629LIVWWW00099-en-direct-live-crise-grecque-grece-tsipras-banques-faillite.php" hreflang="fr">Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov</a> « comprend bien » la politique d’Alexis Tsipras et rejette sur Bruxelles la responsabilité d’éventuelles « conséquences néfastes » pour la Grèce. Faisant suite aux rencontres entre Poutine et Tsipras au mois de juin, cette compréhension est bien évidemment tout sauf désintéressée.</p>
<p>
La Russie pourrait en effet trouver des moyens de soutenir la Grèce sans dépenser trop. A ce jour, avant même que la Grèce n’ait mis en jeu la possibilité dont elle dispose en tant que membre de l’Union européenne de bloquer le renouvellement des sanctions européennes antirusses en 2016, elle a reçu une exemption de l’embargo de Moscou contre les produits agroalimentaires européens ainsi qu’un plan pour 2 milliards d’investissement dans la prolongation du pipeline Turkish Stream.</p>
<p>
Il ne s’agit là que de la mise en bouche. Pour la Russie, l’enjeu de mettre fin aux sanctions européennes dès 2016 et sans bouger d’un pouce sur le dossier ukrainien semble suffisamment important pour qu’elle y consacre quelques efforts. Moscou est certes plus pauvre aujourd’hui qu’il y a un an, suite à la baisse du prix du pétrole, mais ses réserves se montent toujours à plusieurs centaines de milliards de dollars, et en consacrer quelques-uns à se mettre la Grèce dans la poche politiquement parlant vaudrait largement le coup si c’est en échange de la fin des sanctions européennes.
Pour la Grèce privée d’investisseurs internationaux après le défaut et l’expulsion de l’euro, quelques milliards d’investissements privés dans son économie seraient un enjeu notable, une aide appréciable pour traverser la période initiale difficile.</p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/Poutine_en_rit.png" alt="Poutine_en_rit.png" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>« Amateurs ! Ils nous ont mis sous sanctions en même temps qu’ils ont poussé les Grecs dans leurs derniers retranchements… et ils n’ont pas imaginé que je pourrais m’entendre avec Tsipras ! »</em></p>
<br />
<p>Les Etats-Unis quant à eux voient le risque de rapprochement de la Grèce avec la Russie la faisant sortir de la sphère d’influence américaine, au point de risquer de faire supprimer les sanctions européennes contre la Russie qui ne pourront être renouvelées en 2016 si Athènes le refuse, donc de faire s’écrouler l’essentiel de la stratégie américaine contre Moscou étant donné que la Russie est liée économiquement principalement à l’Europe pour plus de la moitié de son commerce extérieur, seulement pour 5% avec les Etats-Unis. Ceci sans compter naturellement le risque de perturbations sur l’économie mondiale, donc américaine, qui ne se porte pas si bien et n’a aucun besoin de choc de quelque nature que ce soit.</p>
<p>
Les Etats-Unis sont le pays le plus influent au FMI, et il n’est pas impossible que l’activisme récent du Fonds en faveur d’une restructuration de la dette grecque doive à leur influence.</p>
<p>
Il y a fort à parier que Washington exerce toute sa pression pour que l’Union européenne n’expulse pas la Grèce de l’euro, même en cas de vote Non. Reste à savoir si cette pression serait suffisante, sachant que, Paris étant en position passive, c’est avant tout à Berlin que la décision serait prise.</p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Obama_en_colere_m.jpg" alt="Obama_en_colere.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>« Incompétents ! Eurogroupe et Grèce, pas un pour rattraper l’autre ! »</em></p>
<br />
<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q13"><h5>13. Si la Grèce fait défaut sur tout ou partie de sa dette publique, qui paiera et combien ?</h5>
</a>
<p>Nul ne peut répondre précisément à cette question, car tout dépend des détails précis du défaut : sur quelle partie de la dette grecque il porterait, serait-il total ou partiel… Ce que l’on peut préciser, c’est la valeur maximale à risque, sachant qu’un défaut sur la totalité de ce montant est improbable.</p>
<p>
La dette publique grecque s’élève à 320 milliards d’euros, dont 230 milliards environ sont dus aux autres Etats de l’eurozone, soit par l’intermédiaire du Mécanisme Européen de Stabilité, soit par l’intermédiaire de la BCE. Cette dette aux autres Etats est le résultat de la décision des dirigeants européens en 2010 de prendre en charge la dette grecque aux banques internationales, qu’Athènes aurait sinon été dans l’incapacité de payer – le défaut total ou partiel aurait eu lieu alors, et ce sont des acteurs privés qui en auraient pâti. La Grèce a fait alors défaut sur une partie minoritaire de sa dette, ce qui a été accepté par les banques concernées en échange de la garantie des contribuables européens solvables sur la majorité du reste.</p>
<p>
De plus, les banques grecques ont reçu un financement de la BCE à hauteur de 89 milliards d’euros (dispositif de fonds d’urgence ELA).</p>
<p>
Enfin, la balance de la Grèce dans le système de compensation européen Target2 est fortement négative – beaucoup moins cependant que celles de l’Espagne ou de l’Italie – à hauteur de 100 milliards d’euros.</p>
<p>
Le total de la valeur à risque pour les autres pays de l’eurozone est donc à hauteur de 420 milliards d’euros environ, ce qui correspond à un maximum théorique, au « pire du pire » des défauts grecs envisageables. La part de la France sur ce total correspond à sa part dans le système économique de l’eurozone, soit légèrement plus de 20%. Le maximum théorique des pertes que risque la France est donc d’environ 85 milliards d’euros.</p>
<p>
Le plus probable cependant est qu’un défaut grec serait partiel, pour fixer les idées de l’ordre de la moitié du total. On peut donc grossièrement estimer des pertes pour la France dans ce cas à hauteur de 40 à 50 milliards d’euros. En pratique, ces pertes s’ajouteraient à la dette publique de la France, l’augmentant d’un coup d’au moins 2% du PIB français – elle est actuellement estimée à 97,5% du PIB.</p>
<br />
<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q14"><h5>14. Si la Grèce est forcée à sortir de l’euro, aura-t-elle les moyens de se relever ?</h5>
</a>
<p>Une Grèce sortie de l’euro de force connaîtra des difficultés ponctuelles graves, voire catastrophiques. Une monnaie nationale dévaluée par rapport à l’ancien euro augmentera la compétitivité de ses exportations – notamment le tourisme – mais renchérira aussi le prix des produits importés. Le pays aura d’autre part besoin d’investissements pour son développement.</p>
<p>
Il faut noter deux faits importants :</p>
<p>
- La <a href="http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays=GRC&codeStat=NE.RSB.GNFS.ZS&codeStat2=x" hreflang="en">balance commerciale de la Grèce</a> a évolué d’un déficit de 14% du PIB en 2009 jusqu’à un déficit de 2,6% en 2013. La Grèce reste donc en déficit commercial, mais il s’est très fortement réduit ces dernières années. Il est par exemple nettement plus faible que celui de la France.</p>
<p>
- La <a href="http://www.bankofgreece.gr/BogEkdoseis/financialstat201505_en.pdf" hreflang="en">balance Target2</a> de la banque de Grèce dans l’eurosystème était de l’ordre de 100,3 milliards d’euros en mai 2015. Ce qui signifie que les entreprises et citoyens grecs avaient placé cette même somme dans des banques du reste de la zone euro. La fuite des capitaux depuis, à raison de plusieurs milliards par semaine, a encore augmenté ce montant.</p>
<p>
Les entreprises et personnes privées grecques qui ont mis ces fonds ailleurs dans l’eurozone sont intéressés à continuer leur activité - pour les entreprises - et assurer leurs besoins en cas de coup dur - pour les personnes privées. C’est précisément dans ce but qu’ils ont placé des fonds hors d’atteinte d’une possible dévaluation. En cas de sortie de la Grèce de l’euro, ces sommes resteront en euro, resteront la propriété de citoyens et d’entreprises grecs. Elles permettront donc des achats à l’extérieur sans souffrir d’aucune inflation importée, c’est-à-dire du renchérissement des prix des produits importés provoqué par la baisse de la monnaie nationale.</p>
<p>
La séparation forcée de la Grèce de la zone euro générerait des difficultés graves dans le court terme, ceci est hors de doute. Cependant, la Grèce a plus que quelques biscuits pour passer la période la plus difficile, c’est-à-dire la transition avant l’impact positif de la dévaluation sur sa compétitivité extérieure et l’effet de relance de l’économie qui en résulterait.</p>
<h5><a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q15">15. Est-il possible que la Grèce soit expulsée de l’Union européenne ?</a></h5>
<p>L’expulsion de la Grèce hors de l’UE est impraticable, contrairement à son expulsion de l’eurozone. En effet, non seulement aucune procédure n’existe à cet effet, mais aucun mécanisme ne peut forcer la Grèce à en prendre elle-même le chemin, comme le refus de soutien des banques grecques par la BCE permettait de forcer la sortie de l’euro.</p>
<p>
Quant à créer une procédure ad hoc, il y faudrait à coup sûr l’unanimité des autres pays. Or, de Chypre à la Hongrie sans compter Bulgarie, et d’autres encore, plusieurs pays la refuseront certainement, que ce soit par proximité avec la Grèce, du fait de relations troublées avec Bruxelles ou plus simplement par crainte d’être un jour prochain le suivant sur la liste des exclus.</p>
<p>
Comme le gouvernement et le peuple grec souhaitent rester dans l’UE, ils y resteront. Les expulser n’est pas possible.</p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q16"><h5>16. Au fait… quels sont les véritables objectifs des uns et des autres ?</h5>
</a>
<p>
L’objectif avoué des créanciers notamment de l’Allemagne et des pays alignés sur elle est d’assurer la cohérence de l’eurozone en forçant le respect des règles de la politique d’austérité qu’ils ont choisie et veulent maintenir quels que soient ses résultats jusqu’ici. Leur crainte, si une véritable négociation débouchait sur une inflexion de cette politique ou sur une réduction sérieuse de la dette dans le cas de la Grèce, est que d’autres pays qui souffrent de la politique d’austérité ne tardent pas à la remettre en cause eux aussi, par exemple l’Espagne où le mouvement Podemos, comparable au grec Syriza, est en progression nette et risquerait de parvenir au pouvoir, ou dans d’autres pays. Ils craignent la contagion de la remise en cause de la politique d’austérité, et n’en font pas mystère.</p>
<p>
Se pourrait-il que le gouvernement grec quant à lui ait d’autres objectifs que ceux qu’il affiche ?</p>
<p>
Alexis Tsipras s’est en effet montré capable de ruser et de dissimuler, cédant en apparence aux exigences des Institutions mercredi 1er juillet le matin, tout en maintenant la demande de renégociation de la dette, puis faisant en fin de journée un discours offensif à la nation se scandalisant de leur refus. Il a ainsi tendu un piège aux créanciers en acceptant presque tout ce qu’il refusait et pourquoi il avait appelé au référendum, prévoyant que l’Allemagne refuserait ce qui lui permettrait de pousser encore l’idée que c’est à un mur que la Grèce s’adresse, que les créanciers ne négocient pas de bonne foi, et donc de favoriser le vote Non. Angela Merkel comme Wolfgang Schaüble sont tombés à pieds joints dans le piège.</p>
<p>
Puisqu’il est capable de dissimuler aussi bien, il est permis de se demander s’il ne dissimule pas d’autres choses encore, et quels sont ses véritables objectifs.</p>
<p>
Et si le gouvernement grec avait conclu que faire changer de stratégie économique les créanciers était sans espoir et que la <a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/miracle-reykjavik-comment-islande-est-sortie-crise-en-faisant-tout-inverse-autres-nicolas-goetzmann-2196384.html" hreflang="fr">stratégie islandaise</a> était la meilleure option pour la Grèce ? Dans ce cas, il ne saurait être question de le dire, il faudrait s’arranger pour se faire expulser de l’euro à son corps défendant, à la fois pour raison de politique interne – car la majorité des Grecs est attachée à l’euro - et afin de s’assurer que toutes les pertes liées à la sortie restent à charge de l’UE et de la BCE. L’objectif serait d’attirer les créanciers dans un piège afin qu’ils "forcent" le gouvernement grec à appliquer la stratégie islandaise de sortie de crise que précisément il voulait appliquer.</p>
<p>
Cela reste une simple hypothèse. Mais si elle est vérifiée, alors les tactiques de Tsipras et de Varoufakis ne sont ni brouillonnes ni incompréhensibles comme les Institutions l’ont plusieurs fois suggéré. Elles sont parfaitement calculées.</p>
<img src="http://www.noeud-gordien.fr/public/.Ulysse_et_le_Cyclope_m.jpg" alt="Ulysse_et_le_Cyclope.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" />
<p align="center"><em>Ulysse doit sa renommée à sa mètis, c’est-à-dire sa ruse</em></p>
<p align="center"><em>Le cyclope est le plus fort, mais Ulysse parvient à le tromper pour s’échapper avec ses compagnons</em></p>
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<a href="http://www.noeud-gordien.fr/index.php?post/2015/06/30/Crise-grecque%2C-que-peut-il-se-passer-maintenant#" name="q17"><h5>17. On parle d’un risque de « contagion ». Cette crise peut-elle déboucher sur une crise financière européenne voire mondiale ?</h5>
</a>
<p>
Le FMI entre autres a pu évoquer le risque d’un « Lehmann européen ». On se souvient que la faillite de la banque d’affaires américaine Lehmann Brothers en septembre 2008 avait débouché sur un blocage des transactions entre banques à l’échelle mondiale, chacune craignant de faire des opérations avec toute autre qui pouvait être la suivante à faire faillite, le tout résultant en une crise économique mondiale.</p>
<p>
La complexité du système financier mondial, et les réformes seulement cosmétiques qu’il a connu depuis son « accident » de 2008, ouvrent en théorie la possibilité que des événements relativement localisés comme la faillite d’un pays ne représentant pas 0,3% de l’économie mondiale ne provoquent des remous à très grande échelle.</p>
<p>
Paul Jorion, l’un des rares économistes qui avait vu venir la crise des subprimes de 2008, <a href="http://www.lecho.be/dossier/dettegrecque/Paul_Jorion_Il_y_a_un_million_de_choses_qui_peuvent_mal_tourner.9649978-7964.art?ckc=1&ts=1435515703" hreflang="fr">pouvait ainsi dire le 28 juin</a></p>
<blockquote><p>« Nous sommes dans un système financier extrêmement fragilisé, peut-être presque dans une situation à la " Lehman Brothers ". Personne n’avait pensé à l’époque que c’était les fonds monétaires (money market funds) qui allaient provoquer l’étincelle.</p>
<p>On ne peut pas colmater toutes les brèches. On ne peut pas maîtriser complètement la situation. C’est pourquoi la situation est détonante. Il y a un million de choses qui peuvent mal tourner. C’est une situation très mal maîtrisée. »</p>
</blockquote>
<p>
C’est évidemment poser la question du risque de contagion de la crise. Il y a certainement plusieurs voies de contagion possibles :</p>
<p>
- par les banques grecques dont la solvabilité et la survie sont en question,</p>
<p>
- par le FMI qui subira le premier défaut et la première perte de son histoire,</p>
<p>
- par les taux d’intérêts sur les dettes publiques des Etats européens les plus en difficulté, qui pourraient s’emballer s’il apparaît que la Grèce pourrait faire défaut sur sa dette souveraine, les poussant eux-mêmes vers le défaut</p>
<p>
- par le précédent potentiel d’une Grèce sortant de l’euro et la spéculation qui pourrait s’ensuivre sur l’identité du prochain</p>
<p>
- par l’impact sur la croissance européenne de cette crise à un moment où la croissance américaine déçoit et l’impact potentiel sur les marchés action</p>
<p>
- par les dérivés de crédit CDS (<em>credit default swaps</em>), des paris sur la faillite ou non de tel ou tel prêteur dont le marché est à la fois très opaque et de très grande taille</p>
<p>
Cette liste n’est pas limitative. Et nul ne peut garantir que la crise grecque ne constituera pas un nouvel « accident ».</p>
<p>
La raison principale pour laquelle cela reste peu probable est que les banques centrales du monde entier, y compris la BCE, se sont habituées depuis 2008 à étouffer toutes les crises et tous les risques sous des matelas d’argent fraîchement imprimés. Bien sûr, cette politique de planche à billets pour cacher et reporter tous les problèmes est dangereuse sur le fonds et à terme risque de s’avérer catastrophique, mais il est difficile d’imaginer que la crise grecque à elle seule puisse déclencher une crise inflationniste mondiale. Cette crise n’est tout simplement pas assez massive, lorsque les montants imprimés par les grandes banques centrales se comptent en centaines de milliards par an rien que pour la BCE ou rien que pour la Banque Fédérale américaine.</p>
<p>
La planche à billets aplanira probablement les problèmes éventuels... encore pour cette fois.</p>
<br />
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